Effets de la sous‐qualification sur les besoins de récupération, la perte d'emploi et les désirs de préretraite: étude prospective sur une population d'employés de bureau en fin de carrière

AuthorNicole W. H. JANSEN,Dave STYNEN,Andries de GRIP,Ijmert KANT,Fleur G. GOMMANS
Date01 December 2017
Published date01 December 2017
DOIhttp://doi.org/10.1111/ilrf.12070
Revue internationale du Travail, vol. 156 (2017), no 3-4
Droits réservés © auteur(s), 2017.
Compilation et traduction des articles © Organisation internationale du Travail, 2017.
Effets de la sous-qualication
sur les besoins de récupération, la perte
d’emploi et les désirs de préretraite:
étude prospective sur une population
d’employés de bureau en n de carrière
Fleur G. GOMMANS*, Nicole W. H. JANSEN*, Dave STYNEN*,
Ijmert KANT* et Andries de GRIP**
Résumé. À partir de données de l’étude de cohorte de Maastricht sur la fatigue au
travail, relatives à la période 2012-2014, les auteurs examinent la fréquence et la
dynamique de la sous-qualication au sein d’un échantillon d’employés de bureau
en n de carrière, ainsi que ses effets sur les besoins de récupération, l’emploi et
les projets de préretraite. Ils montrent que des décits de compétences augmentent
les besoins de récupération et le risque de perte d’emploi, mais pas le risque de re-
traite anticipée. Pour promouvoir l’emploi durable, ils recommandent de surveiller
l’apparition de ces décits tout au long du parcours professionnel.
Dans beaucoup de pays industrialisés, le vieillissement démographique
se répercute sur la composition de la population active (Rechel et coll.,
2013) et tend à compromettre l’équilibre des régimes de retraite (van Soest et
Vonkova, 2014). Pour faire face au problème, les pouvoirs publics ont souvent
cherché à encourager l’allongement des périodes d’activité, que ce soit en sus-
pendant les programmes de préretraite ou en élevant l’âge ouvrant droit aux
prestations de prévoyance (de Grip, Fouarge et Montizaan, 2013).
Or les choix relatifs à l’activité dépendent de plusieurs facteurs, notam-
ment du degré d’adéquation entre le niveau de compétences de l’individu et les
besoins du marché (Hidding et coll., 2004)1. Le BIT (2014) estime à cet égard
* École de santé publique et de soins primaires (CAPHRI), Université de Maastricht;
courriels: eur.gommans@maastrichtuniversity.nl. nicole.jansen@maastrichtuniversity.nl. dave.
stynen@maastrichtuniversity.nl et ij.kant@maastrichtuniversity.nl (auteur correspondant). **
Ins-
titut de recherche sur l’éducation et le marché du travail (ROA), Université de Maastricht; courriel:
a.degrip@maastrichtuniversity.nl.
Les articles paraissant dans la Revue internationale du Travail n’engagent que leurs auteurs,
et leur publication ne signie pas que le BIT souscrit aux opinions qui y sont exprimées.
1 Dans le présent texte, nous utilisons indifféremment les termes «qualications» et «com-
pétences», voire «aptitudes», comme c’est souvent le cas dans la littérature (n.d.l.r.).
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qu’entre 30 et 50 pour cent des travailleurs européens sont sous-qualiés à un
titre ou à un autre pour leur poste. Sachant que la sous-qualication touche
les travailleurs âgés plus que les autres (Cedefop, 2010), nous avons souhaité
par la présente étude mettre en lumière les conséquences des décits de com-
pétences au sein d’un échantillon de travailleurs âgés. En revanche, nous ne
nous attarderons pas sur les causes de ces décits, qui comprennent aussi bien
des facteurs individuels (vieillissement, dépréciation des compétences) que
des aspects relatifs au travail (nouvelles compétences requises pour le poste
par exemple) (van Loo, de Grip et de Steur, 2001). La moindre propension à
se former et les obstacles à la formation pourraient également réduire le ni-
veau de compétences des travailleurs âgés et nuire à leur performance (voir
Ng et Feldman, 2012; Erdogan et coll., 2011). Des facteurs contextuels, relatifs
à l’offre ou la demande de compétences et aux caractéristiques personnelles,
peuvent aussi jouer un rôle en la matière (Commission européenne, 2012). Sur
un autre plan, il faut relever que la sous-qualication peut avoir un caractère
dynamique dans le temps.
Notre étude complète la littérature existante en ceci que nous examinons
la fréquence de la sous-qualication au sein d’une population de travailleurs
en n de carrière ainsi que les effets de cette situation sur différents indica-
teurs, à savoir les besoins de récupération à la n de la journée de travail, le
risque de perte d’emploi et les projets de retraite anticipée. Effectivement, si
certaines études ont déjà fait apparaître une inuence défavorable des dé-
cits de compétences sur des aspects relatifs au travail, l’épanouissement pro-
fessionnel notamment (voir Allen et van der Velden, 2001), leur effet sur la
santé n’a encore jamais été mis en évidence.
En ce qui concerne les besoins de récupération (van Veldhoven et Meij-
man, 1994), nous pouvons penser qu’un travailleur qui n’a pas toutes les
compétences nécessaires pour son poste sera plus fatigué physiquement et
psychiquement à la n de sa journée de travail, et que ses besoins de récupé-
ration s’en trouveront augmentés. Le niveau de ces besoins reète donc les
effets à court terme d’une journée de travail. Nous savons par ailleurs qu’un
individu ayant des besoins de récupération élevés est plus susceptible de se
sentir débordé par ses tâches, de se replier sur lui-même et de présenter des
décits de performance (van Veldhoven, 2008). En outre, un salarié sous-qua-
lié peut ne pas avoir – ou ne plus avoir – les moyens de s’adapter à l’évolu-
tion de son poste, notamment sur le plan technologique, et risque davantage
de perdre son emploi (Lenka, 2012). Cet effet peut être indirect; les besoins
de récupération accrus ont ainsi été associés à des absences pour maladie plus
nombreuses (de Croon, Sluiter et Frings-Dresen, 2003), une mobilité profes-
sionnelle plus importante (De Raeve et coll., 2009) et un risque d’invalidité
supérieur (Otten et coll., 2012). Des études ont aussi fait apparaître une rela-
tion entre besoins de récupération et préretraite (Oude Hengel et coll., 2012),
puisque les sujets sous-qualiés sont plus nombreux à souhaiter cesser leur
activité avant l’heure. Cependant, la relation entre sous-qualication et pro-
jets de retraite anticipée chez les seniors n’a jamais été traitée directement.

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