Effets «pervers» de la paternité légitime marocaine en Espagne: une question à résoudre

AuthorCarmen Ruiz Sutil
PositionAssistante de Droit International Privé à l?Université de Grenade, Espagne.
Pages335-373
Paix et Securité Internationales
ISSN 2341-0868, Num. 4, janvier-décembre 2016, pp. 335-373
DOI: http://dx.doi.org/10.25267/Paix_secur_ int.2016.i4.12
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EFFETS « PERVERS » DE LA PATERNITÉ LÉGITIME
MAROCAINE EN ESPAGNE : UNE QUESTION À RÉSOUDRE
Carmen RUI Z SUTIL1
I. INTRODUCTION – II. EFFETS DE LA PATERNITÉ LÉGITIME – III.
OBSTACLES À LA RÉCLAMATION OU CONTESTATION DE LA FILIATION
HISPANO-MAROCAINE – IV. CONTINUITÉ DES JUGEMENTS DE FILIATION
DANS LES DEUX PAYS
RÉSUMÉ: Dans le système marocain, la protection juridique de l’enfant dépend de la légitimité de la
f‌i liation. C’est principalement le mariage musulman des parents qui permet d’établir la reconnaissance
de la f‌i liation (hijos al f‌i rach), mais il existe également d’autres modes d’établissements de celle-ci :
la reconnaisance de la paternité ( istilhak de los arts. 160 a 162 CFM; les relations sexuales par erreur
(subha contemplada en el art. 155 CFM ; les enfants issus d’unions entre parents qui n’ont pas pu faire
reconnaître leur mariage ou lorsque ces unions ont été contractées à l’étranger selon la loi locale (art. 16
CFM) ; et pour lesquelles le gouvernement marocain vient de prolonger le délai af‌i n de réaliser ce type
d’actions, l’enfant nés de f‌i ançailles reconnues. Pour résoudre les problèmes relatifs aux enfants issus
de relations extra-conjugales, nous démontrerons comment ces deux derniers modes d’établissement
offrent des solutions pour pouvoir établir la f‌i liation hispano-marocaine, mais il faudra toutefois évaluer
les effets « pervers », que celles-ci contiennent.
MOTS CLES : Filiation légitime et illégitime au Maroc ; obstacles à la réclamation ou contestation
de la f‌i liation hispano-marocaine; effets « pervers » de la paternité légitime marocaine en Espagne.
EFECTOS «PERVERSOS» DE LA PATERNIDAD LEGÍTIMA MARROQUÍ EN ESPAÑA:
UNA CUESTIÓN A RESOLVER
RESUMEN: En el sistema marroquí, la protección jurídica del hijo depende del carácter legítimo de
la f‌i liación. Ciertamente, el cauce principal para determinarla es el matrimonio musulmán de los
padres (hijos al f‌i rach), aunque existen otras vías: el reconocimiento de la paternidad (istilhak de
los arts. 160 a 162 CFM; las relaciones sexuales mantenidas por error (subha contemplada en el art.
155 CFM); los nacidos de uniones entre los progenitores que no pudieron validar sus matrimonios
o cuando dichos enlaces fueron contraídos en el extranjero según la ley local (art. 16 CFM), para los
cuales que el Gobierno marroquí acaba de prorrogar el plazo para realizar este tipo de acciones; el
hijo nacido de noviazgo of‌i cial (art. 165 CFM). Para afrontar los problemas de los hijos nacidos en
España de relaciones extramatrimoniales, pondremos en evidencia cómo estas dos últimas vías son
respuestas para la determinación de la f‌i liación hispano-marroquíes, aunque habrá que evaluar los
efectos maliciosos que contienen estas soluciones.
PALABRAS CLAVES: Filiación legítima e ilegítima en Marruecos; obstáculos a la reclamación o la
1 Assistante de Droit International Privé à l‘Université de Grenade, Espagne.
Cet article est partie intégrante du projet de recherche d’excellence de la Junta de Andalucía
SEJ-4738 intitulé « Análisis transversal de la integración de mujeres y menores extranjeros nacionales de
terceros Estados en la sociedas andaluza. Problemas en el ámbito familiar » (Analyse transversale de
l’intégration des femmes et des mineurs, ressortissants d’Etats tiers, dans la société andalouse.
Problèmes dans le domaine familial). Traduction: Marie Lucas
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impugnación en la f‌i liación hispano-marroquí; efectos “maliciosos” de la paternidad legítima marro-
quí en España.
“PERVERSE” EFFECTS OF THE MOROCCAN LEGITIMATE FILIATION IN SPAIN:
AN ISSUE TO RESOLVE
ABSTRACT: In the Moroccan system, the legal protection of the child depends on the legitimacy
of the f‌i liation. It is mainly the parents’ Muslim marriage that allows establishing the recognition
of the f‌i liation (sons of al f‌i rach), but there are other ways of establishing a f‌i liation such as: the
recognition of paternity (Istilhak in arts. 160 to 162 of the Moroccan Family code MFC); Sexual
relations by mistake (shubha in art. 155 MFC); Children whose parents were not able to have
their marriage recognized or who entered into unions abroad in accordance with a local Law (art.
16 MFC) and for whom the Moroccan Government just extended the deadline for recognition
procedures; Children born from off‌i cial engagements.
To resolve the problems concerning children born from extramarital relationships, we will demonstrate
how these two last recognition proceedings offer solutions to establishing the Spanish Moroccan f‌i lia-
tion. However, it is important to assess the “perverse” effects contained in them.
KEY WORDS: Legitimate and illegitimate f‌i liation in Morocco, barriers to the claims or disputes
regarding the Spanish Moroccan f‌i liation, « perverse » effects of the Moroccan legitimate paternity in
Spain.
I. INTRODUCTION
L’augmentation en Espagne des naissances d’enfants de père ou de mère
de nationalité marocaine conduit à la prolifération de situations juridiques
pour lesquelles il est nécessaire de résoudre la question de l’établissement
du lien de f‌i liation, étant donné que celui-ci a une inf‌l uence directe sur la
nationalité et l’autorisation de résidence de l’enfant, la responsabilité parentale,
la pension alimentaire et le droit successoral.
Dans ce chapitre, nous allons nous focaliser sur les cas où l’enfant est né
en Espagne de parents marocains –que l’enfant soit marocain, espagnol ou
qu’il possède la double nationalité- et laisserons de côté les cas où les enfants
auraient une nationalité différente de celles que nous venons de signaler. En
l’espèce, il nous faut faire référence à la solution adoptée par le législateur
marocain face à une situation de double nationalité, solution qui consiste
à maintenir à tout prix la nationalité marocaine de ses citoyens, en suivant
l’adage « Qui nait marocain meurt marocain », indépendamment du fait
qu’une personne possède également une autre nationalité. Voilà pourquoi,
pour l’établissement d’un lien de f‌i liation d’un enfant hispano-marocain, les
solutions offertes par les autorités espagnoles ou marocaines peuvent être
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différentes, car le principe recteur du favor f‌i lii diffère dans les deux systèmes
juridiques mentionnés. Dans le système espagnol, ce concept semble
correspondre à l’établissement de la vérité biologique de l’enfant, d’après ce
qui découle de l’art. 39, alinéa 2 et 3 de la Constitution espagnole (ci-après, Cts.
ES). Toute personne a le droit de connaître ses origines biologiques, mais on
ne peut laisser de côté les autres intérêts en jeu, car la recherche de paternité
ne peut se réduire à un droit exclusif de l’enfant, au détriment de l’initiative
des parents. Quant au droit marocain, la signif‌i cation du favor f‌i lii est identif‌i ée
comme le favor legitimatis, d’après lequel la protection juridique de l’enfant
dépend du caractère légitime de la f‌i liation. La société marocaine s’appuie
sur certains principes inacceptables du point de vue occidental actuel. Ainsi,
la primauté du statut islamique sur tout autre, imposant la prédominance
de l’homme et l’inégalité des enfants illégitimes, assure uniquement le favor
legitimatis pour sauvegarder la famille légitime et garantir la procréation dans
le cadre légal du mariage et des relations légitimes conjugales.
La recherche de « l’intérêt de l’enfant » est plus compliquée encore dans
les situations de f‌i liation hispano-marocaines, précisément en raison du fossé
existant entre les deux systèmes juridiques. Cela n’entraînerait pas d’autres
conséquences que celles observées en droit comparé, si ce n’était parce que la
réalité sociologique actuelle, tant espagnole que marocaine, ne les mettait pas
en relation. C’est justement dans cette disparité de conceptions que se trouve
l’origine des problèmes que les questions autour de la f‌i liation suscitent dans
le cadre des relations hispano-marocaines. C’est pourquoi il est utile, pour
comprendre cette institution, de faire un rapprochement entre le droit matériel,
et le DIPr. des systèmes juridiques espagnol et marocain, af‌i n d’essayer
de rechercher les points communs qu’ont ces différentes règles de droit, et
ainsi rendre possible une certaine continuité en matière de f‌i liation entre ces
deux pays. Notre dessein est d’établir un nouveau régime de compréhension
mutuelle qui permette qu’un lien de f‌i liation constaté dans l’un de ces deux
pays soit reconnu dans l’autre, rompant ainsi avec le stéréotype « Le Maroc,…
un pays si près mais si loin ! ».

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