Les femmes, les hommes et l'emploi en période d'austérité: l'Irlande, l'Italie et le Portugal dans une perspective comparée

Published date01 December 2015
AuthorAmélia BASTOS,Nata DUVVURY,Sara FALCÃO CASACA,Tindara ADDABBO,Áine NÍ LÉIME
DOIhttp://doi.org/10.1111/j.1564-9121.2015.00265.x
Date01 December 2015
Revue internationale du Travail, vol. 154 (2015), no 4
Copyright © Auteur(s) 2015
Compilation et traduction des articles © Organisation internationale du Travail 2015
* Maître de conférences, Département d’économie Marco Biagi de l’Université de Modène et
de Reggio Emilia, courriel: tindara.addabbo@unimore.it. ** Maître de conférences, Département
de mathématiques de la Faculté de sciences économiques et de gestion, et chercheuse au Centre
de mathématiques appliquées à l’économie (CEMAPRE) de l’Université de Lisbonne, courriel:
abastos@iseg.ulisboa.pt. *** Maître de conférences, Département de sciences sociales de la Fa-
culté de sciences économiques et de gestion, et chercheuse au Centre de recherche en sociologie
économique et des organisations de l’Institut supérieur d’économie et de gestion (SOCIUS-ISEG),
Université de Lisbonne, courriel: sarafc@iseg.ulisboa.pt (auteure de correspondance). **** Maître
de conférences, Centre d’études internationales sur les femmes, Ecole de sciences politiques et de
sociologie de l’Université nationale d’Irlande, et membre du groupe de recherche sur le genre et
les politiques publiques de l’Institut Whitaker de gestion, sciences sociales et politiques publiques,
Galway, courriel: nata.duvvury@nuigalway.ie. ***** Chercheuse associée, Centre irlandais de
gérontologie sociale, et membre du groupe de recherche sur le genre et les politiques publiques
de l’Institut Whitaker de gestion, sciences sociales et politiques publiques, Galway, courriel: aine.
nileime@nuigalway.ie. Les auteures remercient la Fondation portugaise pour la science et la tech-
nologie (FCT), qui a contribué au nancement de leurs recherches sur le Portugal dans le cadre du
projet PEst-OE/SADG/UI0428/2013.
Les articles paraissant dans la RIT, de même que les désignations territoriales utilisées,
n’engagent que les auteurs, et leur publication ne signie pas que le BIT souscrit aux opinions
qui y sont exprimées.
Les femmes, les hommes
et l’emploi en période d’austérité:
l’Irlande, l’Italie et le Portugal
dans une perspective comparée
Tindara ADDABBO*, Amélia BASTOS**, Sara FALCÃO CASACA***,
Nata DUVVURY**** et Áine NÍ LÉIME*****
Résumé. En s’appuyant sur des données d’Eurostat de 2007, 2010 et 2012 , les au-
teures étudient les effets de la crise de 2008 sur la situation des travailleurs hommes
et femmes en Italie, en Irlande et au Portugal, en s’intéressant plus particulièrement
aux nouvelles dynamiques du marché du travail, aux prols d’emploi au sein des
ménages et aux revenus. La réduction des écarts entre les hommes et les femmes
en matière d’emploi, de chômage et de travail précaire révèle moins une progres-
sion vers l’égalité des sexes qu’une détérioration de la situation des hommes, aux
dépens du niveau de vie des ménages.
La crise nancière de 2008 et les réformes mises en œuvre dans son sillage
ont touché la plupart des pays de la planète. Toutefois, en Irlande, en Ita-
lie et au Portugal, leur impact a été exacerbé par la crise de la dette souveraine
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et les programmes d’assainissement budgétaire qui ont suivi. Ainsi, chacun
de ces trois pays a connu une grave récession économique et une contraction
marquée du marché du travail. L’Irlande et le Portugal ont été les premiers à
entreprendre des réformes et à mettre en place des plans d’austérité an de
remplir les conditions associées aux plans de sauvetage de la «Troïka» – Com-
mission européenne, Fonds monétaire international (FMI) et Banque centrale
européenne (BCE).
En nous appuyant sur les nombreux travaux montrant que les réformes
structurelles et économiques ont souvent des effets différents sur les deux
sexes (Rubery, 1988; Elson, 1995; Daly, 2011), nous nous proposons dans cet
article de conduire une analyse comparative hommes-femmes de l’impact des
plans d’austérité sur la dynamique récente du marché du travail en Irlande, en
Italie et au Portugal. Ces trois pays présentaient effectivement des «régimes
de genre» différents avant la crise, c’est-à-dire que les relations entre les sexes
n’y étaient pas organisées sur le même modèle. Cette diversité rend l’analyse
de la situation qui a résulté de la crise particulièrement intéressante dans une
perspective de genre (Anxo et coll., 2007; Erhel et Guergoat-Larivière, 2013;
Karamessini et Rubery, 2014). En Irlande, le modèle de croissance était essen-
tiellement fondé sur la construction, les services nanciers internationaux et
les exportations. Le pays a connu une crise bancaire, doublée d’une crise bud-
gétaire, économique et sociale et d’une crise de réputation. Avec le plan de
garantie des actifs bancaires mis en place par l’Etat en septembre 2008, les
difcultés bancaires ont rapidement donné lieu à une crise de la dette sou-
veraine, qui a touché l’ensemble de l’économie et menacé l’équilibre budgé-
taire (Whelen, 2013). Cela a considérablement nui aux capacités de l’Irlande
d’emprunter sur les marchés et, n novembre 2010, le gouvernement a conclu
un plan de sauvetage avec la Troïka. L’aide était notamment conditionnée à
un retour à un décit budgétaire inférieur à 3pour cent du PIB –maximum
admis par l’Union européenne– à l’horizon 2015.
L’Italie a elle aussi été durement touchée par la crise. Le pays a pris des
mesures de rigueur en 2009 et adopté un plan d’austérité renforcé en 2011, et
il a lancé en parallèle une réforme structurelle visant à rendre les marchés des
biens, des services et du travail plus efcaces et compétitifs, à réduire les coûts
administratifs et la corruption et à encourager l’investissement (Istat, 2014).
Selon l’OCDE, ces réformes structurelles devraient avoir un effet positif sur
la croissance du PIB dans les dix ans. En outre, avant la crise, le régime s-
cal italien était complexe et ou à certains égards, et les taux d’imposition du
pays étaient supérieurs à la moyenne européenne, des caractéristiques réputées
avoir eu un effet négatif sur l’emploi et sur le comportement de consommation
et d’investissement des entreprises et des ménages. Plus important encore, l’Ita-
lie possède une proportion de ménages monoactifs supérieure à la moyenne
européenne, ce qui accroît le risque de pauvreté lorsque le soutien de famille,
généralement l’homme, perd son emploi (Verashchagina et Capparucci, 2014).
Qui plus est, le modèle de protection sociale italien, comme celui d’autres pays
méditerranéens, diverge de plus en plus du «modèle social européen» et, en

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