Problèmes actuels de reconnaissance de la kafala marocaine auprès des autorités espagnoles

AuthorNuria Marchal Escalona
PositionMaître de Conférences (Profesor Titular) de Droit international privé à l'Université de Grenade.
Pages197-230
Paix et Securité Internationales
ISSN 2341-0868, Num. 4, janvier-décembre 2016, pp. 197-230
DOI: http://dx.doi.org/10.25267/Paix_secur_ int.2016.i4.09
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PROBLÈMES ACTUELS DE RECONNAISSANCE DE
LA KAFALA MAROCAINE AUPRÈS DES AUTORITÉS
ESPAGNOLES
Nuria MARCHAL ESCALONA1
I.- INTRODUCTION – II.LA RECONNAISSANCE DE LA KAFALA PAR
L’ORDRE JURIDIQUE ESPAGNOL – III. PRATIQUE ADMINISTRATIVE
ET JUDICIAIRE ESPAGNOLE CONCERNANT LE TRAITEMENT DE LA
KAFALA MAROCAINE – IV. RÉFLEXIONS FINALES
PROBLÈMES ACTUELS DE RECONNAISSANCE DE LA KAFALA MAROCAINE AU-
PRÈS DES AUTORITÉS ESPAGNOLES
RÉSUMÉ: La kafala est une institution qui possède un fort caractère religieux. Il ne s’agit pas seu-
lement de maintenir et de prendre soin d’un mineur, mais aussi de l’élever dans la foi musulmane.
L’inaccomplissement de cette obligation a provoqué la réaction du gouvernement marocain qui
s’est opposé à ce que puisse être attribuée une kafala aux étrangers non-résidents au Maroc. Cepen-
dant, malgré cette interdiction, la kafala marocaine continue de poser des problèmes aux autorités
espagnoles. L’objet du présent travail est d’analyser les diff‌i cultés suscitées.
MOTS CLÉS: Kafala, Droit de famille internationale, reconnaissance, mesures de protection du
mineur.
PROBLEMAS ACTUALES DE RECONOCIMIENTO DE LA KAFALA MARROQUÍ
ANTE LAS AUTORIDADES ESPAÑOLAS
RESUMEN: La kafala es una institución que posee un fuerte carácter religioso. No solo se trata
de cuidar y manterner a un menor sino de educarlo y criarlo en la fe musulmana.De hecho, el in-
cumplimiento de esta obligación ha producido la reacción del Gobierno marroquí y ha dictado una
Circular en la que se prohibe constituir kafalas a favor de extranjeros no residentes en Marruecos.
No obstante, a pesar de esta prohibición la kafala marroquí todavía continua planteando problemas
de reconocimiento a las autoridades españolas. El objeto del presente trabajo es analizar las dif‌i -
cultades suscitadas.
PALABRAS CLAVE: Kafala, Derecho de familia internacional, reconocimiento, medidas de pro-
tección del menor.
CURRENT PROBLEMS OF RECOGNITION OF MOROCCAN KAFALA TO THE SPA-
1 Maître de Conférences (Profesor Titular) de Droit international privé à l’Université de
Grenade.
Cet article est partie intégrante du projet de recherche d’excellence de la Junta de Andalucía
SEJ-4738 intitulé «Análisis transversal de la integración de mujeres y menores extranjeros
nacionales de terceros Estados en la sociedad andaluza. Problemas en el ámbito familiar»
(Analyse transversale de l’intégration des femmes et des mineurs, ressortissants d’Etats tiers,
dans la société andalouse. Problèmes dans le domaine familial). Directrice: Mercedes Moya
Escudero. Révision et mise à jour de l’article publié dans la Revue critique droit international privé,
núm. 1, 2015, pp. 89-113. Traduction: Marie Lucas, spécialiste en traduction juridique.
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NISH AUTHORITIES
ABSTRACT: Kafala is an institution with a signif‌i cant religious component. This is not only a
matter of care and maintenance a child, but also to educating him/her in the Muslim Religion.
Failure to comply with this requirement has motivated the Moroccan Government reaction vetoing
to foreign non resident in Morocco the possibility of setting a kafala. Despite this prohibition, the
Moroccan kafala still poses problems to the Spanish authorities. The object of the present work is,
so, to analyze such problems.
Key words: Kafala, International family Law, recognition, protection measures for minors.
I. INTRODUCTION
Les mineurs marocains sous le régime de la kafala continuent à aff‌l uer vers
l‘Espagne. Cette situation n’a en rien changé pour ces ressortissants, même
après la signature de la Circulaire nº 40 S/2 du ministère de la Justice marocain,
en vertu de laquelle il était instamment demandé aux autorités marocaines
de refuser désormais la concession de kafalas aux demandeurs étrangers
ayant une résidence habituelle située en dehors du territoire marocain2.
Avant d’exposer et de pouvoir comprendre les raisons qui ont mené à la
promulgation de cette circulaire, il est opportun de préciser que la kafala,
reconnue à l’art. 20.3 de la Convention internationale des Droits de l’Enfant,
élaborée dans le cadre des Nations Unies, le 20 novembre 1989, constitue la
mesure de protection maximale dont peut bénéf‌i cier un mineur au Maroc et
dans les pays islamiques, où l’adoption est interdite3. Il s’agit d’une mesure qui
a un fort caractère religieux et dont la typologie et les caractéristiques différent
selon les Etats qui la pratiquent4. En dépit de cette diversité, la kafala peut
être déf‌i nie comme une institution en vertu de laquelle le kaf‌i l (titulaire de la
2 Sur celle-ci, cf.
de-constitucion-de-kafala-por-parte-de-extranjeros-que-no-residen-habitualmente-en-
marruecos-circular-n%C2%BA-40-s-2-reino-de-marruecos>. Cette circulaire a été suivie
d’une proposition législative de réforme de la kafala judiciaire au Maroc, dont nous
méconnaissons l’état actuel. Celle-ci augmente les conditions requises pour la constitution
d’une kafala de la part des étrangers. Cf.
html>.
3 Cependant, il existe entre elles des concomitances idéniables, car la kafala, de même que
l`adoption, doit être le dernier mécanisme auquel on doit recourrir pour protéger le mineur
(príncipe de subsidiarité). Il existe toutefois d’importantes différences, étant donné que la
kafala, à la différence de l’adoption (plénière ou simple), n’entraîne pas de liens familiaux.
4 DIAGO DIAGO, P., « La kafala islámica », Cuadernos de Derecho transnacional, vol. 2., 2010, p. 140.
NURIA MARCHAL ESCALONA
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kafala) s’engage volontairement à prendre en charge l’entretien, l’éducation et
la protection du mineur (makful) de la même manière qu’un père le ferait pour
son propre enfant.Toutefois le kaf‌i l ne s’engage pas uniquement à entretenir
et à prendre en charge f‌i nancièrement ce mineur mais aussi à l’éduquer dans
la religion musulmane. Cette institution n’a donc pas seulement pour objectif
de protéger le mineur mais également de garantir le respect de ses origines,
son identité personnelle, sa nationalité, –et par conséquent son appartenance
à ce qui est établi dans le Statut personnel marocain– ainsi que son éducation
dans la religion musulmane. Le refus de la constitution d’une kafala, suite
à une demande de la part de personnes résidant hors du Maroc, apparaît
étroitement lié à la diff‌i culté d’un suivi adéquat de la situation du mineur une
fois que celui-ci aura traversé la frontière espagnole ou celle d‘un autre Etat5.
Dans les faits, quand le mineur sous le régime de la kafala arrive en Espagne,
on essaie habituellement de régulariser cette « présumée adoption » auprès
des tribunaux espagnols6.
Suite à la promulgation de cette circulaire, le nombre de mineurs
marocains qui sont venus en Espagne sous le régime de cette mesure de
protection à considérablement diminué, mais ce n’est pas pour autant
qu’ils aient cessé de traverser la frontière espagnole s, et ceci est dû à divers
facteurs.Tout d’abord, il faut souligner que le Maroc ne connaît pas qu’un
5 Et ceci, bien que l’art. 24 de la loi marocaine nº 15-01, relative à la kafala des mineurs
abandonnés (BORM du Maroc nº 5036, du 05.08. 2002) oblige les services consulaires
marocains du lieu de résidence du kaf‌i l à veiller à l’accomplissement desdites conditions.
6 La jurisprudence espagnole est contradictoire sur cette possibilité. Il existe dans ce domaine
une très grande discrétionnalité. [Cf. DE VERDA, Y BEAMONTE, J.R., « Efectos jurídicos en
España del acogimiento de derecho islámico (“kafala”) », Diario La Ley, 2010, p. 1]. L’analyse
de cette jurisprudence nous a permis de constater que le fait qu’une adoption puisse être
accordée ou non en Espagne, dépend parfois de la Communauté autonome [région], voire,
au sein d’une même communauté de la ville auprès de laquelle est sollicitée la constitution
de l’adoption. Les tribunaux espagnols, favorables à cette constitution, ne doutent pas que la
loi espagnole doit être appliquée en ce sens. Par conséquent, toute limitation ou interdiction
établie par le droit du pays de provenance du mineur n’empêche pas sa constitution valide
en Espagne. Et ce, bien que l’application de la loi espagnole exige, selon les cas, d’obtenir
le consentement des parents ex. art. 177 CC). Les autorités espagnoles sauvegardent
généralement cette nécessité en recourant à des arguments aussi imaginatifs que variés (ad
ex. Circulaire 8/11 de la Fiscalía general del Estado (“Parquet général de l’Etat”), Cf. à ce sujet,
MARCHAL ESCALONA, N., “La kafala islámica: problemática y efectos”, in AA.VV., 1 Congreso
Internacional Retos sociales y jurídicos para los menores y jóvenes del siglo XXI, Comares, 2012, p. 244.

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