Responsabilité internationale d'États et d individus en cas d actes d' agression ou de terrorisme international

AuthorLoigi Condorelli
PositionProfesseur à l'Université de Florence et Professeur honoraire à l'Universtité de Genève
Pages46-106

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Introduction

Le droit international est une matière en grand évolution, en pleine mutation, et cette mutation a comme point essentiel certains des thèmes que nous allons étudier aujourd'hui.

Vous avez vu le titre général, un peu long, un peu compliqué, et les questions de l'enchevêtrement de la relation de l'impiètement réciproque entre la responsabilité internationale des États et îa responsabilité internationale des individus. Déjà dès le débat quand on indique ces deux termes responsabilité internationale des États et responsabilité internationale des individus, on évoque, d'abord, quelque chose de bien connue et de très traditionel : la responsabilité internacionale des États. Chacun de vous sait que le système international se compose de règies qui s'adressent essentiellement aux États, qui leur demande des comportements ou qui leur interdisent des comportements et, lorsque l'État, destînateur de ses règles, ne respecte pas l'obligation prévue, son comportement donne lieu a un fait internationalement illicite qui déclenche sa responsabilité internationale. Donc, la responsabilité international des États est un thème classique, traditionel, et toujours d'actualité, nous le verront, de droit international public. Toujours d'actualité, et comme tous thèmes d'actualité, soumis à un processus d'évolution, dont nous devront prendre en compte certains élements spécialement importants. Donc, la responsabilité internationale d'État est un thème classique de droit international. Beaucoup moins classique est le thème de la responsabilité internationale des individus. Et pourquoi ? Pour la raison toute simple que la tradition du droit international connaît un système qui est basé sur les États, en tant que sujet de base du système international qu'autres sujets, comme les organisations internationales. Comme vous îes savez, dans l'approche classique du droit international, l'individu n'était pas un sujet du droit international. Donc, il n'y avait pas lieu de parler de responsabilité internationale de l'individu, puisque la responsabilité internationalePage 47de quelqu'un suppose que ce quelqu'un soit un sujet de Tordre juridique auquel on se refère. Est-ce que cela veut dire que le droit international classique ou traditionel ne concernait pas l'individu? On pourrait dire que oui. C'est claire que tout le droit, y compris le droit international, est fait pour l'homme, pour les êtres humains, pas pour les êtres d'autre monde.Donc, le droit international s'est toujours occupé de l'individu. Mais ils le faisait par l'entremise des États. C'est-à-dire que c'est les États le sujet de base du système international qui étaient et sont toujours soumis à l'obligation de se conduire à de certaines façons à l'égard des individus. Donc, l'individu, dans cette approche traditionel, n'était pas un sujet de droit international traditionel. Il était plutôt, si l'on peut dire, l'objet du droit international. Les États, entre eux, peuvent négocier, et ont toujours négocié des accords, ou bien, ont participé à la création du coutume international, concernant les individus, s'ocuppant des intérêts des individus. Mais ces intérêts ont été pris en compte dans le cadre d'une relation toujours d'État à État. Est-ce que cela veut dire que dans le droit international on ne pouvait pas parler de crime d'individu? D'acte de terrorisme, de n'importe quel genre d'activité de l'individu que sais-je dans l'ancienne tradition, la piraterie maritime ou la piraterie aeriènne.

Des normes de ce genre ont toujours existé, des accords internationaux entre États s'occupant de ce problème ont toujours existé. Mais ces accords s'adressaient aux États et leur demandaient, et leur demandent toujours d'ailleurs de faire en sorte que les individus ne commettent pas ces actes et, s'ils les commettent, qu'ils soient assujettis à une répression pénale. Mais cette répression était conçue comme relevant du domaine réservé de chaque État. C'était à chaque État, toujours à chaque État, d'exercer la juridiction pénale dans son système interne à fin de mettre à l'application les normes internationales sur les crimes.

En somme, les crimes internationaux ne sont pas l'invention d'aujoud'hui. C'est une realité qu'existe depuis fort longtemps en droit international, mais qui était jusqu'à il n'y a pas longtemps, l'object des normes s'addressant aux États et obligeant les États à serrer les mailles de leur répression pénale de façon à ce que l'individu criminel, le pirate, n'échappe pas à la répression chez là ou chez l'autre.

En somme, c'est au niveau du droit interne que l'individu était pénalement responsable de ses agissements criminels, y compris de ses agissements criminels qui forment l'objet d'une réglementation internationale, y compris les crimes internationaux. Prenons un exemple très connu, et qui se rattache d'ailleurs à l'un de mes domaines d'intérêt, prenez les crimes de guerre. Ces crimes de guerre sont prévus par des instruments de droit international désormais, à commencer par les célèbres Conventions de Genève sur le droit international humanitaire. Ces Conventions de Genève prévoient - la version plus récente, celle de 1949- prévoit des listes d'aggissement qu'il est interdit de mener quand on se trouve dans unePage 48situation de conflit armé. Par exemple, si l'on capture des soldats de farinée adversaire et que ces soldats se rendent, on n'a pas le droit de tes achever. Si on les capture et on les met en camp de prisiormier, il faut les traiter correctement. On ne peut pas les torturer, les affamer, leur faire subir de mauvais traitements. Si on le fait, ce comportement est un crime de guerre. Mais qu'est-ce que « crime de guerre » veut dire? C'est un crime international que les États ont l'obligation de réprimer au niveau de leur droit interne.

Les Conventions de Genève essaient de coordoner la politique répressive des divers États en établissant, par exemple, un principe bien connu, qui s'appelle le principe de l'universalité de juridiction. Cela veut dire que le criminel où qu'il aille, peut-être et doit être pris en main par l'État local, qui doit avoir des règles lui permettant d'exercer à son égard la répression par ses propes juges, les juges internes, Cela a toujours, donc, existé, pour certaines activités criminelles. Qu'est-ce qu'il y a donc de si fondamentalement nouveau dans les perpectives actuelles du droit international? Il y a de nouveau, comme vous savez très bien, qu'aujourd'hui, à côté de cette règle établissant les obligations pour les États d'exercer leur juridiction pénale interne de façon à réprimer les crimes internationaux, se sont ajoutées,ont été ajoutées, des juridictions pénales internationales, directement au niveau international, de sorte que l'individu, auteur de l'un de ces crimes, pourrait devenir soustrait, arraché, au monopole du droit interne des États, ait porté directement devant des juges internationaux. La criminalisation, comme on le dit dans le jargon, du droit international est un des phénomèmes les plus impressionants et les plus étonnants du système international d'aujourd'hui. Il est vrai, me direz vous, que la realité des phénomènes de ce genre a existé dejà à d'autres époques, il suffit, par exemple, d'évoquer les tribunaux pénaux militaires de Nuremberg et de Toquio à l'issue de la deuxième guerre mondiale, et dejà, à l'issue de la première guerre mondiale, une tentative avait été faite pour réprimer au niveau international les agissements de celui qu'on considérait à l'époque le principal responsable de la première guerre, l'empereur d'Alemagne, le kaiser Guillaume II de Hohenzollern. Vous savez que dans le traité de Versailles il était prévu que la répression à l'égard de cette personnalité devait se faire au niveau international. Mais vous savez aussi que cela n'a jamais été mis en place. Par contre, à l'issue de la deuxième guerre mondiale, l'accord de Londres de 1945 a permis la création du Tribunal de Nuremberg, ensuite, au Japon, fut crée le Tribunal de Toquio, et différentes personnalités leaders des régimes respectivement nazi et nipon, ont été soumis à la répression et condamné pour des crimes internationaux. Donc, la répression international des crimes n'est pas une affaire toute récente, puisque ce début au moins remonte à la deuxième guerre mondiale. Mais vous savez aussi que la deuxième guerre mondiale a connue cet épisode seulement àPage 49la suite de 1945 à la création des tribunaux pénaux internationaux, 1993 et 1994, pour le tribunal pour l'ex-Yougoslavie et le Ruanda, et, puis, 1998 pour la Cour pénale international. Entre 1945 et ces époques là il y a un grand trou noir. Il y a des débats, des discutions, il y a des juristes, des diplomates que se battent pour que ce système de Nuremberg et de Toquio soit réalisé sur une échelle large, mais rien ne peut être réalisé jusqu'à 1993, à la création du tribunal pénal pour l'ex-Yougoslavie. Pourquoi ce grand trou? Il y a évidemment beaucoup d'explications possibles. La principale se relève, rappele ce qu' il y a eu entre ces deux dates, 1945-Î993, le grand trou noir de la guerre froide et le blocage du système international causée par Imposition radicale entre les grandes puissances qui après ia Charte des Nations Unies se sont séparés, divisés, et tout cela a bloqué l'essor du droit international dans beaucoup des domaines, y compris dans celui-ci. Certes, entre 1945 et 1993 ii y a eu des promesses, il y a eu des conventions dans lesquelles on parlait de la possibilité de créer un juge international qui n'a jamais été crée. La convention sur le génocide, dont on parlera d'ailleurs, mais aucune réalisation effective jusqu'à 1993, on est à la fin de la guerre froide, le Conseil de sécurité, qui avait été bloqué...

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