Les différences de salaire au sein de l'Union européenne

AuthorAurora GALEGO,João PEREIRA
Published date01 March 2018
DOIhttp://doi.org/10.1111/ilrf.12078
Date01 March 2018
Revue internationale du Travail, vol. 157 (2018), no 1
Droits réservés © auteur(s), 2018.
Compilation et traduction des articles © Organisation internationale du Travail, 2018.
* Faculté d’économie, Université d’Évora, Portugal; jpereira@uevora.pt (auteur correspon-
dant) et agalego@uevora.pt. Les auteurs remercient la Fundação para a Ciência e a Tecnologia
(fondation pour la science et la technologie) du Portugal et le programme opérationnel pour la
compétitivité du Fonds européen de développement régional (FEDER) de leur soutien nancier
(bourses nosUID/ECO/040 07/2013 et POCI-01-0145-FEDER-007659, respectivement). Les don-
nées utilisées proviennent de la vague 2008 de l’enquête EU-SILC (rév.4) d’Eurostat. Eurostat
n’est pas responsable des résultats ni des conclusions contenus dans la présente étude.
Les articles paraissant dans la Revue internationale du Travail n’engagent que leurs auteurs,
et leur publication ne signie pas que le BIT souscrit aux opinions qui y sont exprimées.
Les différences de salaire
au sein de l’Union européenne
João PEREIRA* et Aurora GALEGO*
Résumé. Les auteurs recherchent les déterminants des écarts salariaux au sein de
l’Union européenne selon la position dans la distribution des salaires, suivant en
cela la méthode proposée par Firpo, Fortin et Lemieux (200 9) et par Fortin, Le-
mieux et Firpo (2011). Ils expliquent ces écarts à la fois par un effet de composi-
tion et par un effet de structure. Ce dernier effet, plus puissant, dépend surtout des
facteurs non observés, alors que l’effet de composition peut être attribué principa-
lement au niveau de diplôme, à la profession, à la fréquence des fonctions d’enca-
drement et, dans une moindre mesure, au secteur d’activité.
L
a cohésion économique, sociale et territoriale est pour l’Union européenne
un objectif prioritaire. Ces dernières décennies, plusieurs programmes
ont visé à promouvoir une telle intégration et à accélérer la convergence éco-
nomique entre les pays de l’Union en redistribuant les ressources entre États
membres. Cependant, malgré quelques progrès, la situation économique des
différents pays reste très disparate, notamment sous l’angle des niveaux sala-
riaux et du revenu par tête, et tout particulièrement si l’on oppose les pays du
nord et ceux qui sont situés à l’est, au sud ou à l’ouest de l’Union. Pour pro-
mouvoir la cohésion économique et sociale, il conviendrait de créer un marché
du travail intégré et de favoriser la libre circulation de la main-d’œuvre, par
des politiques appropriées, deux objectifs qui demandent une compréhension
sufsante des déterminants microéconomiques des salaires en Europe.
Selon une interprétation axée sur la concurrence, le salaire dépend de
la productivité (productivité marginale), qui dépend elle-même des compé-
tences du travailleur (formation, expérience et aptitudes non observables),
mais aussi des caractéristiques du poste (capital, techniques de production,
Revue internationale du Travail112
qualité de la gestion, etc.) et des ressources naturelles. Dans cette perspective,
un travailleur mieux doté en capital humain est plus productif et accède à une
rémunération plus élevée (Mincer, 1974; Becker, 1993). Sur le même principe,
on peut supposer que les pays qui présentent un niveau de productivité supé-
rieur – dans les secteurs travaillant pour l’exportation notamment – devraient
se caractériser aussi par des niveaux de salaire et de prix plus élevés (Balassa,
1964; Samuelson, 1964).
Pour certains, les institutions du marché du travail peuvent modier la
donne, c’est-à-dire que les salaires minima, la législation protectrice de l’emploi
et la syndicalisation peuvent améliorer la situation de certains travailleurs sur
le marché du travail par rapport à ce qui serait le cas dans un modèle purement
concurrentiel. Depuis quelques décennies cependant, on assiste à une perte de
pouvoir syndical, alors que les disparités salariales et les inégalités se creusent,
et les salaires semblent devenir plus sensibles aux forces du marché (OCDE,
2004; Leuven, Oosterbeek et van Ophem, 2004). Une étude de l’OCDE (2004)
établit dans le même esprit que le revenu global n’est pas toujours inuencé
par les institutions qui contribuent à la détermination des salaires, à savoir le
taux de syndicalisation, la couverture des conventions collectives et le degré
de centralisation et de coordination de la négociation collective, même si cer-
tains éléments montrent qu’elles ont un certain poids sur le revenu relatif de
groupes donnés (les jeunes, les femmes et les travailleurs seniors).
Quant à la structure des salaires, élément crucial pour l’intégration du
marché du travail, elle reste mal connue, tout autant que les déterminants des
différentiels de revenu entre les pays européens. Ainsi, on trouve encore peu
d’études microéconomiques sur les éléments qui font que deux travailleurs
au prol similaire, identiquement placés dans la répartition des salaires (à la
moyenne par exemple, ou à un quantile donné) peuvent toucher des salaires
très éloignés selon leur pays de résidence1. À notre connaissance, seuls Behr
et Pötter (2010) et Brandolini, Rosolia et Torrini (2011) se sont penchés sur la
question. Behr et Pötter font appel à un modèle de risque proportionnel pour
décomposer les écarts salariaux entre pays européens à différents quantiles,
en utilisant pour cela des données de la vague de 2001 du Panel communau-
taire des ménages. Leur étude met en avant le rôle prépondérant du rende-
ment des compétences dans ces écarts, que les caractéristiques des travailleurs
n’expliquent que pour une part minime, même dans les pays à bas salaire. De
leur côté, Brandolini, Rosolia et Torrini analysent la répartition des salaires à
partir des données des Statistiques communautaires sur le revenu et les condi-
tions de vie de l’Union européenne (EU-SILC) pour 2007. Ils estiment une
«fonction d’inuence recentrée» (recentered inuence function – RIF) et ré-
gressent les équations de salaire à certains centiles de la répartition et pour la
variance (selon la méthode de Firpo, Fortin et Lemieux, 2009). Ils procèdent
1 On trouve en revanche une litérature toujours plus abondante sur l’ampleur variable des
disparités salariales au sein des pays européens eux-mêmes (Budría et Pereira-Telhado, 2011; Simón,
2010).

To continue reading

Request your trial

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT