Face à l'économie informelle au Mozambique: volontarisme ou maintien du statu quo?

AuthorGeoffrey WOOD,Pauline DIBBEN,Colin C. WILLIAMS
Published date01 September 2015
Date01 September 2015
DOIhttp://doi.org/10.1111/j.1564-9121.2015.00259.x
Revue internationale du Travail, vol. 154 (2015), no 3
Copyright © Auteur(s) 2015
Compilation et traduction des articles © Organisation internationale du Travail 2015
* Professeur, Ecole de gestion, Université de Shefeld, courriel: p.dibben@shefeld.ac.uk
(auteur de correspondance). ** Professeur, Ecole de commerce de l’Essex, Université de l’Essex,
courriel: gtwood@wbs.ac.uk. *** Professeur, Ecole de gestion, Université de Shefeld, courriel:
c.c.williams@shefeld.ac.uk.
Les articles paraissant dans la RIT, de même que les désignations territoriales utilisées,
n’engagent que les auteurs, et leur publication ne signie pas que le BIT souscrit aux opinions
qui y sont exprimées.
Face à l’économie informelle
au Mozambique: volontarisme
ou maintien du statu quo?
Pauline DIBBEN*, Geoffrey WOOD** et Colin C. WILLIAMS***
Résumé. L’économie informelle fournit l’essentiel de l’emploi dans nombre de
pays émergents. Selon la théorie de la régulation, l’activité économique est régie par
un ensemble complexe de règles formelles et informelles. Les auteurs examinent, à
partir du cas du Mozambique, les éléments qui favorisent ou entravent la transition
vers l’économie formelle, ainsi que les diverses formes de régulation, en s’appuyant
sur une enquête qualitative conjuguant observation directe et entretiens avec des
personnalités locales. Les données recueillies font apparaître un rôle ambivalent
de l’Etat, qui se montre parfois volontariste et soucieux de réformer la réglemen-
tation et les institutions et parfois partisan du statu quo.
Notre objectif dans le présent article est d’examiner la transition de l’acti-
vité informelle vers le secteur formel, les résistances en la matière et le
rôle des mécanismes de régulation, dans le cas particulier du Mozambique. On
part généralement du principe que l’économie informelle en Afrique échappe à
toute organisation (Castells et Portes, 1989). Or, contrairement à ce qui ressort
généralement des études classiques sur le développement, la théorie de la régu-
lation afrme que l’économie informelle ne se caractérise pas par une insuf-
sance ou une absence de règles mais par une régulation elle-même informelle
(Coetzee et coll., 2001; Jessop, 2001). Nous examinerons ici les formes que peut
prendre la transition vers l’activité formelle, et les facteurs qui favorisent ou
entravent cette évolution. La notion de «transition vers l’économie formelle»
est complexe et connotée. Elle sous-entend que l’Etat tend à promouvoir une
telle transition, alors que, dans les faits, il peut favoriser ou entretenir l’acti-
vité informelle pour préserver des intérêts particuliers (Harriss-White, 2010).
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Nous organiserons notre propos en cinq parties. Dans la première, nous
dressons un portrait de l’économie informelle au Mozambique, pays en déve-
loppement de l’Afrique australe. Dans la deuxième, nous passons en revue
les différentes écoles de pensée sur la relation entre régulation et informalité.
Dans la troisième, nous analysons l’emploi informel au Mozambique en nous
fondant sur des entretiens approfondis avec des personnalités locales et une
observation directe prolongée, ainsi que sur la littérature existante sur l’em-
ploi et le développement institutionnel dans le pays1. Dans la quatrième par-
tie, nous présentons les résultats de notre recherche en montrant que la mise
en place de règles visant à promouvoir la transition vers l’économie formelle
est complexe en raison de l’ambivalence de l’Etat, qui favorise et entrave ce
processus tout à la fois. En effet, son action comprend des éléments «réfor-
mistes», axés sur la modernisation de la réglementation et des institutions et
le développement de l’infrastructure, mais aussi des éléments tendant à pré-
server le statu quo2. Dans une cinquième et dernière partie, nous présentons
nos conclusions. En faisant ressortir les difcultés inhérentes à la transition
vers l’économie formelle, nous abordons plus largement le problème des pays
qui aspirent à passer du statut d’économie émergente à celui d’économie dé-
veloppée. Le Mozambique est un cas d’expèce intéressant à cet égard dans la
mesure où ce pays, qui possède une économie relativement dynamique et une
réglementation du travail moderne, reste marqué par un fort taux de pauvreté
et une proportion élevée d’emplois informels (BAD et OCDE, 2008; Banque
mondiale, 2009).
Dans le présent article, nous entendrons par «emploi dans l’économie
informelle» à la fois l’emploi dans le secteur informel et l’emploi informel, tels
que dénis dans la Résolution concernant les statistiques de l’emploi dans le
secteur informel, adoptée par la 15eConférence internationale des statisticiens
du travail (CIST) en 19933, et dans les Directives concernant une dénition
statistique de l’emploi informel, adoptée par la 17eCIST en 20034, respective-
ment (voir également BIT, 2012a, annexe2). L’emploi dans le secteur infor-
mel est un concept centré sur l’entreprise, déni comme l’emploi pour une
entreprise non enregistrée ou une entreprise privée non constituée en société.
Ces entreprises ne sont pas des personnes morales distinctes (elles ne sont
1
Voir notamment Webster, Wood et Brookes (2006), Cramer, Oya et Sender (2008), Lindell
(2008), Wood et coll. (2011), Dibben (2010), Dibben et Nadin (2011), Dibben et Williams (2012)
et Dibben et Wood (2013).
2
Dans notre optique, la modernisation n’implique pas nécessairement l’adoption d’un modèle
d’organisation du travail existant, qu’il soit occidental (par exemple modèle états-unien), asiatique
(coréen, japonais) ou autre. Nous mettons l’accent sur la régulation et les institutions nécessaires
à la promotion de la transition vers l’emploi formel et sur les courants favorables au statu quo.
3 On trouvera le texte de cette résolution à l’adresse www.ilo.org/global/statistics-and-
databases/standards-and-guidelines/resolutions-adopted-by-international-conferences-of-labour-
statisticians/WCMS_087485/lang--fr/index.htm [consulté le 12octobre 2 015].
4
On trouvera le texte de ces directives à l’adresse www.ilo.org/global/statistics-and-databases/
standards-and-guidelines/guidelines-adopted-by-international-conferences-of-labour-statisticians/
WCMS_087624/lang--fr/index.htm [consulté le 1 2octobre 2015].

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