Institutions et formation des salaires dans la zone euro: une analyse à partir de techniques de coïntégration sur données de panel

AuthorGaetano D'ADAMO,Cecilio TAMARIT,Mariam CAMARERO
Date01 March 2016
DOIhttp://doi.org/10.1111/ilrf.12001
Published date01 March 2016
Revue internationale du Travail, vol. 155 (2016), no 1
Copyright © Auteur(s) 2016
Compilation et traduction des articles © Organisation internationale du Travail 2016
*
Unité mixte de recherche INTECO, Faculté d’économie de l’Université JaumeI (Castellón
de la Plana, Espagne), courriel: camarero@eco.uji.es. ** Unité mixte de recherche INTECO, Fa-
culté d’économie appliquée II de l’Université de Valence, courriels: gaetano.dadamo@uv.es (auteur
correspondant); cecilio.tamarit@uv.es. Les auteurs remercient, pour leur soutien nancier, le minis-
tère de l’Économie et de la Concurrence espagnol (projet ECO2011-30260 -C03-01), le programme
Prometeo de la Generalitat valenciana (référence 2009/098) et la Commission européenne (pro-
jets 542457-LLP-1-2013 -1-ES-AJM-CL et 542434-LLP-1-2 013-1-ES-AJM-CL, Programme Jean
Monnet pour l’éducation et la formation tout au long de la vie). Ils remercient également de leurs
remarques très utiles les participants au Workshop in Time Series Econometrics qui s’est tenu à
Zaragoza du 2 au 3avril 2014. Leur gratitude va aussi à Josep Lluís Carrion-i-Silvestre, qui leur a
fourni les codes informatiques nécessaires à l’application du test de Banerjee et Carrion-i-Silvestre
(2015) ainsi que des avis et conseils précieux.
Les articles paraissant dans la Revue internationale du Travail n’engagent que leurs auteurs,
et leur publication ne signie pas que le BIT souscrit aux opinions qui y sont exprimées.
Institutions et formation des salaires
dans la zone euro: une analyse
à partir de techniques de coïntégration
sur données de panel
Mariam CAMARERO*, Gaetano D’ADAMO** et Cecilio TAMARIT**
Résumé. Les auteurs proposent une équation de salaire d’équilibre pour la zone
euro en 1995-2 011 à partir de techniques de coïntégration en panel autorisant la
dépendance interindividuelle et les ruptures structurelles. Comme escompté, les
salaires afchent une corrélation positive avec la productivité et négative avec le
chômage. L’introduction de variables institutionnelles montre que la exibilité du
marché du travail peut cohabiter avec la modération salariale. Il apparaît aussi que
la concurrence internationale renforce le lien entre salaires et productivité à partir
de 200 4, et que l’appréciation du taux de change réel contracte les salaires, modé-
rés également par l’intervention étatique et la concertation salariale.
D
epuis quinze ans, les salaires réels ont connu des évolutions très variables
dans les pays de la zone euro, ce qui reète des différences dans les
coûts unitaires du travail globaux (voir gure1). D’une part, les pratiques sa-
lariales ont des effets décalés importants sur les prix et, potentiellement aussi,
par conséquent, sur la compétitivité: lorsqu’un pays afche une ination obs-
tinément élevée –en raison d’une augmentation des coûts unitaires du travail
par exemple– par rapport aux autres membres de l’Union monétaire, son taux
Revue internationale du Travail30
Figure 1. Rémunération réelle par tête dans onze pays de la zone euro, 1995-2011
r_comp
Source: Calculs des auteurs à partir de données d’Eurostat.
Temps
T1-1995 T1-2000 T1-2005 T1-2010
T1-1995 T1-2000 T1-2005 T1-2010
T1-1995 T1-2000 T1-2005 T1-2010
Autriche Belgique
Finlande
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France
Allemagne
Irlande
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T1-1995 T1-2000 T1-2005 T1-2010
T1-1995 T1-2000 T1-2005 T1-2010
Italie Luxemburg
Pays-Bas
T1-1995 T1-2000 T1-2005 T1-2010
T1-1995 T1-2000 T1-2005 T1-2010
Portugal
Espagne
Institutions et formation des salaires dans la zone euro 31
de change réel s’apprécie et il perd en compétitivité. Par ailleurs, les pays de
la zone euro ne peuvent pas utiliser le taux de change nominal pour corriger
des dynamiques de prix divergentes. La seule façon de remédier à des écarts
d’ination est la «dévaluation interne» (baisse des salaires). Jaumotte et Morsy
(2012) ont montré ainsi récemment que la protection plus rigoureuse de l’em-
ploi et la centralisation de la négociation collective à l’échelon intermédiaire
(sectoriel) avaient contribué dans une large mesure aux écarts d’ination mar-
qués et persistants entre plusieurs pays de la zone euro dans la période qui a
précédé la crise nancière et économique de 2008-2 010.
Il est donc primordial de bien comprendre les mécanismes de la forma-
tion des salaires dans la zone euro, en particulier du fait de l’importance accor-
dée par l’OCDE (2004) et, ces dernières années tout particulièrement, par la
Commission européenne aux réformes du marché du travail et à la exibilité
salariale. En outre, puisque les pays de la zone euro se distinguent aussi par
des institutions du marché du travail relativement différentes, on peut raison-
nablement s’attendre à ce que le cadre institutionnel et l’évolution macroéco-
nomique de chacun aient des effets importants sur les salaires.
Dans ce contexte, nous examinons dans le présent article les détermi-
nants de long terme du salaire dans onze pays de la zone euro, en mettant
l’accent sur les institutions du marché du travail. Plus précisément, nous pro-
posons une extension d’une équation de salaire classique (Blanchard, 2000)
pour tenir compte du rôle de la réglementation du marché du travail et de
la négociation salariale. L’un des principaux apports de notre étude, c’est que
nous y tentons, pour la première fois, d’estimer les paramètres d’une équa-
tion de salaire d’équilibre en tenant compte des relations de coïntégration et
du rôle éventuel des facteurs institutionnels sur le long terme. Introduire des
variables institutionnelles dans la relation de coïntégration revient à supposer
que l’évolution du cadre institutionnel a des effets durables sur le niveau du
salaire réel. En outre, dans une certaine mesure, une telle analyse nous per-
met d’évaluer quel cadre institutionnel convient le mieux pour la xation des
salaires dans la zone de la monnaie unique.
Cependant, l’aspect le plus novateur de notre analyse, c’est sa conception
statistique. En effet, nous avons estimé les déterminants des salaires en utili-
sant des techniques de coïntégration sur données de panel, qui permettent de
tenir compte des phénomènes de dépendance interindividuelle et de la pré-
sence de ruptures à la fois dans les séries et dans les relations de coïntégration.
Cela est extrêmement important compte tenu des changements institutionnels
que les marchés du travail des pays de la zone euro ont connus ces vingt der-
nières années, dont l’introduction de l’euro bien entendu. Nous corrigeons aussi
l’autocorrélation et l’endogénéité.
La suite de notre article comprend sept parties. Dans la première, nous
faisons un tour d’horizon des travaux antérieurs sur les institutions du mar-
ché du travail et leur inuence sur les salaires. Nous présentons, dans une
deuxième partie, un cadre théorique simplié et, dans une troisième, les don-
nées et variables que nous avons utilisées dans notre analyse empirique. Dans

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