Mesurer l'effet des frictions d'appariement sur le chômage

AuthorAnte FARM
DOIhttp://doi.org/10.1111/ilrf.12153
Published date01 June 2020
Date01 June 2020
Droits réservés © auteur(s), 2020.
Compilation et traduction des articles © Organisation internationale du Travail, 2020.
Revue internationale du Travail, vol. 159 (2020), no 2
Mesurer l’effet des frictions
d’appariement sur le chômage
Ante FARM*
Résumé. L’auteur montre que les frictions d’appariement pèsent sur l’emploi
– entraînant une hausse du chômage– parce qu’elles créent un écart entre demande
de main-d’œuvre et emploi. Expliquant que cet écart peut être mesuré par les em-
plois non pourvus, à distinguer des emplois à pourvoir, il présente les résultats de
l’enquête suédoise sur les emplois vacants, qui estime ces deux indicateurs. Une
modification de la fonction d’appariement traduisant des délais de recrutement
plus longs est un indice de frictions d’appariement plus grandes, mais il faut, pour
le vérifier, mesurer les emplois non pourvus, ce qui permet également d’apprécier
leur effet sur le chômage.
Mots-clés: offre d’emploi, taux de chômage, courbe de Beverid ge, fonction
d’appariement.
1. Introduction
L’information sur les postes vacants est de plus en plus utilisée en économie pour
décrire et mesurer les frictions d’appariement et leur inuence sur le chômage
1
.
Il reste néanmoins à savoir précisément comment ces statistiques peuvent être
employées à cette n.
Si les embauches sont instantanées, il n’y a pas de postes vacants au sens
des enquêtes sur les emplois vacants. Toutefois, même dans ce scénario, selon la
théorie dynamique de l’ore de main-d’œuvre, il peut exister des frictions dans
le processus d’appariement. Cette théorie repose sur le postulat que, lorsque
l’embauche est instantanée, l’entreprise prend ses décisions en matière d’emploi
en fonction des coûts d’ajustement et de ses anticipations quant à l’évolution
du marché2. Ainsi, si elle prévoit que la hausse de la demande adressée à ses
*Institut suédois pour la recherche sociale (SOFI), Université de Stockholm; ante.farm@so.
su.se. Lauteur remercie pour leurs précieux commentaires Jim Albrecht, Mahmood Arai, Stig
Blomskog, Per-Anders Edin, Nils Gottfries, Jan Johannesson, Matti Pohjola, Åsa Rosén, Lena Schrö-
der, Susan Vroman et, en particulier, Gerard van den Berg, Anders Björklund, Peter Fredriksson,
Eivind Homann, Bertil Holmlund, Tomas Korpi, Walter Korpi, Matthew Lindquist, Martin Nybom,
Mathias Schumann, Michael Tåhlin et Eskil Wadensjö.
Les articles paraissant dans la Revue internationale du Travail n’engagent que leurs auteurs, et
leur publication ne signie pas que le BIT souscrit aux opinions qui y sont exprimées.
1 Parmi les travaux fondateurs consacrés à cette question gurent: Abraham (19 83, 1987), Pis-
sarides (1986), Blanchard et Diamond (19 89), Jackman, Layard et Pissarides (1989), Layard, Nickell,
et Jackman (1991).
2 Voir, par exemple, Nickell (1986) ou Hamermesh (1993, chapitre 6).
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produits ne sera que temporaire, elle risque de renoncer à augmenter ses eec-
tifs en raison des coûts d’embauche et de licenciement.
Il n’existe cependant pas que des embauches instantanées. En conséquence,
certains postes sont à pourvoir (en passant par une longue procédure de recru-
tement). Un important déplacement vers l’extérieur de la courbe UV (ou courbe
de Beveridge)– qui représente l’évolution du chômage en fonction de celle des
emplois vacants – est souvent interprété comme le signe que l’ecacité de la
recherche d’emploi diminue et que cette diminution a un fort impact sur le
chômage3. Beaucoup d’auteurs traitent les stocks de postes vacants et de chô-
meurs comme les facteurs d’un processus de production décrit par une fonction
d’appariement dont le ux d’embauches constitue la variable de sortie4. Le ux
d’embauches est censé inuer sur le chômage parce qu’il a une incidence sur la
probabilité d’un chômeur de trouver un emploi.
Il existe une friction d’appariement lorsque les entreprises ont des di-
cultés à trouver des salariés tandis que, dans le même temps, les travailleurs
parviennent dicilement à trouver un emploi. Dans cet article, nous nous inté-
ressons principalement aux problèmes de recrutement des entreprises, obser-
vant que les embauches non instantanées pèsent sur l’emploi– et entraînent
donc une hausse du chômage– parce qu’elles se traduisent par l’apparition de
postes non pourvus. Nous verrons également que le processus d’embauche est
beaucoup plus simple que le concept de fonction d’appariement le laisse penser.
Les entreprises annoncent la vacance d’un poste (lancent une procédure de
recrutement) pour éviter un autre type de vacance (un poste non pourvu). Pour
éviter toute ambiguïté, nous parlerons ici dans le premier cas «d’ores de postes
ou emplois à pourvoir» (ou «ores d’emplois») et dans le second de «postes ou
emplois non pourvus». Cette distinction est importante dans la mesure où seuls
les emplois non pourvus se traduisent directement par une hausse du chômage
en faisant passer le nombre de salariés sous le nombre d’emplois.
Il existe trois catégories d’embauches: les embauches instantanées (l’entre-
prise rappelle d’anciens salariés par exemple), les embauches destinées à recru-
ter un salarié à un poste à pourvoir (procédure de recrutement) et les embauches
destinées à pourvoir des postes non pourvus (demande de main-d’œuvre non sa-
tisfaite). Bien que l’établissement de statistiques relatives aux emplois vacants ait
récemment progressé
5
, les informations de base sur ces catégories d’embauches
3 «Dans un monde où les économistes ont peu de certitudes, le déplacement de la courbe UV
fournit de précieux éléments d’explication de la hausse du chômage. Un déplacement important
indique qu’une grande partie de la hausse est due à un changement de comportement des travail-
leurs et des employeurs concernant le pourvoi des emplois» (Layard, Nickell et Jackman, 1991,
p. 220).
4 Voir Petrongolo et Pissarides (2001) pour une dénition précise de la fonction d’appariement
et pour une étude de son rôle dans les modèles d’équilibre du chômage depuis les années 1970.
5 Actuellement, des enquêtes destinées à recenser les postes vacants sont conduites trimes-
triellement (ou mensuellement) auprès des entreprises en Australie (depuis 1983) et aux Pays-Bas
(depuis198 8), mais aussi en Suède (depuis juillet2 000), aux États-Unis (depuis décembre 2000) et
au Royaume-Uni (depuis septembre 2002). Une initiative invitant tous les pays de l’ Union euro-
péenne (UE) à élaborer des enquêtes à mener auprès des entreprises pour recenser les postes va-
cants a été lancée par Eurostat en 2003, et le Règlement45 3/2008 de 2008 est venu renforcer cette
initiative.

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