Dimensions et effets des activités informelles dans une très petite économie

Date01 September 2015
AuthorMustafa BESIM,Glenn P. JENKINS,Tufan EKICI
Published date01 September 2015
DOIhttp://doi.org/10.1111/j.1564-9121.2015.00258.x
Revue internationale du Travail, vol. 154 (2015), no 3
Copyright © Auteur(s) 2015
Compilation et traduction des articles © Organisation internationale du Travail 2015
Dimensions et effets
des activités informelles
dans une très petite économie
Mustafa BESIM*, Tufan EKICI** et Glenn P. JENKINS***
Résumé. Les auteurs évaluent l’emploi informel –et les revenus non déclarés qu’il
engendre –dans une très petite économie à gouvernance médiocre. Les données
d’une enquête auprès des ménages et d’un recensement leur servent à estimer le
nombre de travailleurs en emploi informel à Chypre-Nord, ainsi que les caracté-
ristiques de cet emploi, entre 2004 et 20 11. Les travailleurs concernés sont essen-
tiellement des citoyens non afliés à la sécurité sociale, des immigrés employés
illégalement ou des personnes ayant deux emplois dont un non déclaré. L’écono-
mie informelle aurait représenté 9,1pour cent du PNB en 20 06, et 12,2 en 2011.
Aux ns du présent article, l’emploi dans l’économie informelle est déni
comme incluant à la fois «l’emploi dans le secteur informel» et «l’em-
ploi informel» tels que dénis par la Résolution concernant les statistiques
de l’emploi dans le secteur informel adoptée par la quinzième Conférence in-
ternationale des statisticiens du travail (CIST) en 19931, et par les Directives
concernant une dénition statistique de l’emploi informel, approuvées par la
17eCIST en 20032 (voir aussi BIT, 2013). Le secteur formel est composé d’en-
treprises privées qui ne sont pas constituées en société, c’est-à-dire qui sont
* Professeur associé, Université de la Méditerranée orientale, Chypre-Nord, courriel:
mustafa.besim@emu.edu.tr. ** Professeur assistant, Université technique du Moyen-Orient,
Campus de Chypre-Nord, courriel: ekici@metu.edu.tr. *** Professeur à l’Université de la Mé-
diterranée orientale, Chypre-Nord, courriel: Jenkins.glenn@usa.net. Les auteurs remercient la
Chambre de commerce chypriote turque d’avoir partagé les résultats du recensement et de l’enquête
SPO «Organisation de la planication nationale». Ils remercient aussi les évaluateurs anonymes pour
l’utilité de leurs commentaires et suggestions et prennent la responsabilité de toute erreur restante.
Les articles paraissant dans la RIT, de même que les désignations territoriales utilisées,
n’engagent que les auteurs, et leur publication ne signie pas que le BIT souscrit aux opinions
qui y sont exprimées.
1 Le texte intégral de cette résolution peut être consulté à l’adresse
groups/public/---dgreports/---stat/documents/normativeinstrument/wcms_087485.pdf.> [consulté
le 19octobre 2015].
2 Le texte intégral de ces directives est consultable à l’adresse
public/---dgreports/---stat/documents/normativeinstrument/wcms_087624.pdf.> [consulté le 19oc-
tobre 2015].
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la propriété d’individus ou de ménages, qui ne constituent pas une personne
morale distincte de leurs propriétaires, et qui ne tiennent pas un ensemble
complet de comptes permettant de distinguer clairement les activités de pro-
duction des entreprises des autres activités de leurs propriétaires (Hussmanns,
2005). L’«emploi informel» est déni par l’Organisation internationale du Tra-
vail comme le nombre total des emplois informels, qu’ils soient exercés dans
des entreprises du secteur formel, des entreprises du secteur informel ou des
ménages, au cours d’une période de référence donnée (BIT, 2013). L’emploi
informel n’est pas soumis à la législation du travail, à la protection sociale, à
l’impôt et à certains avantages liés à l’emploi.
Nous avons plusieurs raisons d’approfondir notre connaissance de l’éco-
nomie informelle. Premièrement, comme les travailleurs concernés ne sont
pas déclarés, ils peuvent échapper au paiement des impôts et des cotisations
de sécurité sociale, ce qui aggrave les décits budgétaires et des comptes so-
ciaux, avec souvent pour conséquence un alourdissement des prélèvements
que subissent les travailleurs déclarés. Deuxièmement, les statistiques sur la
main-d’œuvre, la croissance économique, le revenu national ou la consomma-
tion seront faussées si l’on ne prend pas correctement la mesure des marchés
informels du travail3.
De nombreuses études se sont attaquées à la mesure de l’économie infor-
melle; avec deux méthodes, l’une directe (micro), l’autre indirecte (macro). La
première consiste surtout à exploiter des enquêtes pour évaluer le nombre et
les caractéristiques des personnes engagées dans l’emploi informel; la seconde
est fondée sur l’estimation statistique à partir de sources connexes (ibid. 2013 ,
paragr.3.43).
Nous étudions ici, de façon aussi complète que possible, l’économie in-
formelle à Chypre-Nord4. Dans un premier temps, nous évaluons la dimen-
sion de l’emploi informel par une méthode indirecte, à savoir une technique
de solde résiduel, en exploitant les résultats des recensements et des données
sur les migrations de 2006 et 2011. Nous passons ensuite à l’approche directe,
avec une analyse détaillée des caractéristiques de l’emploi informel à partir
des enquêtes sur la main-d’œuvre menées auprès des ménages sur la période
2004 -2011. Pour nir, nous mesurons la taille de l’économie informelle par la
méthode de la valeur ajoutée.
Ici, dans le contexte de Chypre-Nord, par «emploi informel», nous faisons
référence aux salariés qui ne sont pas afliés à la sécurité sociale ou sont hors
de sa protection, qu’ils travaillent dans le secteur informel ou formel.
Pour ce qui est de l’économie informelle, Chypre-Nord est un cas d’école.
L’absence de contrôle de l’immigration, associée à une application laxiste du
droit du travail, fait qu’il existe un grand nombre de travailleurs en situation
3 Pour en savoir plus sur la dénition et la mesure de l’emploi informel, les difcultés que
cela présente et les divers moyens de les surmonter, voir Williams et Lansky (2013).
4 Les désignations utilisées dans les publications du BIT n’impliquent de la part du Bureau
international du Travail aucune prise de position quant au statut juridique de tel ou tel pays, zone
ou territoire, ou de ses autorités, ni quant au tracé de ses frontières.

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