Le partenariat social, une voie d'avenir pour les syndicats indiens? Illustration par le cas de la fonction publique

DOIhttp://doi.org/10.1111/ilrf.12064
Published date01 December 2017
Date01 December 2017
AuthorVidu BADIGANNAVAR
Revue internationale du Travail, vol. 156 (2017), no 3-4
Droits réservés © auteur, 2017.
Compilation et traduction des articles © Organisation internationale du Travail, 2017.
* Aston Business School, Université d’Aston, Birmingham; drb.vidyadhar@gmail.com. L’au-
teur souligne qu’il a bénécié d’une subvention de la fondation Nufeld (dossier no 37325), qu’il
remercie. Sa gratitude va aussi à M. G. Gawade, du Congrès national indien des syndicats (INTUC),
et à M. A. Trivedi, de la Confédération des syndicats libres d’Inde (CFTUI), décédé depuis lors, qui
lui ont apporté une aide précieuse dans la préparation de cet article.
Les articles paraissant dans la Revue internationale du Travail n’engagent que leurs auteurs,
et leur publication ne signie pas que le BIT souscrit aux opinions qui y sont exprimées.
Le partenariat social, une voie d’avenir
pour les syndicats indiens? Illustration
par le cas de la fonction publique
Vidu BADIGANNAVAR*
Résumé. En Inde, depuis les réformes économiques de 1991, les syndicats ont
toujours moins d’inuence sur les politiques adoptées et l’issue de la négociation
collective. En se fondant sur des données recueillies dans l’État du Maharashtra,
auprès de délégués de deux centrales syndicales, l’auteur cherche à vérier si le
«partenariat social», au sens de coopération avec l’employeur, pourrait permettre
aux syndicats d’inverser la tendance et de servir plus efcacement les intérêts des
travailleurs. Si la législation protectrice du Maharashtra semble propice à la concer
-
tation, les pratiques sur le terrain, l’indifférence des autorités et une jurisprudence
défavorable réduisent les possibilités de bâtir un véritable partenariat social.
L
a question du partenariat social, au sens de coopération entre travailleurs
et employeurs, occupe une place importante en Inde depuis le début des
années 1990 (Mishra et Dhar, 2000; Sankaran et Madhav, 2011). Les réformes
économiques engagées dans le pays à partir de cette époque expliquent certai-
nement cet intérêt croissant pour les relations professionnelles. Le changement
de cap macroéconomique, avec le passage d’une politique de remplacement
des importations à un modèle axé sur l’exportation semble avoir eu pour effet
d’exclure les travailleurs des instances de décision ofcielles, et d’écarter les
syndicats de la négociation collective au niveau de l’entreprise (Shyam Sundar,
2009 et 2010). Les organisations de travailleurs traversent une étape difcile
qui, selon certains auteurs, oblige les dirigeants syndicaux à s’interroger sur la
nature même de la représentation collective qu’ils offrent aux salariés dans ce
nouveau contexte. Venkata Ratnam (2003 et 2009) estime par exemple que les
syndicats doivent se soucier en premier lieu des intérêts des consommateurs,
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puis de ceux des entreprises, et enn seulement de ceux de leurs adhérents. Le
raisonnement est le suivant: en privilégiant les intérêts des consommateurs, les
syndicats contribuent à la croissance et à la rentabilité des entreprises, ce qui
améliore par contrecoup la sécurité de l’emploi, les salaires et les conditions
de travail des travailleurs, lesquels seraient alors plus enclins à adhérer aux
syndicats, qui y gagneraient ainsi en audience et en inuence. Autrement dit,
une coopération axée sur l’amélioration de la productivité et de la rentabilité
serait avantageuse pour tous les partenaires.
Dans une vaste étude sur les relations professionnelles dans le nouveau
contexte économique en Inde, Das (2010) observe que les employeurs indiens
sont de plus en plus nombreux à adopter le modèle japonais de gestion des
ressources humaines. Ce modèle suppose une participation accrue des sala-
riés aux processus de décision, participation susceptible de limiter les conits
collectifs et de favoriser des relations professionnelles de type coopératif au
sein de l’entreprise. Les syndicats ont sans doute intérêt à tenir compte de ces
évolutions et à accepter de coopérer – plutôt que d’en rester à des rapports
conictuels – s’ils ne veulent pas risquer d’être marginalisés par les employeurs
et désavoués par les salariés.
W. R. Varadarajan, un éminent dirigeant de la Centrale des syndicats in-
diens (CITU), d’obédience communiste, a souligné la nécessité du partenariat
travailleurs-employeurs lors d’une conférence organisée par la principale orga-
nisation d’employeurs d’Inde, la Confédération de l’industrie indienne (CII). «Il
faut un consensus entre employeurs et syndicats sur le partenariat social si l’on
veut éviter le chaos et les émeutes en cette période de baisse généralisée des
effectifs, d’externalisation, de précarisation de l’emploi et de désindustrialisation
consécutive aux réformes économiques»1. La CII elle-même est très critique à
l’égard de la législation du travail indienne, qui accorde, selon elle, un pouvoir
disproportionné aux travailleurs et aux syndicats dans le secteur formel, ce qui
induit une grande combativité syndicale, des rigidités, une diminution de la pro-
duction industrielle et donc une hausse du chômage (CII, 2006). Il va de soi que
ce point de vue s’inspire des orientations préconisées par les institutions inter-
nationales dans des documents tels que La stratégie de l’OCDE pour l’emploi
(OCDE, 1996) et la série des rapports Doing Business de la Banque mondiale
(voir notamment Banque mondiale, 2008). La deuxième Commission nationale
sur l’emploi mise sur pied par le gouvernement indien va dans le sens de la CII.
Elle préconise de réformer en profondeur le droit du travail et encourage les
employeurs et les syndicats à coopérer pour promouvoir la paix sociale et la
prospérité économique (Inde, 2002; Chakrabarti et Dasgupta, 2007).
Dans son rapport sur la compétitivité mondiale 2012-13, le Forum écono-
mique mondial (Forum de Davos) (2012) indique que l’Inde a reculé de trois
places par rapport à 2011-12 et se classe désormais 59e sur 144 pays. Le forum
critique le manque de souplesse à l’embauche et au licenciement, des coûts de
licenciement élevés et des rigidités salariales. Pour ce qui est de l’efcacité du
1 Comme en fait état The Hindu, quotidien national, dans son édition du 26 juillet 2001.

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