Le droit international et la protection de Peau et de l'air

AuthorSolange Teles da Silva
PositionProfesseur du Master 11 en Droit de l'Environnement de l'Université de l'Etat de i'Amazonas. Professeur du Master il en Droit International et Droit de l'Environnement de l'Université Catholique de Santos
Pages224-247

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1. Introduction

L'analyse des évolutions du droit international relatif à la protection de l'eau et de l'air, deux ressources indispensables à la vie dans toute la planète, conduit à une réflexion sur l'idée d'universalisme2 de la protection de l'environnement, et donc sur les principes de solidarité et de coopération. Dans ce sens, l'affirmation du droit de l'homme à un environnement écologiquement équilibré, par le principe premier de la Déclaration de Stockholm de 19723 - « soft law » - ainsi que, par deux instruments régionaux de protection de droits de l'homme4, pourrait-elle rendre effective la protection de l'eau et de l'air? Même si la « raréfaction d'éléments aussi indispensables à l'homme [ tels ] que l'eau pure et l'air pur rend nécessaire la formulation de droits substantifs »5, il n'y a pas eu jusqu'à présent, de traité international général applicable à tous, complétant les pactes internationaux sur les droits de l'homme et, définissant explicitement un droit à l'eau6 et à l'air purs. Il faut toutefois souligner que lors du 2ème Forum mondial sur l'eau, les organisations non gouvernementales ont entrepris des efforts pour définir un droit fondamental de l'homme à l'eau7. Néanmoins, la déclaration finale de ce forum, « DéclarationPage 225ministérielle de la Haye du 22 mars 2000 sur la sécurité de Veau pour le XXIe siècle », n' est pas allée jusqu'à la consécration d'un tel droit8. Elle s'est bornée à affirmer que l'eau est un élément indispensable à la vie et à la santé des hommes et des écosystèmes, et une condition fondamentale au développement des pays9. Elle a également souligné qu'il faut s'assurer que chaque personne pourra avoir accès à l'eau en quantité suffisante, à un prix abordable, afin de parvenir à une vie saine et productive.

Le Comité des Droits Economiques, Sociaux et Culturels a adopté, le 26 novembre 2002, une observation générale n° 15 sur le droit à l'eau, affirmant que : « l'eau est une ressource naturelle limitée et un bien public ; elle est essentielle à la vie et à la santé. Le droit à l'eau est indispensable pour mener une vie digne. Il est une condition préalable à la réalisation des autres droits de l'homme »10. Ainsi, le droit à l'eau est interprété comme implicitement reconnu dans les droits contenus dans les articles 11 et 12 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, c'est-à-dire, les droits relatifs à un niveau de vie adéquat et au meilleur niveau de santé possible11. C'est au travers de ces articles que le droit à l'air pourrait aussi être considéré comme un droit fondamental. Or, les effets dévastateurs dus aux changements climatiques ont conduit les Etats à rechercher de nouvelles solutions qui prennent en compte l'atmosphère dans son ensemble. Ceci conduit inexorablement à la mise en place d'actions conjointes et de nouvelles formes de coopération. Si les textes internationaux n'ont pas consacré le droit à un air pur, le Préambule de la Convention-cadre sur les changements climatiques a cependant affirmé que « les changements du climat de la planète et leurs effets néfastes sont un sujet de préoccupation pour l'humanité ». L'atmosphère a été élevée au rang d'une préoccupation commune de l'humanité.

Nous analyserons tout d'abord les possibilités de protection conjointe de l'eau et de l'air par le biais des droits fondamentaux consacrés par les instruments régionaux protection des droits de l'homme. Ensuite, nous essayerons d'identifier, au travers d'une approche dynamique, les textes juridiques internationaux quiPage 226ont traitent de l'aspect « transfrontalier »12 de la pollution de l'eau et de l'air ainsi que ceux qui préconisent une protection globale de l'environnement, permettant la prise en compte conjointe des ressources « eau et air »13. Il faut rappeler que la pollution transfrontière pose un problème de conflit de souveraineté, car la pollution de l'eau ou de l'air ne respecte, ni les frontières administratives à l'intérieur d'un Etat, ni les frontières politiques avec d'autres Etats14. L'évolution de principes et règles de droit international applicables aux pollutions transfrontières témoigne du changement des rapports entre les Etats : de la souveraineté absolue à l'utilisation non-dommageable de leur territoire. Mais, l'enjeu n'est pas simplement de réglementer la pollution transfrontière de l'eau et de l'air. Il s'agit également de protéger les ressources naturelles. La meilleure connaissance scientifique de l'interdépendance des milieux environnementaux inscrit désormais ïa prise en compte de l'environnement dans son ensemble15 au cœur des relations internationales. L'aspect essentiellement « transfrontalier » du droit international de l'environnement est appréhendé dans un cadre plus global de la conservation de l'ensemble des ressources de la planète16. Pierre DUPUY remarque que la protection des ressources « eau et air», ainsi que de l'environnement dans son ensemble « dans des zones d'intérêt commun (bassin fluvial, bassin d'air, lacs, etc.) appellerait en effet des initiatives plus audacieuses, dans le domaine institutionnel, orientées vers la recherche d'une 'gestion intégrée' »17. En effet la protection des ressources « eau et air » doit être conçue dans le cadre global de la protection de l'environnement.

2. Le droit à l'environnement, le droit à l'eau et à l'air purs

On ne peut ignorer les progrès réalisés tendant à la prise en compte de l'environnement, soit dans les instruments régionaux de protection des droits de l'homme. A ce titre, il faut analyser la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : la Convention européenne des droits dePage 227l'homme (CEDH) et le Protocole additionnel à la Convention américaine relative aux droits de l'homme, traitant des droits économiques, sociaux et culturels de 1988 (CADH) : le « Protocole de San Salvador »18.

Une remarque préalable doit être faite. Deux approches peuvent orienter l'analyse des instruments régionaux de protection des droits de l'homme ; on peut tout d'abord analyser le contenu de ces instruments, qui déterminent les limites à l'intervention étatique ou requièrent une action renforcée des pouvoirs publics. Il est également possible d'étudier les procédures existantes et les réponses apportées à la protection des droits19. Or, le droit à un environnement sain a été affirmé en tant que droit à réalisation progressive par le Protocole de San Salvador de la Convention américaine des droits de l'homme (CADH). C'est au travers de la jurisprudence de la Commission et de la Cour européenne des droits de l'homme qu'il a été reconnu, de manière indirecte et limitée,

Le Protocole de San Salvador» de la CADH, proclame, dans son article 11, le droit de chacun de vivre dans un environnement sain et le devoir correspondant des Etats de promouvoir la protection, la préservation et l'amélioration de l'environnement. L'affirmation de ce droit est importante car l'histoire récente révèle que « c'est précisément dans les périodes de répression politique et de régimes autoritaires qui se sont produits les plus graves attentats tant contre les droits humains que contre l'environnement »20. Ce protocole précise que lors de sa ratification, les Etats parties s'engagent à adopter les mesures nécessaires, selon les ressources disponibles dans la mesure de leur degré de développement, pour parvenir progressivement, et conformément à la législation interne, à assurer le plein exercice des droits reconnus dans le présent Protocole21. Certes, la Cour Interaméricaine des Droits de l'homme peut être saisie d'une affaire relative à l'interprétation ou à l'application de îa CADH soit par la Commission Inîeraméricaine des Droits de l'homme22, soit par les Etats parties à la CADH qui ont reconnu sa compétence. Néanmoins, le droit à un environnement sain proclamé dans le Protocole n'étant pas un droit d'exigibilité immédiate, n'ouvrePage 228la possibilité d'un recours que s'il a été constaté un recul dans sa mise en œuvre. En d'autres termes, dans le continent américain ce droit a été conçu et proclamé comme un droit à réalisation progressive, respectant le degré de développement de chaque Etat et la disponibilité de leurs ressources financières.

Si, le texte de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH) n' affirme pas l'existence d'un droit de l'homme à un environnement sain23, c'est néanmoins au travers de la jurisprudence de la Commission et de la Cour européenne des droits de l'homme24 que ce droit a été reconnu indirectement et de manière limité. En effet, la Convention européenne des droits de l'homme assure, comme le souligne Jacques ROBERT, un « standard européen minimum », renforçant les droits fondamentaux internes. Même si elle n'est pas assimilable à la norme constitutionnelle, la Convention est néanmoins applicable directement et invocable par recours individuel devant la Cour constitutionnelle de nombreux pays, exerçant un réel « magistère d'influence »25.

En ce qui concerne la protection des ressources « eau et air », l'arrët López Ostra c. Espagne du 9 décembre 1994 (A..303 C) constitue le premier exemple de la reconnaissance par le juge européen d'un droit à un environnement sain. C'est par le biais de la protection du domicile que se voient affirmés les droits des victimes individuelles de nuisances...

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