La grande fracture: les sociétés inégalitaires et ce que nous pouvons faire pour les changer. Par Joseph E. STIGLITZ

AuthorDavid HOLLANDERS
Date01 September 2015
DOIhttp://doi.org/10.1111/j.1564-9121.2015.00262.x
Published date01 September 2015
Livres 453
pour amener les entreprises à proposer une amélioration générale des conditions de
travail et d’emploi. Un autre résultat inattendu est que les salaires sont souvent plus
élevés dans le textile et l’habillement que dans l’industrie, plus technique, des diodes
et qu’une production technologiquement exigeante favorise la déqualication. «En
règle générale, les travailleurs de la production gagnent entre 2 000 et 3 000 yuan
dans les entreprises de diodes étudiées. Dans le textile et l’habillement, si le salaire
de base est aussi de 2 000 yuan, les travailleurs expérimentés de la couture ou de la
maille peuvent gagner bien plus (selon les cas, entre 3 500 et 5 000 yuan)» (p. 357,
note148). En outre, l’automatisation généralisée de la production n’améliore pas la
situation des travailleurs de la production, mais entraîne des licenciements. Dans les
branches étudiées, les travailleurs ne bénécient guère de la progression technolo-
gique, peut-être faute d’une représentation syndicale digne de ce nom en cas de conit.
Tandis que les entreprises du delta de la rivière des Perles examinées par l’auteur ne
se montrent guère soucieuses d’améliorer d’elles-mêmes les conditions d’emploi, les
autorités publiques, centrales et locales, manifestent leur intérêt pour des relations
du travail «harmonieuses» entre travailleurs et entreprises.
Dans son chapitre de conclusion, l’auteur souligne la contradiction entre l’indis-
pensable rééquilibrage économique de la Chine et «l’échec général quant à l’amélio-
ration de la situation sociale des travailleurs de l’industrie», qui «prolonge l’existence
de régimes essentiellement extensifs d’accumulation dans le delta de la rivière des
Perles, et constitue donc un fardeau pour l’entreprise de rééquilibrage» (pp.362 -
363). Même si on considère que cette étude est limitée à certaines entreprises d’une
région qui ne ressemble à aucune autre du fait de la concentration de capital et de
masses laborieuses, ses résultats font naître des doutes sérieux quant aux perspec-
tives d’une transformation en douceur du modèle d’accumulation du capital à forte
intensité de main-d’œuvre et tournée vers les exportations de la Chine continentale.
La solution des contradictions sociales du pays reste à trouver, et selon F. Butollo «il
est douteux que le rythme auquel se produit le rééquilibrage sufse pour éviter les
confrontations sociales et une instabilité politique de grande ampleur» (p.363). Des
études plus précises sur la progression industrielle et les avancées sociales en Chine
seraient nécessaires pour bien comprendre les relations de travail très diversiées
et quelquefois explosives de ce pays. On obtiendrait notamment un tableau plus re-
présentatif des contradictions économiques et sociales de la Chine en comparant les
relations professionnelles dans le delta de la rivière des Perles avec celles de la ré-
gion industrielle du nord-est ou des provinces de l’intérieur. En tout cas, l’étude de
Florian Butollo, The end of cheap labour?, pourra servir de modèle à d’autres études
approfondies sur le sujet.
Alexander Schroeder
a.w.schroeder@gmail.com
La grande fracture: les sociétés inégalitaires et ce que nous pouvons faire
pour les changer. Par Joseph E. STIGLITZ. Paris, Les liens qui libèrent, 2015.
480 pp. ISBN 979-10-209-0318-1.
Durant des décennies, une idée reçue a été en vogue chez les économistes, selon
laquelle il fallait faire un compromis entre efcacité et égalité. Elle est de plus en plus
contestée par des économistes reconnus, comme Th. Piketty, A.B. Atkinson ou les
chercheurs du FMI ou de l’OCDE. Un économiste éminent critique depuis longtemps

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