Contrats de durée déterminée et productivité: une analyse à partir du cas des entreprises manufacturières allemandes

• Author: Sebastian NIELEN,Alexander SCHIERSCH
• DOI: http://doi.org/10.1111/ilrf.12035
• Date: 01 December 2016
• Published date: 01 December 2016

Revue internationale du Travail, vol. 155 (2016), no 4

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*

Institut de recherche sur les PME (IfM), Bonn, courriel: nielen@ifm-bonn.org. **

Institut

allemand d’études économiques (DIW), Berlin, courriel: aschiersch@diw.de..

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Contrats de durée déterminée

et productivité: une analyse

à partir du cas des entreprises

manufacturières allemandes

Sebastian NIELEN* et Alexander SCHIERSCH**

Résumé. Les auteurs examinent la relation entre productivité du travail et recours

aux contrats de durée déterminée (CDD) à partir d’un vaste ensemble de don-

nées sur les entreprises manufacturières allemandes. Ils combinent plusieurs mo-

dèles sur données de panel et tiennent compte du biais d’autosélection potentiel.

La relation en cloche attendue n’est pas démontrée, et la recherche d’une relation

linéaire conduit à des coefcients généralement négatifs (et non signicatifs). Les

auteurs concluent qu’il n’y a pas de relation signicative entre CDD et producti-

vité et qu’une telle corrélation ne devrait plus être invoquée pour justier des po-

litiques de exibilisation destinées à promouvoir la compétitivité des entreprises.

Le recours aux contrats de durée déterminée (CDD) ne cesse de progres-

ser en Allemagne, les entreprises étant de plus en plus nombreuses à se

prévaloir de cette modalité d’emploi. La part des CDD dans les nouvelles em-

bauches est passée ainsi de quelque 30pour cent en 2000 à près de 45 pour

cent en 2010 (IAB, 2011). En 2010, un salarié tenu de cotiser à la sécurité so-

ciale sur dix était lié par un contrat de ce type, ce qui représente une augmen-

tation de 30pour cent par rapport à 2000 (Gundert et Hohendanner, 2011).

Cependant, les travaux empiriques examinant l’effet de ce recours crois-

sant aux CDD sur la productivité sont peu nombreux. Damiani et Pompei

(2010) utilisent des chiffres sectoriels pour évaluer l’effet de la protection des

travailleurs sur la croissance de la productivité totale des facteurs (PTF) dans

18pays européens entre 1995 et 20 05. Ils contrôlent l’effet de la croissance

du travail temporaire sur la PTF et font apparaître une relation inverse et si-

gnicative entre ces éléments. Toujours à partir de données sectorielles, Auer,

Berg et Coulibaly (2005) examinent l’effet de l’ancienneté dans le poste sur la

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productivité dans 13pays européens de 1992 à 2002 . Ils montrent que l’ancien-

neté se traduit par des gains de productivité, mais uniquement jusqu’à treize

ans, délai après lequel la relation s’inverse. Il en ressort que les entreprises

ayant moins recours aux CDD devraient afcher une productivité supérieure.

Sur la base de données sectorielles relatives à l’Espagne et à la période 1987-

2000, Ortega et Marchante (2010) parviennent à établir un effet négatif des

contrats temporaires, mais uniquement dans le secteur manufacturier et dans

le secteur de l’énergie. Aucun effet n’est décelé pour les autres secteurs.

À l’échelon microéconomique, Cappellari, Dell’Aringa et Leonardi

(2012) utilisent 130 00 observations relatives à des entreprises italiennes de

différents secteurs et à la période 2004-2 007 pour évaluer les effets de la libé-

ralisation des CDD sur la productivité du travail. Ces auteurs trouvent un effet

inverse peu prononcé, faiblement signicatif seulement, ce qui les conduit à

rejeter leur hypothèse initiale selon laquelle les réformes en question auraient

amélioré la productivité du travail. Ces résultats sont conformes à ceux des

deux études mentionnées précédemment. Enn, Kleinknecht et coll. (2006)

analysent les effets des CDD sur 590entreprises néerlandaises. Ils concluent

que le pourcentage de travailleurs en CDD n’a pas d’effet signicatif sur la

croissance des ventes. Pour vérier la robustesse de leurs résultats, les auteurs

séparent les données entre les entreprises qui ont des activités de recherche

et de développement et les autres. Les résultats restent inchangés pour les

deux sous-échantillons. À l’exception de cette dernière étude, les travaux em-

piriques précédents font donc apparaître une relation négative peu marquée

entre CDD et productivité.

Avec notre travail, nous complétons la littérature encore limitée sur la

question à deux égards: a)nous réunissons pour la première fois des éléments

relatifs à l’effet des CDD sur la productivité du travail en Allemagne, l’une

des principales économies européennes, où l’emploi atypique ne cesse de ga-

gner du terrain; et b)contrairement aux études que nous venons d’évoquer,

nous traitons spéciquement l’autosélection potentielle dans le recours aux

CDD, étant entendu que certaines entreprises peuvent ne jamais utiliser ce

genre de contrats. En outre, nous utilisons des modèles dynamiques sur don-

nées de panel pour assouplir l’hypothèse d’une exogénéité stricte des variables

explicatives.

Nos principaux résultats sont que les entreprises n’enregistrent pas de

gains de productivité du travail en cas de recours modéré aux CDD, mais pas

de perte de productivité non plus en cas de recours intensif à cette modalité.

En d’autres termes, contrairement aux études précédentes, nous constatons

que le recours aux CDD n’a pas d’inuence sur les résultats de l’entreprise.

Nous organisons la suite de notre article en trois parties. Dans la pre-

mière, nous présentons le système de relations professionnelles et la légis-

lation applicable aux CDD en Allemagne. Dans la deuxième, nous faisons

le point des travaux antérieurs sur la question et formulons nos hypothèses.

Dans la troisième, nous présentons nos données et commentons les statis-

tiques descriptives. Nous exposons notre méthode et notre stratégie em-