L'effet de l'éducation sur les disparités salariales dans le secteur informel: l'exemple du Cameroun

Date01 September 2019
DOIhttp://doi.org/10.1111/ilrf.12132
Published date01 September 2019
Revue internationale du Travail, vol. 158 (2019), no 3
Droits réservés © auteur(s), 2019.
Compilation des articles © Organisation internationale du Travail, 2019.
L’effet de l’éducation sur les disparités
salariales dans le secteur informel:
l’exemple du Cameroun
Henri ATANGANA ONDOA*
Résumé. L’auteur analyse l’effet de l’éducation sur les disparités salariales dans
le secteur informel au Cameroun. L’analyse s’appuie sur des régressions quantiles
et des données de l’enquête EESI2 (deuxième enquête sur l’emploi et le secteur
informel au Cameroun, menée en 2010). Elle montre que, dans le secteur infor-
mel, le salaire augmente avec le niveau d’instruction, de même que les disparités
salariales (qui se creusent notamment sous l’effet d’un diplôme du supérieur). Plu-
sieurs recommandations de politique générale en découlent, en vue d’une formali-
sation de l’économie: créer plus d’emplois pour la main-d’œuvre qualiée, fournir
des infrastructures adaptées aux activités informelles et développer la formation
professionnelle.
L’éducation a une inuence déterminante sur les gains. Les différences
de niveau d’instruction contribuent à expliquer les écarts en matière de
rémunération même après prise en compte des aptitudes non observées, ce qui
tendrait à attester un effet positif de l’éducation sur la productivité. Dans ce
cas, les uctuations cycliques du rendement de l’éducation devraient être attri-
buées à des variations de l’offre et de la demande sans relation avec la produc-
tivité individuelle. Acemoglu (2003) a proposé un modèle en vue d’expliquer
les différences dans la dynamique des inégalités salariales observées selon la
région. Son analyse montre que la technologie qui tend à privilégier les indi-
vidus les plus qualiés (skill-biased technology) élève le rendement relatif de
l’éducation, du fait d’une complémentarité entre les nouvelles technologies et
la formation. Il y a donc dans ce cas une hausse effective de la productivité,
qui se répercute sur les gains (Checchi, 2006). Il est donc naturel de penser
qu’une offre éducative plus abondante réduira le salaire relatif des individus
les plus qualiés. Or, malgré la hausse du nombre de diplômés, on n’observe
* Université de Yaoundé II; atanganaondoa@yahoo.fr.
Les articles paraissant dans la Revue internationale du Travail n’engagent que leurs auteurs,
et leur publication ne signie pas que le BIT souscrit aux opinions qui y sont exprimées.
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pas de recul salarial au sein de ce groupe par rapport aux niveaux observés
chez les non-diplômés. L’écart salarial se creuse par conséquent entre les indi-
vidus les mieux formés et ceux qui sont moins instruits, ce qui contribue sans
aucun doute au renforcement des disparités salariales globales (Machin, 1996).
Dans les premiers travaux sur la question, le renforcement des écarts
de salaire observé dans les années 1980 est notamment attribué à l’éducation,
mais aussi aux nouvelles technologies, qui feraient évoluer la demande des
employeurs, désormais à la recherche de nouvelles compétences et de nou-
veaux prols de formation. Selon Machin et Van Reenen (1998), les nouvelles
techniques introduites sur les lieux de travail modernes favorisent les travail-
leurs les plus qualiés et les mieux formés, ce qui crée un biais en leur faveur
et contribue au creusement des inégalités salariales. Ce raisonnement serait
fondé sur l’idée que les nouvelles technologies élèvent la productivité, mais
que seuls certains travailleurs possédant les compétences nécessaires peuvent
les utiliser. Or, si les employeurs sont disposés à mieux rémunérer leur per-
sonnel qualié, qui se trouve dans une situation de complémentarité par rap-
port aux nouvelles technologies, ils devraient plutôt réduire le salaire de leurs
personnels peu qualiés, incapables d’utiliser les techniques de pointe, voire
s’en séparer. Dans une telle situation, les salaires relatifs et le taux d’emploi
des travailleurs les plus qualiés tendent à s’élever (Machin, 2004; Budría et
Pereira, 2005; Breau, Kogler et Bolton, 2014).
En 1993, la quinzième Conférence internationale des statisticiens du tra-
vail a déni le secteur informel en prenant pour base de référence «l’unité
économique de production», à savoir toute unité exerçant une activité écono-
mique, plutôt que le travailleur ou le type de travail. Par conséquent, les per-
sonnes employées dans le secteur informel sont dénies comme toutes celles
qui, au cours d’une période de référence donnée, travaillent pour une unité
de production du secteur informel au moins, quelle que soit leur situation au
regard de l’emploi, et que l’emploi en question constitue leur occupation prin-
cipale ou une occupation secondaire. An de distinguer les unités du secteur
informel des entreprises non constituées en société appartenant à un ménage,
la conférence a recommandé l’utilisation d’un ou de plusieurs des trois critères
suivants: a)la taille limitée de l’unité (sous l’angle de l’effectif); b)l’absence
de division entre le travail et le capital en tant que facteurs de production; et
c)l’absence de protection sociale et juridique pour les travailleurs (BIT, 1993).
Au Cameroun, toutes les unités de production qui ne possèdent pas de
numéro de contribuable ou ne tiennent pas de comptabilité formelle sont
considérées comme faisant partie du secteur informel. En 2010, le nombre de
ces unités de production informelles était estimé à un peu plus de 2,5millions
sur l’ensemble du territoire national. Parmi elles, près de la moitié (49,5pour
cent) étaient situées en zone rurale, 33,3pour cent dans les villes de Yaoundé
et Douala et le reste (17,2 pour cent) dans d’autres agglomérations (Insti-
tut national de la statistique, 2011a). En vertu du décret n° 2014/2217/PM du
24juillet 2014, le salaire minimum a été xé à 36270francs CFA au Cameroun,
soit quelque 60dollars des États-Unis (dollars dans la suite du texte). Dans le

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