A I'encontre du conservatisme économique: un projet pour la croissance, I'emploi et la réduction de la pauvreté

Date01 March 2005
DOIhttp://doi.org/10.1111/j.1564-913X.2005.tb00521.x
Published date01 March 2005
AuthorIyanatul ISLAM
Revue internationale du Travail,
vol. 144 (2005), n
o
1
Copyright © Organisation internationale du Travail 2005
A l’encontre du conservatisme
économique: un projet pour la croissance,
l’emploi et la réduction de la pauvreté
Iyanatul ISLAM
*
a politique macroéconomique, telle qu’on l’entend et qu’elle est
L
appliquée aujourd’hui dans de nombreux pays en développe-
ment, est engluée dans le «piège de la stabilisation». Elle semble plus
préoccupée de stabilité que de croissance, de rigueur budgétaire et de
lutte contre l’inflation que d’emploi
1
. Comme le remarque Vines (2001,
p. 137), les développements théoriques et le climat idéologique qui
règnent dans les pays industrialisés ont des répercussions sur les con-
seils prodigués aux pays en développement. Selon Williamson (1994,
1999), les politiques doivent se conformer à une série de principes re-
connus par tous; le «consensus de Washington», liste de dix proposi-
tions clés dont la première est la rigueur budgétaire
2
. Mais, le plein
emploi n’y figure pas. D’autres économistes éminents ont, eux aussi,
donné des conseils similaires aux décideurs des pays en développement,
prêchant les vertus d’une inflation basse, de la rigueur budgétaire et d’un
1
2
* Department of International business and Asian Studies, Griffith Business School, Grif-
fith University, Australie; courriel: i.islam@griffith.gu.edu.au. Cet article est une version abrégée
et révisée d’un document publié sous l’égide du Département de la stratégie en matière d’emploi
du BIT, Genève.
1
Le caractère conservateur de la macroéconomie appliquée dans les pays en développe-
ment est étudié par McKinley (2001). De même, Reich considère que dans l’état présent de l’éco-
nomie mondiale les banques centrales des économies les plus puissantes du monde devraient
cesser de s’inquiéter de l’inflation et des équilibres budgétaires pour mener des politiques moné-
taires et budgétaires favorables à l’emploi (Reich, 2002, pp. 124-127).
2
Les autres principes du «consensus de Washington» sont notamment: la réorientation des
dépenses publiques vers la santé de base, les infrastructures et l’enseignement, la réforme budgé-
taire, la libéralisation financière, des taux de change unifiés et compétitifs, l’ouverture aux inves-
tissements étrangers, la privatisation, la déréglementation et la sûreté des droits à la propriété (ou
Etat de droit). L’évaluation complète du «consensus de Washington» dépasse le cadre du présent
article, puisque celui-ci est centré sur le conservatisme macroéconomique. Pour une critique du
«consensus de Washington», voir Beeson et Islam, I. (2004).
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Revue internationale du Travail
resserrement du crédit (voir Dornbusch, 1993; Harberger, 1984; Fischer,
1993).
L’influence des investisseurs mondiaux sur les décideurs conduit à
surestimer les variables budgétaires et financières, du moins pour les
économies en développement (BAD, 1999). A propos de la protection
sociale, la macroéconomie orthodoxe privilégie les vertus d’un marché
du travail souple au détriment des institutions de marché du travail
(Standing, 1999; van der Hoeven, 2000)
3
.
Selon nous, les bases empiriques du conservatisme économique
sont fragiles et un mouvement intellectuel se dessine en faveur d’une
solution de rechange viable à l’orthodoxie actuelle. Celle-ci suppose un
engagement plus fort en faveur de la création d’emplois, objectif fonda-
mental de la politique économique, et la libération d’un «espace budgé-
taire» pour investir durablement dans le développement humain et les
infrastructures. Cette autre voie comprendrait aussi un renforcement
de la protection sociale pour faire face à l’insécurité économique due à
la volatilité de l’économie. Il convient d’adopter une approche globale
des politiques et de créer un environnement mondial propice aux initia-
tives nationales en faveur des pauvres et de l’emploi. En bref, il s’agit
ici d’ébaucher un projet conforme à l’agenda pour un travail décent de
l’OIT, lequel met l’accent sur la création d’emplois, une protection
sociale complète et le renforcement des institutions du marché du tra-
vail, grâce au dialogue social et à la protection des droits au travail
(BIT, 2001).
Politique économique, croissance et pauvreté:
revoir les analyses statistiques
Pour démontrer le bien-fondé du conservatisme macroéconomi-
que, les spécialistes s’appuient habituellement sur des analyses statisti-
ques qui font appel à des méthodes descriptives et à des techniques
économétriques appliquées à des données transnationales. Fischer
(1993) fut l’un des premiers à insérer des variables macroéconomiques
dans des régressions sur la croissance, pour conclure qu’une inflation
faible et la rigueur budgétaire favorisaient la croissance. D’autres
auteurs sont plus circonspects: d’après eux, la politique économique
d’un pays n’explique qu’une partie, et souvent une partie minime, des
résultats économiques de celui-ci (Little et coll., 1993, pp. 401-402). Ce
point de vue est conforté par des études montrant que des taux d’infla-
3
Comme le dit le lauréat du prix Nobel, Joseph Stiglitz «[…] le credo fondé sur la flexibilité
du marché de l’emploi n’est qu’une tentative maladroitement dissimulée de revenir […] sur des
acquis obtenus par les travailleurs après des années de négociations et d’action politique» (2002a,
p. 14).

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