Répartition factorielle des revenus et régimes de croissance en Amérique latine de 1950 à 2012

DOIhttp://doi.org/10.1111/ilrf.12003
Published date01 March 2016
AuthorGermán ALARCO
Date01 March 2016
Revue internationale du Travail, vol. 155 (2016), no 1
Copyright © Auteur(s) 2016
Compilation et traduction des articles © Organisation internationale du Travail 2016
* Enseignant chercheur à l’École doctorale de l’Université du Pacique (Pérou); courriel:
g.alarcotosoni@up.edu.pe. L’auteur remercie de leur appui César Castillo et Kevin Gershy-
Damet, assistants attachés au projet de recherche en cours, et Favio Leiva, qui a contribué aux tra-
vaux précédents sur la question. Il remercie également Patricia del Hierro Carrillo de ses remarques.
Les articles paraissant dans la Revue internationale du Travail n’engagent que leurs auteurs,
et leur publication ne signie pas que le BIT souscrit aux opinions qui y sont exprimées.
Répartition factorielle des revenus
et régimes de croissance
en Amérique latine de 1950 à 2012
Germán ALARCO*
Resumé. Après un tour d’horizon exhaustif des études consacrées aux régimes de
croissance économique, l’auteur propose un modèle économétrique et s’applique
par ce moyen à déterminer le régime de croissance de seize économies latino-
américaines entre 1950 et 2012 . Il exploite pour ce faire des données sur la part
respective des salaires et des prots dans le PIB, analysant l’évolution de la répar-
tition factorielle du revenu par rapport à la croissance économique. Il conclut que
la plupart des économies de la région ont un régime de croissance fondé sur les
salaires et que les politiques de redistribution axées sur les salaires contribuent à
la croissance économique.
La question de la répartition des revenus alimente à nouveau le débat
public dans le monde depuis la parution de l’ouvrage de Piketty (2013),
qui présente des informations statistiques systématiques, portant sur des pé-
riodes longues, sur la répartition des richesses et la croissance des revenus dans
un certain nombre de grandes économies. Sans que cela ne soit son but pre-
mier, Piketty a ouvert la voie à une réexion nouvelle sur la question «Pour
qui produire?», celle que les économistes se posent une fois qu’ils ont répondu
à deux autres questions fondamentales: «Que produire?» et «Comment pro-
duire?». Dans la lignée des penseurs de l’école classique et du postkeynésia-
nisme qui ont travaillé dans le domaine, Piketty afrme que les fortes inégalités
de patrimoine et de revenu sont une menace pour la démocratie, sans détailler
toutefois les autres mécanismes par lesquels cette inégalité alimente les crises,
le ralentissement économique et les troubles sociaux.
Ces dernières décennies, la question de la répartition des revenus a aussi
retrouvé toutes les faveurs des chercheurs d’Amérique latine, qui se sont plutôt
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intéressés à la répartition personnelle des richesses qu’à leur répartition fac-
torielle ou fonctionnelle, dernier aspect pour lequel on peut citer cependant
quelques études récentes1. Cette dernière approche pose un certain nombre de
difcultés, notamment parce que la majorité des économies latino-américaines
comptabilisent les revenus mixtes des entrepreneurs individuels et des indé-
pendants dans l’excédent brut d’exploitation (EBE), ce qui conduit parfois les
auteurs à faire des ajustements et des estimations en conséquence.
D’autres difcultés se posent dans les analyses axées sur la répartition
personnelle du fait que les enquêtes auprès des ménages généralement utili-
sées tendent à sous-estimer les hauts revenus, qui sont également difciles à
évaluer par extrapolation à partir des données de la comptabilité nationale.
Enn, les statistiques sur la question sont limitées dans les pays d’Amérique
latine. Dans la plupart d’entre eux, il n’est pas possible d’exploiter directement
les déclarations d’impôt des ménages, et l’absence d’impôt sur les successions
empêche de constituer des séries statistiques sur l’évolution des patrimoines
des actifs à la façon de Piketty (2013).
Depuis Kalecki (1954), la répartition factorielle du revenu joue un rôle
déterminant dans l’explication du niveau du PIB et de son évolution. Les
postkeynésiens ont précisé ce lien, notamment ceux qui ont travaillé sur les
régimes de croissance, analysant l’effet de la part salariale sur la consommation
des ménages, l’investissement privé, les exportations et la productivité. Leur
objectif premier est alors de vérier si l’augmentation de la part salariale dans
le PIB contribue à élever le niveau de l’activité économique. Si tel est le cas,
ils concluent que le régime de croissance est fondé sur les salaires. Sinon, ce
régime est fondé sur les prots.
Dans le présent article, nous examinerons l’évolution de la part des sa-
laires et de l’excédent brut d’exploitation dans le PIB en Amérique latine entre
1950 et 2012 et chercherons à déterminer si les seize économies sur lesquelles
nous avons choisi de nous concentrer étaient axées sur les salaires ou sur les
prots. Nous exploitons des informations sur la masse salariale déjà présentées
dans une étude précédente (Alarco, 2014a), que nous compléterons. Nous nous
attacherons essentiellement à répondre aux questions suivantes: Que nous
disent les études qui mettent en relation la répartition des richesses et le ré-
gime de croissance économique? Quelle est la tendance générale en Amérique
latine en matière de répartition entre part salariale et part de l’excédent brut
d’exploitation? Peut-on dégager un modèle de répartition commun pour l’en-
semble de la région, ou faut-il au contraire admettre des particularités propres
à tel ou tel autre groupe de pays? Comment l’évolution de la part salariale
dans le PIB s’articule-t-elle avec la variation de la croissance économique sur
le long terme? Quel a été le régime de croissance (tiré par les salaires ou tiré
par les prots) des différentes économies d’Amérique latine?
1 Voir notamment Abeles, Amarante et Vega (2014), Alarco (2014a), BIT (2012), CEPALC
et BIT (2012), Neira Barría (2010), Lindenboim (2008), Frankema (2009), Bértola et coll. (2008)
et Fitzgerald (2009).

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