Les écarts salariaux dans une profession à prédominance féminine: le travail domestique informel et flexible au Portugal

Published date01 March 2018
AuthorMaria da Conceição FIGUEIREDO,Fátima SULEMAN
DOIhttp://doi.org/10.1111/ilrf.12079
Date01 March 2018
Revue internationale du Travail, vol. 157 (2018), no 1
Droits réservés © auteur(s), 2018.
Compilation et traduction des articles © Organisation internationale du Travail, 2018.
*
Institut universitaire de Lisbonne (ISCTE-IUL), DINAMIA’CET, Lisbonne; Fatima.Sule-
man@iscte-iul.pt (auteur de correspondance). ** Institut universitaire de Lisbonne (ISCTE-IUL),
BRU-IUL, Lisbonne; Conceicao.Figueiredo@iscte-iul.pt. Cette étude repose sur des données ras-
semblées dans le cadre du projet intitulé «Domestic Work and Domestic Workers: Interdisciplinary
and Comparative Perspectives», nancé par la Fundação para a Ciência e a Tecnologia (FCT) du
ministère de l’Éducation et des Sciences du Portugal (PTDC/JUR/65622/200 6). Les auteures re-
mercient les participants à la conférence de l’European Society for Population Economics (ESPE),
tenue à l’Université du Minho, à Braga (Portugal), du 18 au 21 juin 2014, de leurs observations bien-
venues sur des versions préliminaires du présent article. Elles remercient également Luís Martins
et Sérgio Lagoa de leurs remarques et suggestions fort utiles.
Les articles paraissant dans la Revue internationale du Travail n’engagent que leurs auteurs,
et leur publication ne signie pas que le BIT souscrit aux opinions qui y sont exprimées.
Les écarts salariaux dans une profession
à prédominance féminine:
le travail domestique informel
et exible au Portugal
Fátima SULEMAN* et Maria da Conceição FIGUEIREDO**
Résumé. Les auteures étudient les effets des arrangements informels et exibles
sur les salaires des travailleurs domestiques employés par des personnes privées au
Portugal. Les estimations indiquent que l’emploi formel est bénéque aux travail-
leurs, que leur contrat soit stable ou exible. Toutefois, les mécanismes du marché
du travail et des fonctionnements sociaux favorisent la persistance des inégalités,
surtout au détriment des travailleurs migrants. Les qualications ne sont ni valo-
risées ni rétribuées, et on observe des salaires supérieurs chez les travailleurs occa-
sionnels et ceux qui ont plusieurs employeurs ou s’occupent de personnes âgées.
Cependant, ces travailleurs restent exposés à l’exploitation et à l’insécurité.
La recommandation (no 198) sur la relation de travail, 2006, et l’Agenda
du travail décent de l’OIT nous offrent des exemples d’initiatives visant à
garantir les droits des travailleurs par le droit du travail, conventions collectives
comprises. Ces initiatives visent également à faire entrer certaines relations de
travail masquées dans le champ de protection de la loi. Toutefois aucune éva-
luation des effets de ces initiatives n’a encore été publiée. L’objet du présent
article est de combler cette lacune en fournissant des éléments d’observation
sur les liens entre le respect de la réglementation et la situation des travail-
leurs domestiques sur le marché du travail au Portugal.
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Le travail domestique est une activité importante sur le plan écono-
mique et social. Aussi des efforts ont-ils été déployés pour assurer la protec-
tion des travailleurs domestiques par la législation. Le Portugal fait partie des
pays d’Europe qui ont adopté une législation spécique pour réglementer le
travail domestique et où les travailleurs domestiques ont droit au salaire mi-
nimum. Il a aussi ratié en 2015 la convention (no 189) sur les travailleuses et
travailleurs domestiques, 2011, et les autorités nationales ont pris des mesures
pour diffuser des informations sur les droits des travailleurs domestiques et
la législation les concernant, conformément à la recommandation (no 201) sur
les travailleuses et travailleurs domestiques, 2011 (GAMI, 2012).
Toutefois, les conditions de travail de cette population sont encore loin
d’être satisfaisantes au Portugal, et plusieurs questions restent en suspens:
Comment les caractéristiques des arrangements contractuels inuent-elles sur
les salaires des travailleurs domestiques? Le respect de la réglementation du
marché du travail a-t-il des effets sur les conditions de travail des travailleurs
domestiques, notamment sur leur salaire? Observe-t-on un écart salarial entre
ces travailleurs selon qu’ils occupent un emploi formel ou un emploi infor-
mel? De même, observe-t-on des différences de salaire parmi les individus au
bénéce d’un emploi formel, ou parmi ceux pour qui la relation de travail est
informelle, en particulier en lien avec la exibilité?
Nous examinons ici les effets des divers arrangements contractuels sur
les salaires d’un échantillon de travailleurs domestiques au Portugal (684tra-
vailleurs en tout), étant entendu que les ménages privés ont recours à toute
une variété de formules pour recruter de tels travailleurs. Dans notre étude,
nous avons examiné deux caractéristiques spéciques de ce marché du travail
particulier: 1) le fait que l’emploi soit déclaré ou non (formel ou informel),
c’est-à-dire enregistré ou non auprès des organismes de sécurité sociale; 2) la
stabilité de l’emploi ou, au contraire, son caractère exible.
Au Portugal, la rémunération horaire ou journalière signale un arran-
gement contractuel exible par nature; inversement, on peut se fonder sur la
mensualisation du salaire pour conclure à l’existence d’une relation de travail
plus «stable» (au sens de durable ou continue). Tous les employeurs et les sala-
riés sont tenus de déclarer la relation de travail à la sécurité sociale, c’est-à-dire
de la rendre formelle. Dans le présent article, nous considérons donc quatre
types d’arrangements contractuels: déclaré et stable, non déclaré et stable, dé-
claré et exible, et non déclaré et exible.
La méthode adoptée suit celle de Mocan et Tekin (2003) et de Tansel et
Kan (2012), qui envisagent les contrats comme ayant plusieurs dimensions. An
de résoudre le problème posé par les estimations imprécises et incohérentes
données par la méthode des moindres carrés ordinaires pour la modélisation
des gains, nous avons adopté le «modèle de l’effet du traitement» (Wooldridge,
2010). Il est supposé que les travailleurs domestiques peuvent choisir, ou du
moins accepter, leur arrangement contractuel. En conséquence, nous avons suivi
la méthode de Deb et Trivedi (2006a et 2 006b) en recourant à un modèle «trai-
tement-résultat» pour le choix multinomial de l’arrangement contractuel.

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