Risque d'entreprise et part du travail: théorie et faits observés dans l'industrie en Chine

AuthorGuangjun SHEN,Shen JIA,Jingxian ZOU
Date01 June 2020
DOIhttp://doi.org/10.1111/ilrf.12156
Published date01 June 2020
Droits réservés © auteur(s), 2020.
Compilation et traduction des articles © Organisation internationale du Travail, 2020.
*Académie nationale de développement et de stratégie, Université Renmin de Chine; zou_
jingxian@163.com. **Lingnan College, Université Sun Yat-sen; hnshgj@126.com (auteur réfé-
rent). ***Centre de développement et de recherche du Conseil des aaires de l’État; js@drc.gov.cn.
Les auteurs souhaitent remercier les évaluateurs anonymes pour leurs commentaires. Cette étude
a été réalisée grâce à un nancement du fonds pour la recherche fondamentale des universités
centrales et du fonds pour la recherche de l’Université Renmin de Chine (réf. 19XNB011).
Les articles paraissant dans la Revue internationale du Travail n’engagent que leurs auteurs,
et leur publication ne signie pas que le BIT souscrit aux opinions qui y sont exprimées.
Revue internationale du Travail, vol. 159 (2020), no 2
Risque d’entreprise
et part du travail:
théorie et faits observés
dans l’industrie en Chine
Jingxian ZOU *, Guangjun SHEN ** et Shen JIA***
Résumé. Les auteurs examinent la relation entre risque d’entreprise et déclin de
la part du travail en Chine. Partant du modèle d’Holmström et Milgrom (1987), ils
montrent qu’un risque d’entreprise moindre motiverait les travailleurs à travailler
plus intensément, ce qui augmenterait le produit par tête et le salaire moyen. Toute-
fois l’augmentation du produit peut faire baisser la part du travail. Une étude empi-
rique, fondée sur la CIED, base de données des entreprises industrielles chinoises,
(1998-2007), et sur l’enquête de la Banque mondiale sur le climat de l’investisse-
ment (2005), confirme cette hypothèse d’une corrélation positive entre part du tra-
vail et risque d’entreprise.
Mots-clés: part du travail, risque d’entrepri se, théo rie du contrat , indu strie,
Chine.
1. Introduction
La répartition du revenu national entre le capital et le travail a toujours intéressé
les économistes et les décideurs politiques. Depuis l’énoncé des «faits de Kaldor»
en 1957, la théorie néoclassique proclame que les parts du revenu national reve-
nant au capital et au travail restent constantes (Kaldor, 1957). Toutefois, cette af-
rmation a été remise en cause par l’observation de forts changements de la part
du revenu allouée au travail: celle-ci est en baisse dans les pays développés de-
puis le début des années 1980, surtout en Europe continentale (Blanchard, 1997;
Harrison, 20 05; Guscina, 2006). Bien que moins prononcée qu’en Europe, une
tendance à la baisse est aussi observée aux États-Unis. De fait, comme l’avancent
Karabarbounis et Neiman (2014), le déclin de la part du travail est devenu une
tendance mondiale.
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Les travaux publiés signalent l’apparition d’un schéma similaire en Chine,
avec un déclin signicatif de la part du travail depuis le milieu des années 1990
(Bai et Qian, 2010; Luo et Zhang, 2010). Dans le contexte de la «nouvelle écono-
mie normale», la Chine cherche à stimuler l’épargne et la consommation inté-
rieures, à rééquilibrer les dimensions intérieures et extérieures de l’économie,
et à modier le modèle de croissance pour qu’il ne soit plus orienté en fonction
des facteurs de production, mais par l’innovation et le capital humain. Tous ces
objectifs dépendent de l’amélioration du revenu de la population et pourront
dicilement être atteints si la part du travail continue de décliner.
Malgré l’importance de la question, il n’existe aucun accord sur le méca-
nisme qui détermine l’évolution de la part du travail. Pour la Chine, les prin-
cipales explications de sa baisse peuvent être classées sous quatre rubriques:
1)le progrès technologique favorisant un des facteurs; 2)un changement de la
structure sectorielle; 3)les réformes, comprenant les privatisations, la restructu-
ration des entreprises d’État et les réformes du régime de propriété; 4) la mon-
dialisation, notamment sous la forme d’investissements étrangers directs (IED).
Premièrement, pour ce qui est de la technologie, si le progrès technique aug-
mente le facteur travail, alors un modèle de croissance équilibrée impliquera
que la part du travail reste constante (Acemoglu, 2003; Bentolila et Saint-Paul,
2003). Toutefois, cela n’est pas ce que l’on observe en Chine. Selon Huang et Xu
(2009) la baisse de la part du travail dans ce pays après 1995 est due au fait que
le progrès technique épargne de la main-d’œuvre. Deuxièmement, s’agissant des
changements structurels, la croissance relative du secteur des services par com-
paraison avec l’agriculture est perçue comme l’une des deux forces à l’origine du
déclin de la part du travail au cours des trois dernières décennies (Bai et Qian,
2010). Troisièmement, toute une série de réformes économiques ont eu des eets
notables sur le marché du travail. Ainsi, Yang (1999) énumère-t-il divers facteurs
institutionnels responsables de l’évolution du revenu du travail en Chine, notam
-
ment les restrictions à la mobilité de la main-d’œuvre, le système de protection
sociale et les politiques nancières consistant à attribuer aux zones urbaines des
subventions et des crédits d’investissement inationnistes. En outre, Bai et Qian
(2010), qui ont exploré les distorsions sur les marchés des produits et des fac-
teurs, attribuent la baisse de la part du travail dans l’industrie manufacturière
depuis 1998 à la restructuration des entreprises d’État et au renforcement des
positions de monopole. Quatrièmement, les études internationales sur la part
du travail identient aussi la mondialisation comme un déterminant important.
Ce que montre Harrison (2005) pour les pays développés. Pour ce qui est de la
Chine, Luo et Zhang (2010) soulignent l’inuence négative des IED sur la part du
travail: la concurrence à l’échelle régionale pour les attirer modie le rapport de
forces au détriment du travail, donc sa part du revenu baisse.
Les explications susmentionnées de l’évolution de la part du travail sont
essentiellement d’ordre macroéconomique. En revanche, nous nous concentre-
rons ici sur les aspects microéconomiques, en limitant notre attention aux chan-
gements à l’échelle de l’entreprise dans l’ industrie manufacturière.
Nous nous en tenons au secteur secondaire du fait de son importance et
de sa représentativité. Il a longtemps été et continuera longtemps à être très
important pour l’économie dans son ensemble. Durant la période que nous

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