Les droits au travail dans une économie mondialisée: les nouveaux modèles d'accords commerciaux et d'investissement des États‐Unis peuvent‐ils promouvoir les normes internationales du travail au Bangladesh?

AuthorRonald C. BROWN
DOIhttp://doi.org/10.1111/ilrf.12025
Published date01 September 2016
Date01 September 2016
Copyright © Auteur(s) 2016
Compilation et traduction des articles © Organisation internationale du Travail 2016
* Professeur de droit à la Faculté de droit de l’Université de Hawaï; courriel: ronaldc@
hawaii.edu. L’auteur remercie Scott Prange pour son assistance précieuse en matière de recherche.
Les articles paraissant dans la Revue internationale du Travail n’engagent que leurs auteurs,
et leur publication ne signie pas que le BIT souscrit aux opinions qui y sont exprimées.
Revue internationale du Travail, vol. 155 (2016), no 3
Les droits au travail
dans une économie mondialisée:
les nouveaux modèles d’accords
commerciaux et d’investissement
des États-Unis peuvent-ils promouvoir
les normes internationales du travail
au Bangladesh?
Ronald C. BROWN*
Résumé. Les accords internationaux de libre-échange ou d’investissement offrent
des possibilités considérable –mais inexploitées – de renforcement des normes
du travail. Les dispositions relatives au travail inscrites dans l’accord commer-
cial États-Unis-République de Corée marquent une indéniable amélioration à cet
égard. Cependant, selon l’auteur, l’efcacité de l’accord est amoindrie par des mé-
canismes d’exécution insufsants et la formulation des droits par référence à la
Déclaration de l’OIT de 1998 plutôt qu’aux conventions fondamentales sur les-
quelles elle est fondée. L’auteur examine les mesures à adopter pour que ces ac-
cords contribuent effectivement au renforcement des normes relatives au travail
partout dans le monde.
L
e 28 juin 2013, alors que l’opinion internationale et nationale est en proie
à l’indignation après l’accident industriel le plus grave que le monde
ait connu depuis Bhopal, le Président des États-Unis, Barack Obama, fait
une déclaration sans précédent: les États-Unis, annonce-t-il, n’accorderont
plus de privilèges commerciaux au Bangladesh, reprochant à ce pays son
manque de respect des normes internationales du travail et envoyant par là
un message sans ambiguïté aux détaillants américains actifs dans le pays et
Revue internationale du Travail422
demeurés jusque-là indifférents aux conditions de travail (Greenhouse, 2013a;
White House, 2013; voir aussi Anner, Bair et Blasi, 2013)1.
Deux mois plus tôt à peine, la communauté internationale avait le re-
gard xé sur le centre de Dhaka, où le Rana Plaza, un bâtiment qui héber-
geait les ateliers de confection de détaillants des États-Unis et d’autres pays
occidentaux, venait de s’effondrer (Yardley, 2013a; voir aussi Anner, Bair
et Blasi, 2013). La structure se désagrégea entièrement, faisant 1 129morts
–des hommes, des femmes et leurs enfants qui se trouvaient dans des gar-
deries– et 2 515blessés (Harder, 2013; Yardley, 2013a et 2013b; Kabeer et
Mahmud, 2004).
Ces personnes étaient les dernières victimes très médiatisées de la course
internationale effrénée au moins-offrant –en l’occurrence dans l’industrie de
la confection– qui a longtemps tiré parti des disparités entre les normes du
travail strictes des pays occidentaux développés et les règles, bien moins rigou-
reuses, des pays en développement. À l’heure où les détaillants occidentaux
cherchaient activement des pays où ils pourraient faire fonctionner des usines
en exploitant une main-d’œuvre peu onéreuse, le Bangladesh avait réussi à
développer une économie axée sur l’exportation en les attirant grâce à une
population abondante d’ouvriers pauvres, socialement et économiquement op-
primés et prêts à tout pour obtenir un emploi.
Or cette course au moindre coût, qui a provoqué la catastrophe du Rana
Plaza, a été, à bien des égards, encouragée par le régime de préférences com-
merciales accordé à des pays tels que le Bangladesh dans le cadre du Système
généralisé de préférences. Le Bangladesh était en effet l’un des 125pays bé-
néciant de préférences commerciales accordées par les États-Unis. À ce titre,
le pays avait été autorisé à exporter près de 5 00 0produits en franchise vers
les États-Unis (Ofce of the United States Trade Representative, 2013a), les-
quels s’étaient portés acquéreurs de près de 25pour cent de ses 18milliards
de dollars d’exportations annuelles de vêtements (Greenhouse, 2013a). Tout
naturellement, les détaillants états-uniens se bousculaient au Bangladesh pour
y passer des accords avec des sous-traitants comme M.Rana, qu’ils chargeaient
de diriger leurs usines et d’engager une main-d’œuvre bon marché, an d’im-
porter ensuite aisément leurs produits en franchise de droits de douane.
En abrogeant les préférences commerciales accordées au Bangladesh, le
président Obama espérait, par cette pression économique, inciter les autorités
à adopter et respecter les normes internationales du travail tout en poussant
les détaillants américains actifs dans le pays à limiter leurs importations. Pour
audacieux qu’il fût, le geste restait pourtant largement symbolique. Dans le
1 Le Président Obama a déclaré à cette occasion que, conformément à l’article 502, para-
graphe d), de la loi de 1974 sur le commerce, il était approprié de suspendre la désignation du
Bangladesh en tant que pays en développement bénéciaire au titre du système généralisé de pré-
férences (SGP) parce que le pays n’avait pas pris et ne prenait pas de mesures pour accorder aux
travailleurs les droits qui leur sont reconnus sur le plan international. An de reéter cette suspen-
sion, le président a décidé qu’il convenait de modier les notes générales 4 a) et 4 b) i) de la liste
tarifaire harmonisée des États-Unis.

To continue reading

Request your trial

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT