Organiser les aides à domicile immigrés en Israël: la citoyenneté au travail et la voie syndicale

Published date01 March 2014
Date01 March 2014
DOIhttp://doi.org/10.1111/j.1564-9121.2014.00202.x
AuthorGuy MUNDLAK,Hila SHAMIR
Revue internationale du Travail, vol. 153 (2014), no 1
Copyright © Auteur(s) 2014
Compilation et traduction des articles © Organisation internationale du Travail 2014
Organiser les aides à domicile immigrés
en Israël: la citoyenneté au travail
et la voie syndicale
Guy MUNDLAK* et Hila SHAMIR**
Résumé. En partant de l’analyse d’une campagne syndicale en Israël, les auteurs
examinent la valeur du syndicalisme pour les migrants employés comme aides
à domicile. Ils distinguent les syndicats des organisations de la société civile et
reconsidèrent les notions fondamentales de l’action collective et la dénition du
«syndicat», ainsi que les moyens utilisés pour répondre aux difcultés et besoins
particuliers de ces travailleurs migrants. Ils concluent que, malgré les nombreux
problèmes posés par l’organisation de ces travailleurs et la précarité associée au
statut de migrant et au caractère majoritairement féminin des services à la personne,
les syndicats contribuent à la constitution d’une citoyenneté au travail, en donnant
accès à l’autonomie politique.
Les migrants employés comme aides à domicile rencontrent toutes sortes
de problèmes au travail. En effet, ils cumulent trois facteurs de vulné-
rabilité: la nature même de leurs tâches, le caractère majoritairement féminin
des soins à la personne et leur statut de migrant. Un seul de ces facteurs suf-
rait à rendre l’emploi précaire; leur juxtaposition constitue une cause sin-
gulière de vulnérabilité. Dans les milieux politiques ou savants, les débats en
faveur d’un renforcement et d’une protection effective des droits des aides à
domicile débouchent parfois sur l’idée que le cadre réglementaire, quel qu’il
soit, doit être complété par l’action d’associations qui s’emploient à renfor-
cer les moyens d’action des travailleurs, à faire entendre leur voix et à faire
évoluer en permanence l’environnement dans lequel ils opèrent (BIT, 2010,
pp. 100-101; Blackett, 2004, pp. 256-267). Il est légitime dès lors de se deman-
der si le syndicalisme ne constitue pas une forme d’association majeure et une
voie d’avenir pour les aides à domicile.
* Faculté de droit et Département des études sociales, Université de Tel-Aviv, courriel:
mundlak@post.tau.ac.il. **
Faculté de droit, Université de Tel-Aviv, courriel: hshamir@post.tau.ac.il..
Les articles paraissant dans la RIT, de même que les désignations territoriales utilisées,
n’engagent que les auteurs, et leur publication ne signie pas que le BIT souscrit aux opinions
qui y sont exprimées.
Revue internationale du Travail102
Dans le présent article, nous chercherons à vérier si le syndicalisme
est un projet réaliste pour les migrants employés comme aides à domicile en
nous fondant sur l’étude d’une campagne syndicale d’adhésion en Israël. Nous
ferons la distinction entre les syndicats, qui représentent les intérêts des tra-
vailleurs et négocient avec un employeur pour améliorer leurs conditions de
travail; les services d’assistance juridique destinés aux travailleurs, qui four-
nissent des conseils juridiques et une assistance administrative personnalisés
tout en faisant campagne pour la réforme des politiques; et les associations
communautaires, qu’il s’agisse de structures autonomes regroupant les indivi-
dus selon la confession ou l’identité nationale ou régionale ou de celles cher-
chant à renforcer les moyens d’action des travailleurs en faisant émerger des
chefs de le en leur sein et en créant un corps social. A la différence des ser-
vices d’assistance juridique et des associations communautaires, les syndicats
donnent accès à une forme de citoyenneté au travail fondée sur des principes
d’adhésion, d’autonomie politique et de participation directe. An d’exami-
ner la faisabilité de la voie syndicale pour les aides à domicile immigrés et les
atouts particuliers de cette formule, nous reviendrons par conséquent sur les
notions fondamentales de l’action collective, en nous demandant ce qu’il faut
entendre par «syndicat» et ce que cette institution peut faire pour répondre
aux difcultés et besoins des migrants travaillant dans le secteur des services
à la personne.
L’article se compose de quatre parties. Dans la première, nous revien-
drons sur quatre éléments qui nous permettront de replacer notre étude dans
son contexte: l’arrivée des aides à domicile immigrés en Israël, le cadre ré-
glementaire régissant leur activité, le développement des organisations de la
société civile qui répondent à leurs besoins et intérêts et, enn, les fonctions
particulières assurées par les syndicats. Dans la deuxième partie, nous présen-
terons la campagne d’adhésion lancée par un syndicat issu de la base – Koach
LaOvdim (Democratic Workers’ Organization) – qui organise les aides à do-
micile immigrés depuis 2009 environ. L’étude de cas se fonde sur nos propres
observations et des entretiens réalisés avec plusieurs des acteurs ayant par-
ticipé à cette campagne en 20111. Dans la troisième partie, nous nous inté-
resserons plus généralement au rôle potentiel des syndicats et aux fonctions
qu’ils peuvent remplir pour les migrants employés comme aides à domicile.
Nous examinerons les enseignements tirés de l’étude avant de considérer les
problèmes plus généraux susceptibles de surgir à nouveau lors de tentatives
d’organisation similaires. Malgré les nombreux problèmes mis en lumière dans
1 Il s’agit de militants qui ont tous participé au lancement du syndicat: Yael Wolfenzon, Mei-
tal Regev, Noga Shafer et Ilai Margalit, militants de la section de Jérusalem; Ophir Tubol, instiga-
teur du projet; Boaz Urman, Daniel Dotan et Avigail Shaham, militants de la section de Tel-Aviv;
Hana Zohar, directrice de Kav LaOved (ONG, SOS travailleurs (Workers’ Hotline)); Hanni Ben
Israel, juriste travaillant à SOS travailleurs, et Idit Lebovich, coordinateur de la section des aides à
domicile au sein de SOS travailleurs. En outre, les auteurs ont participé en qualité d’observateurs
à la réunion des dirigeants élus de la section de Jérusalem. D’autres informations proviennent
du blog du syndicat, disponible à l’adresse .org.il/the-community-center-for-
workers-rights/> [consulté le 16 décembre 2013].

To continue reading

Request your trial

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT