Convention n°188 sur le travail a la pêche: les raisons d'une mise en oeuvre difficile

AuthorAlexandre Charbonneau
ProfessionMaître de conférences à l'Université de Bordeaux. UMR CNRS COMPTRASEC
Pages241-258
241PESCA MARÍTIMA Y CRECIMIENTO SOSTENIBLE: ANÁLISIS EN CLAVE JURÍDICA
CHAPITRE 10
Convention n°188 sur le travail a la pêche:
les raisons d’une mise en œuvre diff‌icile1
ALEXANDRE CHARBONNEAU
Maître de conférences à l’Université de Bordeaux.
UMR CNRS COMPTRASEC.
SOMMAIRE: 1. Des normes in ternationales du tr avail à l’épreuve de la ré alité. 1.1. L’ af f‌i r-
mation de «conditions dé centes pour tra vailler à bord des navires de pê che». 1.1.1. Co nsoli-
dation des instrume nts antérieurs. 1.1.2. Un champ d ’application large, asso rti de clauses de
f‌lexibilit é. 1.1.3. Des respons abilités établies en matière de respect de la mise en œ uvre de la
convention. 1.2 . Des attentes t rop lourdes à por ter ? 2. Normes internation ales du travail et
multilat éralisme. 2 .1. Le dialogue so cial et le multilatéralisme comme fac teurs de réalisation
du droit international du t ravail. 2.2. Développer une promotion multilatérale de la c onvention
n°188 .
En cette année de célébration du centenaire de l’Organisation interna-
tionale du travail (O.I.T.), de nombreuses manifestations et publications ont
été l’occasion de faire le bilan de son action normative2. Sur le plan quanti-
1 Cette contribution prolonge une précédente présentation ef‌fectuée lors du colloque
Regards croisés universitaires et syndicaux sur l’OIT: quelles ambitions pour le deu-
xième centenaire ?, organisé par l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne/ISST, le 23
septembre 2019. Une version de ce texte remanié sera publiée sous la direction de
N. Maggi-Germain, L’impact des normes de l’Organisation international du Travail
sur la scène internationale. Actes du colloque organisé pour le centenaire de l’O.I.T.,
Paris, MARE & MARTIN, à paraître en 2021.
2 Outre le présent ouvrage, V. A. Supiot (dir.), Le travail au XXIe siècle, Les Édi-
tions de l’Atelier/Les Éditions Ouvrières, 2019; le colloque Le droit en faveur de
la justice sociale organisé par le Bureau international du travail du 15 au 17 avril
2019, dont les actes ont été publiés (https://www.ilo.org/wcmsp5/groups/public/-
--dgreports/---jur/documents/publication/wcms_732217.pdf, consulté le 27 juillet
2020). V., également le numéro spécial de la revue Droit social, coordonné par S.
ALEXANDRE CHARBONNEAU
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FRANCISCA FERNÁNDEZ PROL | COORDINADORA
tatif, celle-ci apparaît unique à l’échelle des Nations Unies, puisque la 190ème
convention internationale du travail, sur la violence et le harcèlement, a été
adoptée en juin 2019. Cependant, cet imposant édif‌ice normatif montre des
fragilités structurelles importantes. On le juge souvent vieillissant car centré
sur le modèle industriel européen et nord-américain. Il serait également ina-
dapté à couvrir certaines formes de travail très répandues au niveau mondial
(agriculture, économie informelle, plateformes…).
Si ces critiques sont légitimes et doivent alimenter une réf‌lexion sur
l’amélioration continue du service rendu par l’OIT, elles méritent cependant
d’être relativisées. L es normes internationales du travail, le système de contrôle
de leur application, l’assistance technique fournie aux États membres pour les
appuyer dans la mise en œuvre des instruments, tout cela a permis d’enregis-
trer des progrès considérables, que ce soit en matière de lutte contre le travail
des enfants3, de non-discrimination, de dialogue social ou de santé et de sécu-
rité au travail. La Déclaration du centenaire de l’O.I.T. pour l’avenir du travail
de 2019 réaf‌f‌irme d’ailleurs, dans sa partie IV, le rôle essentiel du mandat nor-
matif de cette Organisation.
De ce point de vue, le secteur maritime est souvent cité en exemple. En
ef‌fet, trois instruments importants ont été adoptés depuis le début des années
2000. Il s’agit de la convention n°185 sur les pièces d’identité des gens de mer,
révisée (2003), de la convention du travail ma ritime 2006 (MLC, 2006) et de la
convention n°188 sur le travail à la pêche (2007). En particulier, la MLC, 2006,
qui vise les travail leurs du transport ma ritime, peut être qualif‌iée de succès au
regard du nombre de ratif‌ications enregistrées (97 États membres représentant
plus de 91% de la jauge brute mondiale). Les deux autres conventions secto-
rielles connaissent des débuts plus dif‌f‌iciles.
Cette contribution entend apporter un éclairage particulier sur la façon
dont l’OIT a abordé la question de la modernisation de ses instr uments consa-
Robin-Olivier et consacré au «Centenaire de l’OIT», Janvier 2020; les deux numéros
spéciaux de la Revue internationale du travail sur «L’avenir du travail», vol. 158 et
159, décembre 2019 et janvier 2020.
3 En témoigne la ratif‌ication dite «universelle», c’est-à-dire par l’ensemble des Etats
membres de l’OIT, de la Convention n°182 sur les pires formes de travail des en-
fants, de 1999.

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