La sécurité comme indicateur du rapport de la pêche au social

AuthorRaphaël Baumler
ProfessionWorld Maritime University, Malmö Suède
Pages25-56
25LOS DESAFÍOS DE LA PESCA SOSTENIBLE: DIAGNÓSTICO Y PROPUESTAS DESDE UNA ÓPTICA JURÍDICA
CHAPITRE 1
La sécurité comme indicateur
du rapport de la pêche
RAPHAËL BAUMLER
World Maritime University, Malmö Suède.
SOMMAIRE: 1. Introduction. 2. Les risques du m étier. 3. La mort en mer. 4. La grande trans-
formation. 5. De la construct ion à l’e xploitation du navire. 6. Une analyse systémique du s ec-
teu r. 7. Mesur er la sécurité et sant é au travail. 8. Un cadre institutionnel peu ambitieux. 9.
Discipliner les marins-pêcheurs entre coercition et incitation. 10. Con clusion – trouver des
alliés. 11. Reference.
RÉSUMÉ: Malgré le manque de données glob ales, les études disponibles montrent des tau x
d’accidents mortels à la pêche très supérieurs aux autres profes sions. Ce relatif manque de
sécurité peut aussi indiquer la faible considération du sec teur pour la vie des travailleurs en
mer. L’utilisation de concept s liés à l’approche systé mique rappelle que la condition d’objectif
de la pêche est aujourd’ hui la capture du poisson pour le prof‌it. Cet te f‌inalité économique a
façonné les moyens d ’ac tion, les représentations et les conditions d’observabilité du sec teur.
La cohérence de s mesures déployées pour la capture du p oisson a, de fait, établi une subordi-
nation des autres obje ctifs, comme la sécurité. En c onséquence, la construct ion des navires et
leur exploitation s’inscr ivent dans un conf‌lit entre la missio n et le besoin de sécurité. Le sec teur
reste bloqué sur la ges tion des stocks comme indicateu r guidant les politiques publiques et les
acteurs privés. Ainsi, la sécurité comme mesure et variable d’ajustement du sec teur est déf‌i-
ciente. La faible intégra tion des marins-pêcheurs e t le manque d’ambition des règlementatio ns
internationales indiquent également le peu considération du secteur pour ceu x qui capturent
les poissons qui sont cons ommés à terre. Pourtan t, une pêche durable ne peut se pas ser d’une
alliance objective avec les marins. Le préalable d’une telle alliance nécessite la modif‌ication
des regards terr iens sur le secteur ainsi qu’une profonde révision de s subvention et du système
de rémunération des marins-pêcheurs.
RAPHAËL BAUMLER
26
FRANCISCA FERNÁNDEZ PROL | COORDINADORA
1. INTRODUCTION
La dangerosité de la pêche reste une préoccupation mondiale. Malgré le
manque de données précises, trois Organisations des Nations-Unis soulignent
le besoin de sécurité. Pour l’Organisation Internationale du Travail (OIT), « La
pêche est l’une des activités les plus exigeantes et les plus dangereuses, […1
et « […] dans de nombreux pays, la pêche est considérée comme la profession
la plus dangereuse» (OIT, 2010). L’OIT estime à 24.000 le nombre d’accidents
mortels par an (données présentées en 1999). Tout en relayant ces chif‌fres
(FAO, 2014), l’Organisation des Nations-Unis pour l’alimentation et l’agricul-
ture (FAO) regrette l’absence de données f‌iables dans de nombreux pays. En
conséquence, la FAO suggère la possibilité d’un nombre d’accidents mortels
largement supérieur (FAO, 2018). Finalement, l’Organisation Maritime Inter-
nationale (OMI), dans son avant-propos de l’Accord du Cap de 2012, considère
sans ambiguïté que « […] le secteur de la pêche, d’un point de vu mondial, ne
fournit pas un bilan de sécurité acceptable […] »(IMO, 2012).
Ces commentaires montrent deux aspects sombres du secteur : le fort
taux de décès au travail et une production de données sur la sécurité défailla ntes.
Dans de nombreux pays, les règlementations liées à la sécurité des na-
vires et des marins-pêcheurs sont souvent absentes ou lacunaires et les me-
sures d ’appl ication des règles sont faible ment développées ou i nef‌f‌icaces (FAO,
2018; ILO, 1999). Donc, l’essentiel de la sécurité du secteur se trouve dans les
mains des partenaires sociaux.
Au niveau international, les instruments liés à la sécurité dans le secteur
sont souvent volontaires2 et les traités internationaux sont peu contraignants
peu nombreux, peu ratif‌iés et faiblement appliqués3.
1 Site de l’OIT le 02 Juin 2021 - https://www.ilo.org/global/industries-and-sectors/
shipping-ports-f‌isheries-inland-waterways/lang--fr/index.htm
2 Les principaux instruments non-obligatoires sont : FAO/ILO/IMO Document for
Guidance on Training and Certif‌ication of Fishing Vessel Personnel (2001); FAO/
ILO/IMO Code of Safety for Fishermen and Fishing Vessels Part A and Part B
(2005) ; FAO/ILO/IMO Voluntary Guidelines for the Design, Construction and
Equipment of Small Fishing Vessels (2005); FAO/ILO/IMO Safety Recommenda-
CHAPITRE 1 | LA SÉCURITÉ COMME INDICATEUR DU RAPPORT DE LA PÊCHE
27LOS DESAFÍOS DE LA PESCA SOSTENIBLE: DIAGNÓSTICO Y PROPUESTAS DESDE UNA ÓPTICA JURÍDICA
Mais la sécurité n’est pas seulement un problème technique et réglemen-
taire. L’état inacceptable de la sécurité (OMI) à la pêche interroge sur la volonté
de protéger les travailleu rs.
En fait, des facteurs structurels comme les modes de gestion des pêche-
ries ou le système de rémunération impactent fortement la sécurité des gens
de mer (FAO, 2001, 2016; ILO, 1999; O. C. Jensen, 1997; Kaplan & Kite-Powell,
2000; Windle, Neis, Bornstein, Binkley, & Navarro, 2008).
Inhérent à toute opération maritime, les risques et leur gestion ont évo-
lué dans le temps en fonction des transformations structurelles de la pêche.
Malgré ces changements, la mort au travail dans la pêche ne connaît pas de
comparaison. Pour identif‌ier certains invariants af‌fectant la sécurité, l’article
mobilise quelques concepts associés à l’approche systémique. Cette dernière
analyse montre que l’absence de données sur les accidents ef‌face la dimension
sécurité des politiques des pêches qui semblent guidées quasi exclusivement
par la gestion des stocks comme source de rente ou pour les protéger. Les ins-
truments internationaux manquent d’ambition et semblent protéger le secteur
plus que les travailleurs soumis à un surveillance électronique aussi invasive
qu’inef‌f‌icace. En conclusion, l’article rappelle les limites du contrôle en mer et
prône le recrutement des travailleurs comme alliés objectifs de la pêche du-
rable.
tions for Decked Fishing Vessels of Less than 12 metres in Length and Undecked
Fishing Vessels (2012) ; FAO/ILO/IMO Implementation Guidelines on Part B of
the Code, the Voluntary Guidelines and the Safety Recommendations (2014) ; ILO
Handbook for improving living and working conditions on board f‌ishing vessels
(2010) ; FAO Fishing operations. Best practices to improve safety at sea in the f‌ishe-
ries sector (2015).
3 Les textes à caractère obligatoire déjà entrés en vigueur sont : pour l’OMI, la
Convention STCW-F (International Convention on Standards of Training , Certif‌i-
cation, and Watchkeeping for Fishing Vessel Personnel, 1995 - entrée en vigueur en
2012) et, pour l’OIT, la Convention 188 (Work in Fishing Convention, 2007 - entrée
en vigueur en 2017). La Convention de Torremolinos sur la sécurité des navires de
pêche d’une taille supérieure à 24m, son protocole et l’accord du Cape (OMI) ne
sont toujours pas en vigueur. Enf‌in, un autre texte participe indirectement à la sé-
curité car il facilite l’inspection des navires étrangers dans les ports : l’Accord relatif
aux mesures du ressort de l’État du Port visant à prévenir, contrecarrer et éliminer
la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (FAO) – entré en vigueur en 2016.

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