Modes de garde et mobilité des jeunes actifs dans le sud de l'Europe

DOIhttp://doi.org/10.1111/j.1564-9121.2015.00271.x
Published date01 December 2015
AuthorIldefonso MÉNDEZ
Date01 December 2015
Revue internationale du Travail, vol. 154 (2015), no 4
Copyright © Auteur(s) 2015
Compilation et traduction des articles © Organisation internationale du Travail 2015
*Université de Murcie, courriel: ildefonso.mendez@um.es. Le présent article reprend des
éléments d’un document de travail rédigé précédemment par l’auteur pour le Centro de estudios
monetarios y nancieros (CEMFI) (voir Méndez, 2008). L’auteur remercie Samuel Bentolila, qui
l’a aidé par ses conseils et son encadrement. Il remercie également María Dolores Collado, Juan
José Dolado, Pedro Jesús Hernández, Ángel López et Ernesto Villanueva, ainsi que les participants
au séminaire organisé par le CEMFI et l’Université de Murcie, des remarques qu’ils ont bien voulu
formuler sur la présente étude.
Les articles paraissant dans la RIT, de même que les désignations territoriales utilisées,
n’engagent que les auteurs, et leur publication ne signie pas que le BIT souscrit aux opinions
qui y sont exprimées.
Modes de garde et mobilité des jeunes
actifs dans le sud de l’Europe
Ildefonso MÉNDEZ*
Résumé. L’auteur analyse l’association entre mode de garde et mobilité des tra-
vailleurs dans le sud de l’Europe, où les couples parentaux effectifs ou poten-
tiels cherchent à résider près de leurs parents pour concilier travail et famille, en
tirant prot du faible taux d’activité des femmes de la génération précédente. Il
propose un modèle de comportement et prédit ainsi les décisions du couple sur
sa fécondité, sa mobilité et l’activité de la femme à partir de données du Panel
communautaire des ménages (PCM). Ce n’est que pour les couples avec enfants
du sud de l’Europe que l’on constate un effet défavorable signicatif du travail
féminin sur la mobilité.
O
n sait que le taux de migrations internes est plus faible en Europe qu’aux
Etats-Unis. Des pays tels que l’Espagne, la Grèce, l’Italie et le Portugal
se distinguent du reste de l’Europe par une population peu mobile en géné-
ral et, notamment, un faible taux annuel de déménagements d’une région vers
une autre (mobilité interrégionale). Selon l’Organisation de coopération et de
développement économiques (OCDE) (OCDE, 2005), le taux de migration in-
terne interrégionale –qui rend compte du nombre net de départs en pourcen-
tage de la population totale– était en 2003 d’environ 0,2pour cent en Grèce
et en Espagne et de 0,5pour cent en Italie et au Portugal, contre un niveau
bien plus élevé en Allemagne (1,4pour cent), en France (2,1pour cent) et au
Royaume-Uni (2,3pour cent). Il est intéressant de noter qu’il n’y a quasiment
pas de différences entre les pays si l’on considère plutôt le taux de migrations
au sein d’une même région (mobilité intrarégionale); en 2001, ce taux atteint
Revue internationale du Travail638
2,5pour cent environ en Allemagne, en Grèce et en Italie et autour de 4pour
cent en Espagne, en France et au Royaume-Uni1.
Dans notre étude, nous nous intéresserons aux déterminants de cette fai-
blesse des taux de mobilité interrégionale dans le sud de l’Europe. C’est là un
enjeu de taille pour des pays où les différences entre les régions sont impor-
tantes (OCDE, 2005) et où, dans un espace monétaire commun, aucun autre
outil –réalignement des monnaies par exemple– n’est disponible pour com-
penser un choc dans une région donnée.
Des études précédentes sur la faiblesse des taux de migration interne ont
mis l’accent sur l’inuence de facteurs institutionnels tels que les régimes d’as-
surance chômage. Hassler et coll. (2005) afrment ainsi que les variations dans
les niveaux de prestations de chômage expliquent l’écart dans ces taux entre les
Etats-Unis et l’Europe. En Europe, où ces prestations sont plus généreuses, la
mobilité est moindre. Cependant, Tatsiramos (2009) estime que les allocations
de chômage ne sont pas toujours associées à une moindre mobilité des travail-
leurs en Europe et qu’elles peuvent même favoriser cette mobilité en limitant
les difcultés nancières éventuellement liées à un déménagement ou une re-
cherche d’emploi.
D’autres auteurs ont montré le rôle déterminant du statut d’occupation
du logement dans la mobilité, faisant généralement ressortir que les locataires
de logements sociaux et les propriétaires hésitent davantage à déménager pour
raison professionnelle (voir notamment Barceló, 2003). Cependant, le Royaume-
Uni et les Etats-Unis présentent un taux de propriétaires très similaire à celui
de la Grèce et de l’Italie et, avec la Suède, ces deux pays arrivent en tête dans
le classement de l’OCDE quand on additionne la part des propriétaires et celle
des locataires de logements sociaux.
Des travaux empiriques ont aussi montré que les liens au sein de la fa-
mille et le capital social local réduisent la mobilité (Spilimbergo et Úbeda, 2004;
Munshi et Rosenzweig, 2009; David, Janiak et Wasmer, 2010). Alesina et Giu-
liano (2010) afrment que la culture, telle qu’elle se manifeste dans la vigueur
des liens familiaux, inue sur la mobilité, et ils démontrent, à partir de données
portant sur plus de soixante-dix pays, que des relations plus étroites renforcent
le recours à la famille en tant qu’unité économique et diminuent la mobilité
géographique. Cependant, leur hypothèse ne suft pas à expliquer la faiblesse
des taux de mobilité interrégionale dans des pays développés, puisqu’ils classent
l’Espagne, les Etats-Unis et l’Italie dans la catégorie des pays où les liens fami-
liaux sont importants, en afrmant que la Grèce se rapproche plutôt du modèle
norvégien et que les relations de type familial sont moins importantes pour ce
pays que pour l’Espagne, les Etats-Unis, la France, l’Italie et le Royaume-Uni.
Dans le présent article, nous analyserons l’effet des modes de garde dis-
ponibles sur la mobilité résidentielle des couples déjà parents (couples paren-
taux) ou susceptibles de le devenir. Nous chercherons à montrer que, dans les
pays du sud de l’Europe, les jeunes adultes vivant en couple choisissent d’habi-
ter près de leurs parents pour pouvoir concilier activité professionnelle et res-
ponsabilités familiales, en tirant prot du taux d’activité limité des femmes de
1 Calculs de l’auteur à partir de données du PCM.

To continue reading

Request your trial

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT