La convention n° 189 de l'OIT en Argentine, au Chili et au Paraguay: étude comparée sur la réglementation des heures de travail et de la rémunération des travailleuses domestiques

Published date01 September 2018
DOIhttp://doi.org/10.1111/ilrf.12097
Date01 September 2018
Revue internationale du Travail, vol. 157 (2018), no 3
Droits réservés © auteur, 2018.
Compilation et traduction des articles © Organisation internationale du Travail, 2018.
* Chercheuse au Centro de Investigaciones Sociales (CIS-CONICET/IDES) (Argentine);
lorena.poblete@conicet.gov.ar. Ce travail de recherche a été conancé par le Fung Global Fellows
Program (Université de Princeton) et le Consejo Nacional de Investigaciones Cientícas y Técni-
cas (CONICET) (Argentine). L’auteure souhaite remercier Adelle Blackett, Ana María Goldani,
Rosmary Taylor, Peter A. Hall et Andreas Wimmer pour leurs commentaires lors des premiers
stades de cette recherche. Elle exprime aussi toute sa gratitude à Guy Mundlak pour sa lecture in-
telligente et généreuse de cet article.
Les articles paraissant dans la Revue internationale du Travail n’engagent que leurs auteurs,
et leur publication ne signie pas que le BIT souscrit aux opinions qui y sont exprimées.
La convention no 189 de l’OIT
en Argentine, au Chili et au Paraguay:
étude comparée sur la réglementation
des heures de travail et de la rémunération
des travailleuses domestiques
Lorena POBLETE*
Résumé. En juin2011, la Conférence internationale du Travail adoptait la conven
-
tion (no 189) et la recommandation (no201) sur les travailleuses et travailleurs do-
mestiques. L’auteure analyse, dans une perspective de droit comparé, le rôle joué
par la convention no189 dans les réformes législatives mises en œuvre dans trois
pays d’Amérique latine ayant ratié le texte: l’Argentine, le Chili et le Paraguay.
Elle décrit aussi les débats et les controverses qui ont déterminé la manière dont
les dispositions concernant les heures de travail et la rémunération contenues dans
la convention ont été incorporées dans les lois relatives au travail domestique ré-
munéré dans ces trois pays.
C’est à sa 100esession, en juin 2011, que la Conférence internationale du
Travail a adopté la convention (no189) et la recommandation (no201)
sur les travailleuses et travailleurs domestiques. Ces deux instruments offrent
un modèle innovant pour la réglementation du travail domestique rémunéré,
fondé sur une série de principes et droits fondamentaux au travail, à savoir:
liberté syndicale et droit à la négociation collective; abolition du travail des
enfants; élimination de toutes les formes de travail forcé; élimination de la
discrimination dans l’emploi et la profession. Les mesures prises pour ga-
rantir ces principes et ces droits permettent de protéger les travailleuses et
les travailleurs domestiques contre les abus, le harcèlement, la violence et la
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discrimination, d’assurer leur droit d’être informés des conditions d’emploi,
y compris en matière de licenciement, de les protéger contre une durée du
travail excessive, d’introduire des dispositions qui régissent la périodicité et
les modalités de la rémunération, les périodes de repos quotidien et hebdo-
madaire, les congés annuels rémunérés, les périodes d’essai et l’accès à la
sécurité sociale.
Depuis son adoption en 2011, la convention sur les travailleuses et tra-
vailleurs domestiques a été ratiée par 26pays, dont 13 d’Amérique latine1.
Ce fait peut s’expliquer par l’intérêt que suscite la réglementation d’un secteur
très important dans la région et par l’activisme des organisations qui défendent
les travailleuses domestiques dans ces pays. En Amérique latine, le travail do-
mestique rémunéré représente près de 40pour cent du total mondial, et c’est
l’une des formes principales de participation des femmes au marché du travail.
Ainsi, dans la région, 26,6pour cent des femmes en emploi sont des travail-
leuses domestiques, et 92pour cent de tous les travailleurs domestiques sont
des femmes2 (BIT, 2013). Dans ce secteur, le travail non déclaré est très ré-
pandu, avec pour conséquence que les droits relatifs au travail ne s’appliquent
pas et que les travailleuses n’ont pas accès aux protections sociales. Pendant la
phase de rédaction de la convention no189, les organisations de travailleuses
domestiques d’Amérique latine ont joué un rôle important pour soutenir cette
initiative normative internationale et, après son adoption, elles se sont mobi-
lisées en faveur de sa ratication dans leurs pays respectifs. Bien que treize
pays d’Amérique latine aient ratié la convention no189, seuls l’Argentine, le
Chili et le Paraguay ont amendé leur législation nationale en profondeur de-
puis son adoption3.
Dans ces trois pays, le secteur présente des caractéristiques différentes.
En Argentine, on compte un million de travailleuses domestiques (soit 7,2pour
cent de la main-d’œuvre et 17,2pour cent des femmes en emploi). Au Chili,
elles sont environ 400 000 (4,9 pour cent de la main-d’œuvre et 11,7 pour
cent des femmes en emploi). Au Paraguay enn, on estime leur nombre à
230 000 (7,5pour cent de la main-d’œuvre et 15,8pour cent des femmes en em-
ploi). Au cours des quinze dernières années, des tendances différentes se sont
fait jour dans les trois pays: si le nombre de travailleuses domestiques a aug-
menté en Argentine, il est demeuré relativement stable au Paraguay tandis qu’il
1 L’Uruguay a ratié la convention en 2012, l’État plurinational de Bolivie (ci-après «Boli-
vie»), l’Équateur, le Nicaragua et le Paraguay en 2013, l’Argentine, la Colombie et le Costa Rica
en 2014, le Chili, la République dominicaine et le Panama en 2015, et le Brésil et le Pérou en 2018.
2 Étant donné cette prédominance féminine, il nous paraît préférable d’utiliser l’expression
«travailleuses domestiques» pour faire référence à l’ensemble des travailleurs et travailleuses do-
mestiques. Le terme «travailleurs domestiques» ne sera utilisé dans le présent article que dans les
citations ou témoignages.
3 Il convient de mentionner aussi le cas du Brésil, étant donné le poids de ce pays dans le
Marché commun du Sud (MERCOSUR). Le Brésil a ratié la convention no189 en janvier 2018;
le texte entrera en vigueur en janvier 2019. Cependant, comme le Brésil s’était déjà doté d’une
législation relative aux travailleuses domestiques avant de ratier la convention no189, nous n’en
tenons pas compte dans notre analyse.

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