Écart salarial entre hommes et femmes au début de la vie active: mise en évidence dans un exemple allemand

Date01 March 2018
Published date01 March 2018
DOIhttp://doi.org/10.1111/ilrf.12077
Revue internationale du Travail, vol. 157 (2018), no 1
Droits réservés © auteur(s), 2018.
Compilation et traduction des articles © Organisation internationale du Travail, 2018.
* Université de Duisbourg et Essen (Allemagne); andreas.behr@vwl.uni-due.de et katja.
theune@vwl.uni-due.de.
Les articles paraissant dans la Revue internationale du Travail n’engagent que leurs auteurs,
et leur publication ne signie pas que le BIT souscrit aux opinions qui y sont exprimées.
Écart salarial entre hommes et femmes
au début de la vie active: mise
en évidence dans un exemple allemand
Andreas BEHR* et Katja THEUNE*
Résumé. Les auteurs recherchent l’écart salarial entre hommes et femmes dans
une population de jeunes diplômés allemands, y compris selon la position dans
la distribution des salaires. Ils décomposent cet écart par la méthode à indice des
compétences de DiNardo, Fortinet Lemieux(19 96) et Fortinet Lemieux(19 98),
faisant la part entre effet de dotation, effet de prix et effet du rendement des com-
pétences. L’analyse fait apparaître une prime salariale masculine systématique, mais
plus ou moins marquée selon le quantile. En outre, les effets de dotation et de prix
favorisent les hommes, annulant l’inuence d’un effet du rendement des compé-
tences favorable aux femmes.
Nous prouvons dans notre étude l’existence d’un écart salarial entre
hommes et femmes au début de la trajectoire professionnelle en Alle-
magne. Si de nombreuses études portent sur les disparités salariales selon le
sexe dans la population générale, celles qui recherchent ces écarts précisément
sur des échantillons de jeunes diplômés au moment de l’insertion profession-
nelle sont plus rares.
L’analyse des salaires de début de carrière est intéressante à plus d’un
titre. Pour Gerhart(1990), les écarts salariaux découlent en grande partie d’un
différentiel dans le salaire à la première embauche. En outre, les augmentations
de salaire et autres prestations salariales dépendent souvent du montant de la
rémunération de base (voir Graham, Hotchkiss et Gerhart, 2000). Par consé-
quent, nous pouvons penser que l’écart salarial initial tend à se perpétuer. Le
moment de l’insertion professionnelle peut aussi avoir une inuence sur le sa-
laire initial et les disparités salariales à plus long terme (voir notamment Oreo-
poulos, von Wachteret Heisz,2012). Par ailleurs, les deux sexes présentent un
niveau d’expérience et une dotation en capital humain similaires à la première
embauche, et ce n’est que par la suite que les femmes tendent à acquérir moins
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de capital humain en moyenne que les hommes, en particulier à cause de la
maternité et du temps consacré aux enfants. L’étude du salaire à la première
embauche vise plutôt à mettre en lumière l’effet du degré de réussite scolaire,
du choix du domaine d’études et d’autres caractéristiques individuelles.
La littérature économique empirique sur les écarts de salaire entre des
groupes donnés s’appuie sur l’approche novatrice d’Oaxaca(1973) et de Blin-
der (1973), méthode considérablement développée ces trente dernières an-
nées, y compris par des études envisageant la situation selon la position dans
la répartition des revenus.
Nous reprenons de notre côté la proposition de DiNardo, Fortin et Le-
mieux (1996) et Fortinet Lemieux(1998), que nous désignerons comme une
méthode à «indice des compétences unique» (single-skill-index model). Dans
cette méthode, on utilise un modèle probit ordonné pour estimer une fonction
de rendement des compétences adaptable qui transforme les compétences en
salaires selon une relation monotone. Ce modèle permet, en comparant deux
distributions salariales, de faire la part entre l’effet des différences dans les
caractéristiques et les compétences, l’effet des différences dans le prix de ces
caractéristiques et l’effet lié à la structure des salaires.
Suen(1997) a afrmé de façon convaincante que les méthodes de dé-
composition doivent permettre de distinguer l’effet d’une variation des compé-
tences de l’effet d’une variation dans la structure des salaires (voir également
Yun,2009). Les méthodes de décomposition non paramétrique de Fortinet
Lemieux(1998) sont intéressantes en ceci qu’elles permettent de bien distin-
guer ces deux effets1. En outre, avec les méthodes de décomposition, on peut
obtenir naturellement des estimations de chacune des composantes des écarts
de gains aux différents quantiles de la répartition des salaires.
Les modèles à indice unique peuvent être considérés comme une géné-
ralisation des modèles de xation des salaires traditionnels axés sur le capital
humain et la concurrence sur le marché du travail. L’hypothèse de base en l’es-
pèce est que, sur le marché du travail, le prix des compétences utiles au poste
est xé par une fonction de rendement des compétences et peut être mesuré
par rapport à un indice des compétences. Cet indice est lui-même construit
par agrégation pondérée des caractéristiques personnelles présentant un inté-
rêt pour le marché du travail. Le recours à un indice des compétences permet
de faire la part entre l’effet d’une variation dans l’importance relative des ca-
ractéristiques observées et l’effet d’une variation de la structure des salaires.
La variation de la structure des salaires correspond à une évolution générale
de la fonction de rendement des compétences qui n’altère pas l’ordonnance-
ment des individus.
On se reportera à Fortin, Lemieuxet Firpo(2011) pour une présenta-
tion théorique exhaustive des techniques de décomposition en économie, et
à Behr(2013) pour une étude empirique et comparative approfondie, dans
1 Donald, Green et Paarsch (2000) proposent une autre méthode avec indice unique.

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