Ségrégation professionnelle selon la durée du travail en Europe

Published date01 March 2018
DOIhttp://doi.org/10.1111/ilrf.12076
Date01 March 2018
Revue internationale du Travail, vol. 157 (2018), no 1
Droits réservés © Organisation internationale du Travail, 2018.
Compilation et traduction des articles © Organisation internationale du Travail, 2018.
Ségrégation professionnelle
selon la durée du travail en Europe
Theo SPARREBOOM*
Résumé. L’auteur évalue la ségrégation professionnelle selon la durée du travail
dans quinze pays européens, à partir de données de l’Enquête européenne sur les
forces de travail. Il recherche les déterminants de cette ségrégation par une analyse
de régression reposant sur trois groupes d’indicateurs (quantité d’emploi, qualité
de l’emploi et institutions). De façon générale, la ségrégation observée est plus forte
chez les hommes que chez les femmes, et chez les jeunes que chez les adultes. Elle
est plutôt corrélée avec la quantité d’emploi chez les hommes, alors que des variables
des trois groupes d’indicateurs interviennent chez les jeunes et les femmes adultes.
Les femmes et les jeunes font partie des catégories de la population active
systématiquement pénalisées sur le marché du travail. Les femmes ont
un taux d’activité inférieur à celui des hommes dans la quasi-totalité des pays
et perçoivent souvent une rémunération plus faible. Ainsi, l’écart salarial entre
les sexes est compris entre35,8 pour cent aux États-Unis et 4pour cent en
Suède dans l’échantillon de pays étudiés pour les besoins du Rapport mon-
dial sur les salaires 2014/15 (BIT, 2015a) et, en 2013, le salaire horaire brut des
femmes était en moyenne inférieur de 16,4pour cent à celui des hommes au
sein de l’Union européenne1. S’agissant des jeunes, un taux de chômage plus
de deux fois supérieur à celui des adultes en général, mais aussi certains indi-
cateurs de qualité de l’emploi témoignent des difcultés qu’ils rencontrent sur
le marché du travail partout dans le monde (BIT, 2013).
La ségrégation professionnelle selon le sexe explique en grande partie
l’écart de rémunération entre hommes et femmes (Banque mondiale, 2011)2.
* Bureau international du Travail; sparreboom@ilo.org. L’auteur tient à remercier pour
son concours Pinar Hosafci, consultante auprès du BIT.
Les articles paraissant dans la Revue internationale du Travail n’engagent que leurs auteurs,
et leur publication ne signie pas que le BIT souscrit aux opinions qui y sont exprimées.
1 Voir à l’adresse http://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php/Gender_pay_
gap_statistics [consulté le 4janvier2018].
2 Les chercheurs citent également d’autres facteurs pour expliquer cet écart, notamment
la dévalorisation du travail féminin, les caractéristiques du lieu de travail et la structure générale
des salaires dans le pays, laquelle est parfois le reet de mécanismes de xation des salaires princi-
palement conçus pour les travailleurs de secteurs à dominante masculine (voir BIT (2015a) et les
références citées dans ce document).
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Les phénomènes de ségrégation professionnelle contribuent aussi dans une
large mesure à expliquer la pénalité salariale induite par le travail à temps par-
tiel. Manning et Petrongolo (2008) ont ainsi constaté qu’au Royaume-Uni cette
pénalité devenait très faible après prise en compte des différences de profes-
sion entre travailleurs à plein temps et travailleurs à temps partiel. De même,
Matteazzi, Pailhé et Solaz (2013) ont montré, à partir d’une double décompo-
sition de l’écart salarial entre les sexes– entre hommes et femmes travaillant
à plein temps, d’une part, entre femmes travaillant à plein temps et femmes
travaillant à temps partiel, d’autre part–, que la ségrégation professionnelle
contribuait davantage à expliquer l’écart salarial entre hommes et femmes que
le taux de travail à temps partiel en lui-même.
Dans cet article, nous mesurons la ségrégation professionnelle selon la
durée du travail (travail à plein temps ou à temps partiel) an d’identier cer-
tains de ses déterminants. Dans la première partie de l’analyse, nous effectuons
cette mesure pour tous les travailleurs et au sein de certaines catégories d’ac-
tifs occupés (hommes, femmes, jeunes et adultes) dans quinzepays européens.
Nous cherchons également à apprécier la part de la ségrégation profession-
nelle imputable à chacune de ces catégories. Nous montrons que la ségrégation
professionnelle en fonction de la durée du travail est généralement plus forte
parmi les hommes que parmi les femmes, ce qui laisse penser que la pénalité
salariale liée au temps partiel pourrait être plus lourde pour les hommes que
pour les femmes et pour les jeunes que pour les travailleurs adultes.
Par ailleurs, nous appliquons une analyse de régression à un échantillon
de pays an de mettre en évidence les facteurs à l’origine de la ségrégation
selon la durée de travail. Nous examinons trois séries de variables, relatives
respectivement à la quantité de l’emploi, à la qualité de l’emploi et aux facteurs
institutionnels. Nous constatons que la ségrégation professionnelle en fonction
de la durée du travail s’explique par des facteurs qui diffèrent selon la caté-
gorie de la population active considérée. Plus précisément, pour les hommes,
elle est corrélée à la quantité de l’emploi, tandis que pour les femmes adultes
et pour les jeunes elle est liée aux trois séries de variables étudiées.
La suite de l’article comprend quatre parties. Dans la première, nous pro-
posons un tour d’horizon des études consacrées à la ségrégation profession-
nelle en fonction de la durée du travail et rappelons certaines considérations
théoriques relatives à ce phénomène. Dans la deuxième partie, nous décri-
vons cette ségrégation dans différents pays d’Europe, en la décomposant en
fonction du sexe et de l’âge, avant de présenter, dans la troisième partie, une
analyse empirique des facteurs qui peuvent l’expliquer. Nous formulons nos
conclusions dans la quatrième partie.
Revue de la littérature: expliquer la ségrégation
professionnelle selon la durée du travail
Le travail à plein temps constituant généralement la norme (BIT, 2015b), le
travail à temps partiel est une forme importante d’emploi atypique. Comme
d’autres formes d’emploi atypique, il est devenu plus fréquent ces dernières

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