Les modes d'organisation de la protection sociale et du marché du travail peuvent‐ils expliquer les particularités du chômage des jeunes d'un pays à l'autre?

Date01 December 2017
Published date01 December 2017
DOIhttp://doi.org/10.1111/ilrf.12067
AuthorDennis TAMESBERGER
Revue internationale du Travail, vol. 156 (2017), no 3-4
Droits réservés © auteur, 2017.
Compilation et traduction des articles © Organisation internationale du Travail, 2017.
* Département de l’économie, de la protection sociale et de la politique sociale, Chambre
du travail, Linz, Autriche; Tamesberger.d@akooe.at. L’auteur remercie Johann Bacher. Il remer-
cie également Christina Koblbauer, Heinz Leitgöb, Franz Mohr et deux évaluateurs anonymes de
leurs observations bienvenues sur des versions préliminaires du présent article. Les opinions ex-
primées dans le présent article sont celles de l’auteur et ne reètent pas nécessairement celles de
la Chambre du travail.
Les articles paraissant dans la Revue internationale du Travail n’engagent que leurs auteurs,
et leur publication ne signie pas que le BIT souscrit aux opinions qui y sont exprimées.
Les modes d’organisation
de la protection sociale et du marché
du travail peuvent-ils expliquer
les particularités du chômage des jeunes
d’un pays à l’autre?
Dennis TAMESBERGER*
Résumé. Le chômage des jeunes ne se présente pas partout sous le même jour et
dépend de différents facteurs agissant en synergie. Après une synthèse documen-
taire sur la question, l’auteur procède à une analyse en classication hiérarchique
pour repérer les modes d’organisation de la protection sociale et du marché du
travail pouvant inuer en la matière dans l’UE27. Sur les cinq modèles mis en
évidence, celui qui a l’effet le plus favorable sur le ratio de chômage des jeunes et
le chômage de long terme dans la tranche d’âge associe prépondérance de l’ap-
prentissage, politique sociale et familiale généreuse et politiques actives du mar-
ché du travail.
Les marchés du travail et les sociétés en général portent encore les stig-
mates de la crise nancière et économique qui a commencé en 20 07.
Dans de nombreux pays européens, le chômage se généralise, dans un phéno-
mène que l’on pensait relégué au passé. Beaucoup d’auteurs s’inquiètent plus
encore du problème lorsqu’il touche les jeunes (Bell et Blanchower, 2011;
Boeri, 2011; Cahuc et coll., 2013; Choudhry, Marelli et Signorelli, 2012; O’Hig-
gins, 2012; Scarpetta, Sonnet et Manfredi, 2010). Plus récemment, O’Higgins
(2015) a montré que les jeunes étaient bien plus concernés que les adultes par
la hausse du chômage de longue durée.
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Cependant, les ratios de chômage des jeunes et les taux de chômage de
longue durée dans la tranche d’âge sont très variables d’un pays à l’autre (-
gure 1)1, disparités que l’on ne peut expliquer totalement par les aléas de la
situation économique dans chacun d’entre eux pendant la crise. D’un côté, on
trouve des pays comme la Finlande ou la Suède, où le taux de chômage de
longue durée chez les jeunes est particulièrement réduit. En Finlande, mal-
gré le net ralentissement de la croissance économique, ce taux est au même
niveau qu’avant la crise. En revanche, la Finlande aussi bien que la Suède en-
registrent un ratio de chômage des jeunes supérieur à celui de pays comme
le Danemark, l’Autriche, les Pays-Bas, la Lituanie, le Luxembourg et l’Alle-
magne. C’est en Allemagne, en Autriche et au Luxembourg que ce taux est le
plus faible à l’échelle de l’Union européenne (UE), même si les jeunes tou-
chés dans ces pays sont plus susceptibles que leurs homologues nlandais ou
suédois de connaître des épisodes de chômage prolongés. Le Danemark est
un cas à part. Le ratio de chômage et le chômage de longue durée y restent
relativement faibles chez les jeunes, alors même que le pays a été durement
frappé par la crise, enregistrant une contraction du PIB pendant trois années.
Les pays présentant le plus fort taux de chômage des jeunes de longue
durée sont la Slovaquie, l’Italie, la Grèce et la Bulgarie. On observe qu’en
Slovaquie la croissance du PIB de près de 10pour cent enregistrée sur la pé-
riode 2007-2013 n’a pas entraîné de détente durable sur le marché du travail
des jeunes. Le cas de la Pologne mérite aussi d’être signalé. Dans ce pays, le
seul de l’UE27 à n’avoir jamais connu de récession annuelle depuis le début
de la crise nancière et économique, le ratio de chômage des jeunes est très
élevé relativement, de même que le pourcentage de chômeurs de longue durée
chez les jeunes.
Ce tour d’horizon conduit forcément à s’interroger sur les raisons des
disparités entre pays, notamment en ce qui concerne le chômage de longue
durée. On peut raisonnablement s’attendre à ce que le mode d’organisation
de la protection sociale et du marché du travail joue un rôle en la matière.
Or les études existantes sur l’inuence potentielle des institutions sur le chô-
mage fournissent un éclairage contrasté sur la question. De nombreux auteurs
mettent en cause les marchés du travail «rigides» (voir notamment Bassanini
et Duval, 2009; Bernal-Verdugo, Furceri et Guillaume, 2012; Nickell, 1997).
D’autres contestent ce point de vue néoclassique, notamment Baccaro et Rei
(2007), Blanchard et Wolfers (2000), Blanchard (2006) et Stockhammer et
Klär (2011), et présentent des éléments tendant à montrer que les institutions
du marché du travail ont sur le chômage une incidence «minime» voire nulle.
Sturn (2013) établit que l’effet, positif ou négatif, des institutions sur le chô-
mage dans un pays dépend du mode de fonctionnement du marché du tra-
vail. Les études existantes sur la relation entre le chômage des jeunes et les
1 Dietrich (2013), Howell (2005) et Tamesberger (2015) montrent qu’il est difcile de pro-
céder à des comparaisons quand l’on se fonde sur le taux de chômage des jeunes plutôt que sur le
ratio de chômage des jeunes. C’est donc ce deuxième indicateur que nous avons choisi ici.

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