L'effet de la polarisation du marché du travail sur les parcours d'insertion des diplômés de l'université en République de Corée: apports pour une analyse du chômage des jeunes

• Published date: 01 September 2019
• Date: 01 September 2019
• DOI: http://doi.org/10.1111/ilrf.12131

Revue internationale du Travail, vol. 158 (2019), no 3

Droits réservés © auteur, 2019.

Compilation et traduction des articles © Organisation internationale du Travail, 2019.

L’effet de la polarisation du marché

du travail sur les parcours d’insertion

des diplômés de l’université en République

de Corée: apports pour une analyse

du chômage des jeunes

Sungyup CHUNG*

Résumé. Les auteurs analysent l’incidence des caractéristiques du marché du tra-

vail sur les comportements d’activité des diplômés de l’université en République

de Corée, exploitant des données d’enquête nationales relatives à la période 2005-

2013. Ils estiment l’effet de variables macroéconomiques sur les parcours d’inser-

tion, montrant que la polarisation du marché du travail, mesurée par l’indice de

Chung et Jung (2016), a un effet signicatif sur le chômage des diplômés, y com-

pris sous ses formes masquées (par le report de la remise du diplôme ou une réins-

cription universitaire). L’analyse de la structure du marché du travail semble donc

essentielle à une bonne compréhension du chômage des jeunes.

E

n République de Corée, plus de 70 pour cent des jeunes poursuivent leur

formation à la n du secondaire, s’inscrivant à l’université ou dans un

autre établissement d’enseignement supérieur1. Si l’on inclut les redoublants,

le taux des jeunes qui fréquentent l’université, parmi ceux qui remplissent les

conditions nécessaires pour le faire, dépasserait les 80 pour cent. Pour bien

comprendre le chômage des jeunes, il semble donc indispensable d’examiner

les parcours professionnels des diplômés de l’université.

Dans cet article, nous chercherons à savoir comment les caractéristiques

du marché du travail, et en particulier sa polarisation, inuent sur les déci-

sions des étudiants pour ce qui est de l’entrée dans la vie active. La plupart

des études antérieures sur les parcours professionnels des jeunes se focalisent

* Unité des études macroéconomiques de l’institut de recherche économique de la Banque

de la République de Corée; sychung@bok.or.kr.

Les articles paraissant dans la Revue internationale du Travail n’engagent que leurs auteurs,

et leur publication ne signie pas que le BIT souscrit aux opinions qui y sont exprimées.

1 En 2015, le taux d’inscription dans le supérieur était de 70,8 pour cent.

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sur les chiffres du chômage ou sur la probabilité de connaître ce genre de dif-

cultés d’insertion après l’obtention du diplôme (en analysant la durée de la

période de recherche d’emploi initiale). D’autres sont axées sur les caractéris-

tiques individuelles ayant une incidence sur le chômage. Pour notre part, nous

nous attacherons à déterminer l’effet de certains facteurs macroéconomiques

et individuels sur différents aspects des parcours professionnels des jeunes à

la sortie de l’université.

Parce qu’ils craignent qu’une période de chômage initial n’impressionne

défavorablement les employeurs potentiels, les étudiants cherchent souvent à

dissimuler ce type d’expérience, par exemple en reportant le moment de la

remise du diplôme ou en se réinscrivant dans un autre établissement univer-

sitaire. En examinant les liens des jeunes avec le marché du travail pendant

leurs études et par la suite, nous espérons repérer les cas de chômage dissi-

mulé, qui empêchent d’évaluer précisément le nombre des échecs d’insertion.

Nous chercherons donc ici à envisager autant de parcours d’accès à l’emploi

que possible, en examinant à la fois les situations de chômage avérées et les

cas de reprise des études une fois le premier diplôme en poche.

En outre, nous considérons l’environnement macroéconomique plus gé-

néral (croissance du PIB ou indicateurs de la structure du marché du travail

notamment), pour tenter d’expliquer les parcours d’insertion des jeunes et en

tirer des conséquences pour l’action publique. Par cette étude, nous espérons

compléter la littérature sur le sujet en évaluant de façon plus exhaustive les

comportements d’activité des diplômés de l’université et en montrant dans

quelle mesure la structure du marché du travail (sous l’angle de la polarisa-

tion) pourrait inuer sur l’emploi des jeunes.

Les liens des jeunes travailleurs et des diplômés de l’université avec le

marché du travail présentent certains traits distinctifs par rapport à la situation

de la main-d’œuvre plus âgée. Pour commencer, cette classe d’âge est touchée

par le chômage plus qu’aucune autre. En 2015, le taux de chômage des 20-

29 ans s’établissait ainsi à 9,1 pour cent environ, soit quelque 6,5points de

pourcentage de plus que dans les autres tranches d’âge (voir gure 1)2. Face

aux jeunes, les entreprises sont donc en position de force. Une autre particula-

rité des jeunes, c’est qu’il leur est possible de ne pas faire apparaître des situa-

tions de chômage effectives sur leur curriculum vitae, soit en se réinscrivant à

l’université pour un ou plusieurs semestres supplémentaires, soit en retardant

le moment de la remise de leur diplôme. À cet égard, comme on le verra sur le

diagramme de la gure2, les activités visant à faciliter l’insertion profession-

nelle (stage de courte durée, cours de langue, etc.) sont la première cause des

suspensions de cursus, après le service militaire obligatoire, ce qui tend aussi

à montrer que le chômage des jeunes diplômés est plus élevé dans les faits

que ce que veulent bien dire les registres ofciels. Les différences entre classes

d’âge pourraient découler d’une substitution imparfaite entre les travailleurs

2 Selon les données de l’Enquête sur les parcours professionnels des diplômés du supérieur,

environ 11pour cent des jeunes sortant de l’université n’étaient pas en emploi et pas non plus réins-

crits dans un autre établissement de formation sur la période 2003-2 013.