Déterminants des priorités des hommes et des femmes quant aux grands aspects de la vie: le cas d'Israël

Date01 December 2015
Published date01 December 2015
DOIhttp://doi.org/10.1111/j.1564-9121.2015.00268.x
AuthorMoshe SHARABI
Revue internationale du Travail, vol. 154 (2015), no 4
Copyright © Auteur(s) 2015
Compilation et traduction des articles © Organisation internationale du Travail 2015
*
Département de sociologie et d’anthropologie, Collège académique de la vallée de Yezreel,
et Centre d’études des organisations et de la gestion des ressources humaines de l’Université de
Haïfa, courriel: moshes@yvc.ac.il.
Les articles paraissant dans la RIT, de même que les désignations territoriales utilisées,
n’engagent que les auteurs, et leur publication ne signie pas que le BIT souscrit aux opinions
qui y sont exprimées.
Déterminants des priorités des hommes
et des femmes quant aux grands aspects
de la vie: le cas d’Israël
Moshe SHARABI*
Résumé. Exploitant une enquête de 200 6 auprès d’un échantillon de la popula-
tion active israélienne sur la signication du travail, l’auteur examine la centralité
relative des diverses sphères de la vie: travail, famille, loisirs, collectivité et religion.
La famille reste plus importante pour les femmes que pour les hommes, mais il
n’y a pas de différence quant au travail, en rupture avec la moindre préférence
traditionnelle des femmes pour celui-ci. L’auteur identie au moyen d’une régres-
sion les déterminants socio-économiques des différences d’attitudes entre hommes
et femmes. Il en ressort un risque croissant de conit entre travail et famille chez
les Israéliennes.
L’
une des évolutions socio-économiques les plus marquantes des dernières
décennies est l’augmentation du taux d’activité des femmes à l’échelle
mondiale (Lips et Lawson, 2009). La division historique du travail entre les
sexes, selon laquelle les hommes gagnaient le pain du ménage tandis que les
femmes s’occupaient du foyer, a radicalement changé au cours du XXesiècle
(Laville, 1999; Lachance-Grzela et Bouchard, 2010). Ces dernières décennies,
les femmes ont intégré à un rythme soutenu la main-d’œuvre mondiale (Carli,
2010; Lachance-Grzela et Bouchard, 2010). Aux Etats-Unis, le taux d’activité
des femmes a atteint près de 59pour cent en 2010 (Bureau des statistiques du
travail des Etats-Unis, 2011). En Chine, les femmes représentent 46pour cent
de la main-d’œuvre (Carli, 2010). Et, de façon plus générale, une majorité de
femmes travaillaient dans plus de 60pour cent des pays observés par la Divi-
sion de statistique des Nations Unies à la n des années 2000 (Lips et Lawson,
2009). Cette évolution s’est accompagnée d’une élévation du niveau d’instruc
-
tion des femmes, de leur situation professionnelle, ainsi que de leurs revenus
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et de leurs attentes (Laville, 1999; Carli, 2010; Lips et Lawson, 2009). Toutes
choses qui ont aggravé les risques de conit entre travail et famille, tant pour
les hommes que pour les femmes (Cousins et Tang, 2004; Hoobler, Wayne et
Lemmon, 2009; Westman et Etzion, 2005). En effet, ces évolutions modient
les attentes des femmes quant à la centralité du travail, de la famille, des loi-
sirs et d’autres sphères de la vie.
Dans un texte fondateur, L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme,
publié en 1905 dans sa version originale allemande, Max Weber (2003) a mis
l’accent sur la relation entre l’éthique protestante du travail –qui conçoit ce
dernier comme une valeur suprême, pour les individus comme pour la société–
et le degré de prospérité des sociétés qui se conforment à cette éthique. Au
cours du temps, les valeurs des individus et des sociétés évoluent, ce qui en-
traîne des changements quant au prix accordé au travail, à la famille et aux
loisirs, avec des effets sur la réussite économique des entreprises et de la so-
ciété tout entière (Sharabi et Harpaz, 2007 et 2010). Tant chez les hommes que
chez les femmes, les modications de leurs rôles respectifs et de leurs attentes
relatives au travail et à la vie de famille sont déterminées par des facteurs so-
ciaux, économiques et politiques dont la connaissance nous aide à comprendre
l’évolution de la valeur du travail dans certaines catégories sociales, voire dans
une société tout entière (Abramson et Inglehart, 1995; Hesse-Biber et Carter,
2004; Sharabi et Harpaz, 2007 et 20 09a).
Nous situant dans ce cadre analytique général, nous explorerons ici le ca-
ractère plus ou moins central –la centralité– des grandes sphères –ou grands
aspects, ou encore domaines– de la vie des hommes et des femmes en Israël.
Nous tâcherons d’en expliquer les différences au moyen d’une régression visant
à évaluer l’inuence de variables socio-économiques sur ces sphères, selon le
sexe. La suite de cet article comprend cinq parties. Dans la première, nous ré-
capitulerons brièvement les évolutions et les facteurs qui ont modelé le chan-
gement social en Israël ces dernières décennies. Puis nous présenterons dans
la deuxième les résultats des travaux de recherche antérieurs sur la centralité
des divers aspects de la vie, sur l’articulation entre travail et famille pour les
femmes et les hommes, et sur d’autres déterminants de la centralité du travail
et de la famille dans les pays développés. Ce passage en revue débouchera sur
la formulation de plusieurs hypothèses. La troisième partie sera consacrée aux
données et à la méthodologie, la quatrième aux résultats, et la cinquième à la
discussion de ces derniers et à nos conclusions.
Le contexte israélien
Depuis la création de l’Etat d’Israël en 1948, l’économie du pays a connu une
croissance soutenue. Jusqu’à la récession mondiale du milieu des années 1970,
le taux de croissance a été d’environ 10pour cent l’an et ensuite sa moyenne
est restée supérieure à celle de la plupart des pays développés (Sharabi et Har-
paz, 2010; Tzafrir, Meshoulam et Baruch, 200 7). Depuis les années 1970, Israël
est passé d’une économie centralisée à orientation socialiste, avec une quasi-

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