Évolution technologique et prime à la compétence: un effet confirmé par le cas de l'industrie manufacturière aux États‐Unis
Author | Sushanta K. MALLICK,Ricardo M. SOUSA |
Published date | 01 March 2017 |
Date | 01 March 2017 |
DOI | http://doi.org/10.1111/ilrf.12048 |
Revue internationale du Travail, vol. 156 (2017), no 1
Droits réservés © auteurs, 2017.
Compilation et traduction des articles © Organisation internationale du Travail, 2017.
Évolution technologique et prime
à la compétence: un effet conrmé
par le cas de l’industrie manufacturière
aux États-Unis
Sushanta K. MALLICK* et Ricardo M. SOUSA**
Résumé. Une analyse exploitant la base NBER-CES sur l’industrie manufactu-
rière états-unienne révèle une corrélation positive entre la productivité totale des
facteurs et les rapports entre effectifs et salaires qualiés et non qualiés, signalant
une prime à la compétence et, dès les années 1980, un biais technologique accru
en faveur du travail qualié. Les écarts de productivité entre les deux facteurs ac-
croissent la demande relative du facteur «qualié» en cas de substitution impar-
faite. Enn, l’impact de la technologie varie selon la branche et son caractère plutôt
scientique, «axé sur la production» ou «dominé par le fournisseur». L’innovation
à caractère scientique est celle qu’il convient de promouvoir.
L’
écart de salaire entre les travailleurs qualiés et non qualiés s’est beau-
coup creusé aux États-Unis depuis le début des années 1980, et les dif-
férences de productivité au niveau des branches d’activité expliquent l’évo-
lution de la «prime au travail qualié», ou «prime à la compétence», soit
l’écart de salaire entre ces deux populations1. Plusieurs auteurs se sont inté-
ressés à ces dynamiques et aux déterminants de l’évolution technologique,
certains axant leur analyse sur le rôle à cet égard des conditions nancières
(Cabral et Mata, 2003; Mallick et Yang, 2011), des institutions (Nelson, 1988
et 2008), des réseaux de connaissance (Giuliani et Bell, 2005), de l’incertitude
et de l’aversion au risque (Appelbaum, 1991), de la diffusion croissante de
*
School of Business and Management de l’Université Queen Mary de Londres; s.k.mallick@
qmul.ac.uk. ** University du Minho, Braga (Portugal); jsousa@eeg.uminho.pt. Ricardo Sousa
souligne que cette étude a été nancée par le programme opérationnel «Facteurs thématiques
de compétitivité» (COMPETE) et des fonds publics versés par la Fondation pour la science et la
technologie du Portugal (FCT) dans le cadre du projet FCOMP-01-0124-FEDER-037268 (PEst-C/
EGE/UI3182/2013).
Les articles paraissant dans la Revue internationale du Travail n’engagent que leurs auteurs,
et leur publication ne signie pas que le BIT souscrit aux opinions qui y sont exprimées.
1 Voir, notamment, Pavitt (1984), Kortum (1993), Nickell et Bell (1995), Machin et van Ree-
nen (1998), Agnello, Mallick et Sousa (2012), Sila (2012) et Agnello et Sousa (2014).
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nouvelles pratiques organisationnelles au sein des entreprises (Piva, Santarelli
et Vivarelli, 2005), de l’embauche de candidats externes plutôt qu’internes
(Martins et Lima, 2006) ou des mécanismes d’apprentissage liés à l’exporta-
tion (Martins et Yang, 2009; Mallick et Yang, 2013).
D’autres auteurs cherchent à cerner les moteurs de la croissance écono-
mique en décomposant la variation de la production entre une composante
due à l’évolution des facteurs de production et une autre découlant de l’évo-
lution de la productivité totale des facteurs (ci-après PTF) (Fethi, Pasiouras
et Zopounidis, 2013). D’autres vont plus loin en désagrégeant la variation de
la PTF elle-même entre une part due à l’évolution de l’efcience technique
et une part due à l’évolution technologique (Jones, 2005; Pasiouras, 2013; Pa-
siouras et Sifodaskalakis, 2010). Dans ce contexte, Carreira et Teixeira (2008)
mettent en évidence le rôle que jouent dans les gains de productivité des sec-
teurs les restructurations internes vis-à-vis des restructurations externes. Pour
ces auteurs, si la part des restructurations externes est plus importante pendant
les récessions, celle des restructurations internes domine en période d’expan-
sion économique. Dans le même esprit, Escribano et Stucchi (2014) montrent
qu’il y a une convergence de la productivité lors des récessions, car, dans ces
circonstances, la productivité des entreprises les moins productives (followers)
croît davantage que celle des entreprises les plus productrices (leaders). Ce
résultat peut être expliqué par l’augmentation exogène de la concurrence qui
fait baisser la demande et menace davantage les entreprises les moins pro-
ductives. Lozano Vivas et Pasiouras (2014) soulignent en outre le rôle de la
conjoncture et de l’évolution de la productivité en tant que déterminants de
la situation des branches. Ils montrent que l’on peut également décomposer
la part due à l’évolution de la productivité en isolant une composante liée à
l’évolution des meilleures pratiques et une autre liée à l’évolution de l’efca-
cité ou l’inefcacité.
Dans un autre registre, certaines études sur la productivité examinent la
facilité de substitution entre main-d’œuvre qualiée et non qualiée. Nelson
et Winter (1982) estiment ainsi que la non-neutralité de l’évolution technolo-
gique avantage la main-d’œuvre qualiée plus que la main-d’œuvre non quali-
ée. Greenwood et Yorukoglu (1997) estiment que, si les travailleurs qualiés
sont mieux à même d’appliquer les nouvelles technologies, l’accélération de
l’évolution technologique «spécique à l’investissement» joue sur la produc-
tivité et creuse les inégalités salariales. Caselli (1999) montre que les révolu-
tions technologiques qui tendent à demander des compétences plus coûteuses
que les précédentes ont une incidence sur les inégalités salariales si la main-
d’œuvre est hétérogène du point de vue des coûts de formation. Caselli et Co-
leman (2001a et 2001b) et Caselli et Wilson (2004) montrent que la dotation
en facteurs de production inue sur la diffusion des technologies intensives en
recherche et développement d’un pays à l’autre. Acemoglu (2002) montre aussi
que l’innovation technologique tend à avantager la main-d’œuvre qualiée et
permet de mieux cerner les moteurs de la croissance aux États-Unis. Caselli et
Coleman (2006) examinent les différences entre l’efcacité de la main-d’œuvre
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