Subventions à l'embauche et handicap: les enseignements d'une expérience à petite échelle

DOIhttp://doi.org/10.1111/ilrf.12058
AuthorEva DEUCHERT,Lukas KAUER
Date01 June 2017
Published date01 June 2017
Revue internationale du Travail, vol. 156 (2017), no 2
Droits réservés © auteurs, 2017.
Compilation et traduction des articles © Organisation internationale du Travail, 2017.
* Centre sur le handicap et l’intégration, School of Economics and Political Science, Univer-
sité de Saint-Gall; eva.deuchert@unisg.ch et lukas.kauer@unisg.ch. Les auteurs soulignent qu’ils
ont bénécié de l’appui nancier de la Fondation Ernst Göhner. Ils remercient Karina Schindler,
qui les a assistés dans leur travail de recherche, ainsi que les demandeurs d’emploi et le personnel
des centres pour l’intégration et de l’Ofce cantonal de l’assurance-invalidité qui ont participé à
l’étude. Ils remercient également Michael Lechner, Per Johansson et Reto Foellmi, ainsi que tous
les participants à la 4eConférence bisannuelle de l’American Society of Health Economists, à la
conférence internationale «Field Experiments in Policy Evaluation» (Nuremberg), au 3eatelier
«Arbeitsmarkt und Sozialpolitik» (Dresde), au 6e«Maastricht Behavioral and Experimental Eco-
nomics Symposium» et à la 12eIZA/SOLE Transatlantic Meeting of Labor Economists, pour leurs
précieuses observations.
Les articles paraissant dans la Revue internationale du Travail n’engagent que leurs auteurs,
et leur publication ne signie pas que le BIT souscrit aux opinions qui y sont exprimées.
Subventions à l’embauche et handicap:
les enseignements d’une expérience
à petite échelle
Eva DEUCHERT* et Lukas KAUER*
Résumé. L’efcacité des subventions à l’embauche destinées à faciliter l’insertion
des personnes handicapées reste incertaine, car plusieurs effets – d’aubaine, de
substitution et de signal – se superposent. Pour en savoir plus, les auteurs pro-
posent un protocole original, dans lequel les employeurs sont informés de façon
aléatoire du droit à subvention. L’analyse des taux de convocation à un entretien
montre que la subvention a un effet nul, voire contre-productif, pour un échantil-
lon de jeunes fraîchement diplômés de l’enseignement professionnel. Cependant,
l’effet de signal défavorable ainsi mis en évidence est nettement plus faible pour
d’autres sujets suivis par un service d’orientation spécique, déjà actifs avant l’ac-
quisition du handicap.
L
es subventions à l’embauche sont courantes dans de nombreux pays indus-
trialisés (Marx, 2001; Katz, 1996). Dans ces dispositifs, l’idée est de ré-
duire les coûts salariaux pour favoriser l’insertion professionnelle des membres
des groupes défavorisés (tels que les jeunes, les bénéciaires de l’aide sociale
ou les personnes handicapées). Cependant, comme le souligne Neumark
(2011), l’efcacité de ces programmes dépend dans une très large mesure de
l’apparition éventuelle d’effets d’aubaine (situation dans laquelle l’embauche
aurait eu lieu même en l’absence de subvention), d’effets de substitution (l’em-
bauche accrue de membres du groupe se fait aux dépens de membres d’autres
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groupes non ciblés), ou encore d’effets de signal (l’aide à l’embauche est pour
l’employeur le signe annonciateur d’une moindre productivité).
Puisque les subventions à l’embauche sont coûteuses, et qu’elles peuvent
se révéler préjudiciables, il faut les évaluer minutieusement. Dans cet article,
nous mesurons de manière empirique l’efcacité d’un régime de subvention vi-
sant à promouvoir l’embauche de personnes handicapées, question qui consti-
tue un enjeu déterminant pour les pouvoirs publics. En effet, le handicap est
un problème répandu – 14 pour cent des personnes en âge de travailler en
moyenne seraient concernées dans les pays de l’OCDE –, et une caractéris-
tique particulièrement pénalisante sur le marché du travail (OCDE, 2010).
Beaucoup de pays cherchent à améliorer les perspectives d’emploi des intéres-
sés par des régimes de subvention ciblés (OCDE, 2003). Cependant, pour que
ces systèmes soient efcaces, il faut que les employeurs potentiels sachent qu’ils
peuvent bénécier du subventionnement (surtout si toutes les personnes han-
dicapées n’y ont pas droit). Toutefois, s’il doit mentionner cette possibilité au
cours du processus de recrutement, le candidat doit bien sûr révéler son han-
dicap. Un effet de signal est alors très probable, notamment si les employeurs
associent le handicap à une moindre productivité.
Des études toujours plus nombreuses visent à évaluer l’efcacité des me-
sures de promotion de l’emploi destinées aux personnes handicapées1, mais
il existe très peu d’éléments de preuve empiriques sur ce sujet. La littérature
disponible porte principalement sur le programme danois Flexjob, système
de subventionnement du salaire destiné à favoriser le recrutement des per-
sonnes ayant une capacité professionnelle dénitivement réduite. Gupta et
Larsen (2008 et 2010) évaluent l’effet de Flexjob à partir de sa mise en place
en 1998 par un dispositif quasi expérimental et concluent que le régime a un
effet considérable sur l’emploi. Cependant, les différentes versions de cette
même étude montrent à quel point il est difcile de trouver un groupe de
contrôle convenable dont les membres ne sont pas bénéciaires de subven-
tions à l’embauche. Dans Gupta, Larsen et Thomsen (2013), l’accent est mis sur
les entreprises et sur l’effet d’une modication du système de remboursement
qui ne concerne que les administrations centrales (et pas d’autres employeurs
du secteur public au niveau municipal ou régional). Malheureusement, l’étude
ne fournit que de maigres éléments descriptifs sur l’efcacité globale du pro-
gramme, notamment parce que le principe d’une équivalence entre le groupe
traité et le groupe de contrôle n’est vraisemblablement pas respecté. En
réalité, cette étude montre qu’il est toujours difcile de trouver des stratégies
empiriques convaincantes permettant de prédire les résultats contrefactuels
que l’on obtiendrait si les personnes handicapées ne pouvaient s’appuyer sur
des subventions.
On trouve, dans les études empiriques sur l’effet des subventions sala-
riales sur l’insertion des chômeurs ou des bénéciaires de l’aide sociale, trois
1 Voir par exemple Malo et Muñoz Bullón, 2006; Malo et Pagán, 2014; Humer, Wuellrich et
Zweimüller, 2007; Lalive, Wuellrich et Zweimüller, 2013.

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