Une typologie des économies selon les dimensions de l'emploi dans l'économie informelle

Published date01 September 2015
Date01 September 2015
DOIhttp://doi.org/10.1111/j.1564-9121.2015.00257.x
Revue internationale du Travail, vol. 154 (2015), no 3
Copyright © Auteur(s) 2015
Compilation et traduction des articles © Organisation internationale du Travail 2015
* Professeur, Ecole de gestion de l’Université de Shefeld; courriel: C.C.Williams@
shefeld.ac.uk.
Les articles paraissant dans la RIT, de même que les désignations territoriales utilisées,
n’engagent que les auteurs, et leur publication ne signie pas que le BIT souscrit aux opinions
qui y sont exprimées.
Une typologie des économies
selon les dimensions de l’emploi
dans l’économie informelle
Colin C. WILLIAMS*
Résumé. Compte tenu de l’importance des activités informelles, l’auteur propose
de classer les pays selon les dimensions de l’emploi dans l’économie informelle
plutôt que selon la composition de l’économie formelle. A partir de données du
BIT portant sur trente-six pays en développement, il fait apparaître une corrélation
signicative entre l’étendue et l’intensité de l’informalité et différents indicateurs
sociaux et économiques: PNB par habitant, degré de corruption et de pauvreté et
niveau de l’impôt et des cotisations sociales. Les implications de ces résultats pour
la réexion théorique et l’action sont ensuite exposées.
Jusqu’à présent, les typologies économiques classaient les pays selon la
nature de leur système formel –à l’aide d’indicateurs tels que le produit
intérieur brut (PIB) ou le revenu national brut (RNB) par habitant (Banque
mondiale, 2013)– qu’il s’agisse d’économies planiées, de marché ou mixtes
(Arnold, 1996; Rohlf, 1998), ou de variantes «libérales» ou «coordonnées» du
capitalisme (Hall et Soskice, 2001). Cette classication serait appropriée si la
majorité de l’emploi mondial relevait du secteur formel, ce qui n’est pas le cas
(Jütting et de Laiglesia, 2009; BIT, 2012 et 2013; Williams et Lansky, 2013). Par
conséquent, l’objectif du présent article est d’élaborer une typologie des écono-
mies en fonction de deux dimensions de l’emploi dans l’économie informelle,
son étendue et son intensité. Cet exercice doit mettre en évidence l’importance
de l’activité informelle dans le monde tout en axant l’attention non plus sur le
marché du travail formel –soit une part minoritaire des emplois à l’échelle de
la planète– mais sur l’emploi dans l’économie informelle –part majoritaire.
Cet article est organisé en cinq parties. Dans la première, nous revien-
drons brièvement sur la dénition de l’emploi dans l’économie informelle,
nous présenterons une typologie des économies en fonction de l’étendue et de
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l’intensité de leur activité informelle et nous passerons en revue les différentes
thèses, parfois contradictoires, avancées pour expliquer les différences entre les
pays à cet égard. La deuxième partie portera sur les données et la méthodolo-
gie utilisées. Dans la troisième, nous présenterons nos résultats concernant les
variations entre pays et, dans la quatrième, nous procéderons à une évaluation
préliminaire des thèses que nous aurons présentées précédemment. Dans une
cinquième et dernière partie, nous ferons la synthèse de nos travaux et exa-
minerons leurs implications pour la réexion théorique et l’action à mener.
L’emploi dans l’économie informelle:
dénition, typologie, tentatives d’explication
Définition
Pour analyser l’emploi dans l’économie informelle, nous envisagerons ici le
«secteur informel» en nous centrant sur l’entreprise, et l’«emploi informel» en
nous centrant sur l’emploi, conformément aux dénitions, largement acceptées,
que la Conférence internationale des statisticiens du travail (CIST) a adoptées
à ses 15e et 17esessions, en 1993 et 2003, respectivement (Hussmanns, 2005;
BIT, 2011 et 2012)1. Comme indiqué dans le tableau1, si nous prenons pour
unité d’observation l’entreprise, nous nous intéressons au secteur informel, qui
inclut tout emploi, formel ou informel, pour une entreprise du secteur infor-
mel (A+ B); si c’est l’emploi (ou poste de travail) qui est considéré comme
unité d’observation, nous nous intéressons à la totalité des emplois informels,
qu’ils soient exercés au sein d’une entreprise informelle ou d’une entreprise
formelle (A+ C). Dans cet article, nous utiliserons ces deux unités d’obser-
vation, c’est-à-dire que nous nous intéresserons à l’«emploi dans l’économie
informelle» (A+ B+ C), soit à tous ceux qui, à titre d’activité principale, sont
employés dans le secteur informel (A+ B) ou ont un emploi informel (A+ C),
en comptabilisant une seule fois les personnes relevant de ces deux catégories.
Pour dénir le terme «emploi dans l’économie informelle», il convient
de préciser dans un premier temps la notion d’entreprise informelle –liée à
l’idée de secteur informel– et celle d’emploi ou poste de travail informel – liée
à la dénition de l’emploi informel. En 1993, la 15eCIST dénissait le «sec-
teur informel», soit l’ensemble des entreprises informelles, comme la somme
des entreprises privées non constituées en société qui ne sont pas déclarées
ou sont «petites» de par la taille de leurs effectifs. Les entreprises non consti-
tuées en société sont des unités de production qui ne sont pas constituées en
entités juridiques indépendantes de leur propriétaire et qui ne tiennent pas de
comptabilité complète. Une entreprise n’est pas déclarée si elle n’est pas enre-
gistrée conformément aux dispositions de la législation nationale, par exemple
1 On trouvera le texte de la résolution de la CIST de 1993 à l’adresse < www.ilo.org/wcmsp5/
groups/public/---dgreports/---stat/documents/normativeinstrument/wcms_087485.pdf > [consulté le
22octobre 2015].

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