Un nouveau programme de recherche pour évaluer l'effet des dispositions relatives au travail contenues dans les accords de libre‐échange européens

DOIhttp://doi.org/10.1111/ilrf.12024
AuthorAdrian SMITH,Liam CAMPLING,James HARRISON,Ben RICHARDSON
Published date01 September 2016
Date01 September 2016
* Institut d’économie et de gestion, Collège Queen Mary, Université de Londres, courriel:
l.campling@qmul.ac.uk. **
Faculté de droit, Université de Warwick, courriel: j.harrison.3@warwick.
ac.uk. *** Département d’études politiques et internationales, Université de Warwick, courriel:
b.j.richardson@warwick.ac.uk. **** Institut de géographie, Collège Queen Mary, Université de
Londres, courriel: a.m.smith@qmul.ac.uk. Cet article a été rédigé par les auteurs en étroite col-
laboration. Il fait suite à un projet de recherche nancé par le fonds pour le partenariat entre le
Collège Queen Mary et l’Université de Warwick, qui portait sur le thème «The externalization of
European Union economic governance: The mismatch of economic and social development?».
Les auteurs remercient chaleureusement ces deux institutions, qui leur ont permis par leur appui
de mener divers travaux de recherche, notamment d’interroger des témoins clefs et d’analyser des
données sur la politique et les échanges commerciaux. Ils remercient également Tim Edkins, Peg
Murray-Evans et Aidan Wong, qui ont contribué au travail de recherche, ainsi que l’évaluateur ano-
nyme et les éditeurs de la Revue internationale du Travail, qui leur ont soumis des commentaires
sur leur texte. Une version préliminaire de cet article a été présentée lors d’un atelier organisé par
la KU Leuven du 20 au 21février 2014, sous le titre «Fostering labor rights in the global economy:
Multidisciplinary perspectives on the effectiveness of transnational public and private policy ini-
tiatives» (voir également Campling et coll., 2014).
Les articles paraissant dans la Revue internationale du Travail n’engagent que leurs auteurs,
et leur publication ne signie pas que le BIT souscrit aux opinions qui y sont exprimées.
Copyright © Auteur(s) 2016
Compilation et traduction des articles © Organisation internationale du Travail 2016
Revue internationale du Travail, vol. 155 (2016), no 3
Un nouveau programme de recherche
pour évaluer l’effet des dispositions
relatives au travail contenues dans
les accords de libre-échange européens
Liam CAMPLING*, James HARRISON**, Ben RICHARDSON***
et Adrian SMITH****
Résumé. L’Union européenne a conclu à ce stade quelque cinquante accords de
libre-échange bilatéraux, auxquels une dizaine d’autres devraient s’ajouter pro-
chainement. Ces textes comprennent désormais un chapitre intitulé «Commerce
et développement durable», soit des dispositions relatives au travail d’une nature
«promotionnelle» plutôt que «conditionnelle». Les auteurs s’attachent à préciser
les atouts et les limites de cette association, parfois contestée ou jugée inefcace,
entre objectifs commerciaux et objectifs sociaux, tout en soulignant l’insufsance
des connaissances en la matière. Pour y remédier, ils proposent un nouveau pro-
gramme de recherche, aux ns d’une évaluation des effets concrets de ces disposi-
tions relatives au travail dans les États partenaires.
La lutte contre l’exclusion revêt autant d’importance au-delà des frontières
de l’UE. Nous sommes engagés à promouvoir le développement durable, les
normes [internationales du travail] et des conditions de travail décentes à l’ex-
térieur de l’UE également (Commission européenne, 2010, p. 8).
Revue internationale du Travail394
Depuis les années 1990 et la création de l’Organisation mondiale du
commerce (OMC), de l’Accord de libre-échange nord-américain
(ALENA) et du marché unique européen, la question de la régulation du
commerce international agite les cercles de la recherche et l’opinion publique
en général. Deux aspects du débat retiennent notamment l’attention. Il s’agit
tout d’abord du succès déclinant de la thèse qui fait de la libéralisation des
échanges le gage d’une prospérité partagée. Chacun convient désormais que
les liens de cause à effet entre ouverture commerciale, croissance économique
et progrès social (soit notamment le recul de la pauvreté et l’amélioration des
conditions de travail) ne sont pas si évidents que ce que l’on avait pu pré-
tendre dans un premier temps (McCulloch, Winters et Cirera, 2001; Harrison,
2007). Deuxièmement, alors que les règles multilatérales de l’Accord général
sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) de 1947 visaient avant tout
l’«ouverture» et une libéralisation systématique des échanges, les accords com-
merciaux récents créent souvent pour les membres des obligations positives
relatives à toute une gamme de sujets, qui vont de la protection de la propriété
intellectuelle à l’évaluation scientique des risques alimentaires (Heiskanen,
2004). Par conséquent, beaucoup d’observateurs estiment qu’il faut étudier
de plus près les accords commerciaux internationaux pour bien comprendre
les effets complexes qu’ils peuvent avoir dans les faits sur le commerce inter-
national lui-même, sur chacun des pays ainsi associés et sur certains groupes
particulièrement vulnérables susceptibles d’en pâtir (Harrison, 2007 et 2 014).
Nous nous concentrons dans le présent article sur un autre type d’obli-
gations positives, à savoir les normes (au sens de principes ou valeurs) devant
être respectées dans le domaine du travail, normes qui sont toujours plus fré-
quentes dans les accords de libre-échange (ci-après «ALE») bilatéraux et ré-
gionaux. Nous analysons plus précisément la pratique de l’Union européenne
(UE) en la matière en examinant les ALE de la «nouvelle génération», soit
tous ceux qui ont été signés à partir de 2011 et du traité «UE-Corée» conclu
avec la République de Corée. Avec ces accords, l’Union a voulu introduire une
série plus «approfondie» et «complète» d’obligations sur les aspects commer-
ciaux mais aussi sur des questions connexes1. Nous pourrons dès lors exami-
ner les effets d’un certain nombre de dispositions relatives au travail similaires,
contenues dans des accords par ailleurs très différents si l’on s’en tient à la
couverture géographique, au niveau de développement et au cadre juridique
plus général. Enn, nous chercherons à déterminer dans quelle mesure l’UE
agit conformément à la déclaration de principe que nous avons mise en épi-
graphe, notamment à la lumière des réserves exprimées par certains esprits
1 Les qualicatifs «approfondi» et «complet», que l’on retrouve dans les traités commerciaux
actuels de l’UE, ont été introduits à l’époque des négociations lancées avec des pays du Partena-
riat oriental et du Partenariat euro-méditerranéen en vue de la conclusion de plusieurs «accords de
libre-échange approfondis et complets» bilatéraux (voir Wijkman, 2011; Smith, 2015).

To continue reading

Request your trial

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT