L'attitude des employeurs à l'égard des réfugiés: les résultats d'une enquête suédoise

AuthorPer SKEDINGER,Per LUNDBORG
Date01 June 2016
Published date01 June 2016
DOIhttp://doi.org/10.1111/ilrf.12022
Revue internationale du Travail, vol. 155 (2016), no 2
Copyright © Auteur(s) 2016
Compilation et traduction des articles © Organisation internationale du Travail 2016
* Institut suédois de recherche sociale (SOFI), Université de Stockholm, courriel: per.
lundborg@so.su.se. ** Institut de recherche sur l’entreprise (IFN) (Stockholm) et Université
de Linnaeus (Växjö), courriel: per.skedinger@ifn.se. Les auteurs remercient l’Institut national de
recherche économique de son appui, en particulier Juhana Vartiainen et Elisabeth Hopkins, pour
leurs commentaires bienvenus sur leur étude, et Roger Knudsen, qui a pris en charge la réalisa-
tion de l’enquête sur laquelle elle repose. Per Skedinger remercie aussi la Fondation Marianne and
Marcus Wallenberg pour son soutien nancier.
Les articles paraissant dans la Revue internationale du Travail n’engagent que leurs auteurs,
et leur publication ne signie pas que le BIT souscrit aux opinions qui y sont exprimées.
L’attitude des employeurs à l’égard
des réfugiés: les résultats
d’une enquête suédoise
Per LUNDBORG* et Per SKEDINGER**
Résumé. En se fondant sur une enquête auprès des entreprises, menée à grande
échelle en Suède, les auteurs concluent à une hétérogénéité importante des atti-
tudes par rapport à la main-d’œuvre immigrée d’origine réfugiée, au comporte-
ment professionnel de ces travailleurs, à leur niveau de salaire et à la discrimination
à leur égard, même si une expérience préalable en la matière limite les attitudes
négatives. Pour la majorité des entreprises, les salaires minima conventionnels ne
constituent pas un obstacle majeur au recrutement de réfugiés. Cependant, celles
qui emploient beaucoup de réfugiés estiment que la réduction de ces seuils serait
très bénéque à l’emploi.
L’
intégration des immigrés accueillis au titre du droit d’asile est désormais
une question prioritaire pour de nombreux pays européens qui re-
çoivent d’importants ux de réfugiés. En 2015, l’exode de réfugiés depuis la
Syrie, l’Afghanistan et d’autres zones de conit a mis en lumière l’urgence
particulière d’une meilleure appréhension de l’intégration de ces populations
dans des pays comme l’Allemagne, la Suède ou l’Autriche. Les principaux
enjeux politiques ne se limitent pas à l’accueil immédiat des nouveaux arri-
vants, à leur logement par exemple. La question de leur formation entre aussi
en ligne de compte, de même que celle de leur insertion à long terme sur le
marché du travail.
Exclure les réfugiés du marché du travail a un coût pour les intéressés
et pour les pays d’accueil et nuit en outre à la paix sociale et au soutien de
la population en faveur d’une politique généreuse à leur égard. L’intégration
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pose des problèmes à trois niveaux au moins. Premièrement, au niveau indivi-
duel, il faut citer des compétences linguistiques insufsantes, un faible niveau
d’études, une mauvaise santé mentale ou physique et une expérience profes-
sionnelle limitée dans les pays développés. Ces difcultés peuvent en grande
partie être résolues par l’investissement dans l’éducation et les soins de santé,
mais cela suppose toutefois une longue période d’intégration. Deuxièmement,
au niveau de l’entreprise, les employeurs jouent bien sûr un rôle essentiel par
leurs décisions en matière de recrutement et leurs pratiques salariales. Dans ce
cadre, les comportements discriminatoires de la part des salariés ou des clients
peuvent nuire de façon non négligeable à l’intégration. La xation des salaires
est liée à la conception qu’ont les entreprises du recrutement de réfugiés. En
effet, la discrimination peut aller de pair avec des salaires plus faibles. Troisiè-
mement, au niveau des politiques, les institutions du marché du travail telles
que le salaire minimum ou les mesures du soutien à l’emploi, peuvent inuer
sur le processus d’intégration.
Dans cet article, nous nous plaçons au niveau de l’entreprise, et nous
présentons les résultats d’une enquête à grande échelle, la seule jamais consa-
crée à l’emploi de réfugiés à notre connaissance. Cette enquête a été réalisée
en Suède, où le nombre de réfugiés est particulièrement élevé, et qui présente
un écart record entre les taux d’emploi des autochtones et ceux de cette po-
pulation parmi les pays de l’OCDE (OCDE, 2011). Par rapport à la taille de
sa population, la Suède accueille une part disproportionnée des demandeurs
d’asile de l’Union européenne (UE). En 2012 par exemple, le pays comptait
13pour cent de cette population, soit plus de 43 000personnes. Ces dernières
années, les principaux pays d’origine sont la Syrie, la Somalie, l’Afghanistan,
la Serbie et l’Érythrée (Fredlund-Blomst, 2014). En chiffres absolus, seules
l’Allemagne et la France enregistrent davantage de demandes. Cependant,
l’intégration des réfugiés est tout sauf satisfaisante en Suède. Notamment,
le taux d’emploi de cette population est de 60pour cent après dix années
passées dans le pays; il est même inférieur pour certains groupes, comme les
Somaliens (35pour cent), ou les Iraniens et les Irakiens (50pour cent) (voir
Statistics Sweden, 2009).
Pour les besoins de l’enquête que nous exploitons ici, plus de 1800 em-
ployeurs issus d’un échantillon représentatif d’entreprises ont répondu à des
questions sur l’impact des institutions et leurs propres comportements vis-à-vis
de la main-d’œuvre réfugiée. Le questionnaire était conçu de façon à détermi-
ner la fréquence de l’emploi des réfugiés et le bilan tiré de cette expérience,
la perception de l’impact des niveaux salariaux sur de tels recrutements ainsi
que les points de vue concernant la discrimination éventuelle de la part de
collègues ou de clients autochtones. Plusieurs questions visaient par ailleurs
à recueillir l’opinion des employeurs concernant l’impact sur l’emploi d’une
baisse éventuelle des salaires, notamment celle des minima conventionnels. La
taille de l’échantillon permet une évaluation quantitative des réponses.
La plupart des travaux de recherche sur l’intégration des immigrés se
concentrent à ce stade sur le capital humain, comme les compétences linguis-

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