ESPEJA BURGOS ET MORENO ESPEJA contre l'ESPAGNE
ECLI | ECLI:CE:ECHR:1994:1014DEC002367994 |
Respondent State | España |
Date | 14 October 1994 |
Application Number | 23679/94 |
Court | Commission. Plenary (European Commission of Human Rights) |
Counsel | MONTOJO MICO ; F. ; avocat ; Zaragoza |
Applied Rules | 6;6-1;13;14;34 |
SUR LA RECEVABILITÉ
de la requête No 23679/94
par Antonia ESPEJA BURGOS et Jesús MORENO ESPEJA
contre l'Espagne
La Commission européenne des Droits de l'Homme, siégeant en
chambre du conseil le 14 octobre 1994 en présence de
MM. C.A. NØRGAARD, Président
S. TRECHSEL
A. WEITZEL
F. ERMACORA
E. BUSUTTIL
G. JÖRUNDSSON
J.-C. SOYER
H.G. SCHERMERS
H. DANELIUS
F. MARTINEZ
C.L. ROZAKIS
Mme J. LIDDY
MM. L. LOUCAIDES
J.-C. GEUS
M.P. PELLONPÄÄ
B. REFFI
M.A. NOWICKI
I. CABRAL BARRETO
B. CONFORTI
N. BRATZA
I. BÉKÉS
J. MUCHA
E. KONSTANTINOV
D. SVÁBY
G. RESS
M. M. de SALVIA, Secrétaire adjoint de la Commission ;
Vu l'article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de
l'Homme et des Libertés fondamentales ;
Vu la requête introduite le 12 janvier 1994 par Antonio ESPEJA
BURGOS et Jesús MORENO ESPEJA contre l'Espagne et enregistrée
le 15 mars 1994 sous le N° de dossier 23679/94 ;
Vu le rapport prévu à l'article 47 du Règlement intérieur de la
Commission ;
Après avoir délibéré,
Rend la décision suivante :
EN FAIT
Les requérants sont deux ressortissants espagnols, mère (ci-après
la première requérante) et fils (ci-après le deuxième requérant)
résidant respectivement à Cetine (Zaragoza) et à Madrid. Devant la
Commission, ils sont représentés par Maître Fernando Montojo Mico,
avocat au barreau de Zaragoza.
Les faits de la cause, tels que présentés par les requérants,
peuvent se résumer comme suit :
1. Circonstances particulières de l'affaire
Le 24 mai 1982, M. O. E.V. intenta une action en justice devant
le juge d'instance de Calatayud dirigée contre M. F.M.M.,
respectivement époux et père des requérants. La demande tendait
principalement à l'annulation de la servitude de vue établie en faveur
de M. F.M.M., propriétaire du fonds dominant, et qui grevait la
propriété (fonds servant) du premier. Par jugement du 3 février 1983,
le juge d'instance fit partiellement droit aux demandes de M. O. E.V.
Ce dernier fit appel devant l'Audiencia territorial de Zaragoza qui,
par arrêt du 9 mai 1984, confirma le jugement entrepris. M. O. E.V.
se pourvut en cassation. Par arrêt du 12 décembre 1986, le Tribunal
Suprême confirma partiellement l'arrêt entrepris.
M. O. E.V. contestant l'exécution de l'arrêt précité, souleva un
incident d'exécution devant le juge d'instance de Calatayud à
l'encontre de la première requérante, veuve du propriétaire du fonds
dominant, décédé dans l'intervalle. Par décision (auto) du 7 décembre
1989, les prétentions du propriétaire du fonds servant furent rejetées
dans leur quasi-totalité.
Estimant que les travaux d'exécution réalisés par les requérants
ne correspondaient pas aux termes de l'arrêt du Tribunal Suprême
du 12 décembre 1986, le propriétaire du fonds servant souleva un nouvel
incident devant le juge d'instance de Calatayud qui, par jugement du
8 juin 1992, lui fit droit.
La première requérante fit alors appel devant l'Audiencia
provincial de Zaragoza et demanda la désignation d'un avoué d'office.
Par ordonnance (providencia) du 25 février 1993, et avant de décider
sur l'octroi ou le refus du bénéfice de l'assistance judiciaire à la
prémière requérante, cette dernière fut invitée à indiquer si elle
avait déjà bénéficié de l'assistance judiciaire dans la procédure
devant le juge d'instance ou si elle avait l'intention de la demander
devant l'Audiencia provincial de Zaragoza. Par lettre présentée le 10
mars 1993 devant l'Audiencia provincial de Zaragoza, la première
requérante indiqua ne pas avoir bénéficié de ladite assistance devant
le juge d'instance, mais exprima le souhait d'être mise au bénéfice de
l'assistance judiciaire, sans toutefois démontrer que des nouvelles
circonstances lui permettant d'avoir accès à une telle assistance (tel
que prévu par l'article 26 du Code de procédure civile), s'étaient
produites depuis la décision d'instance. Par ordonnance (providencia)
du 15 mars 1993, l'Audiencia provincial accusa réception de la lettre
mentionnée et renvoya la requérante aux termes de l'ordonnance du
25 février 1993.
Dans la mesure où la première requérante n'avait pas encore
obtenu le certificat d'hérédité, condition, selon elle, préalable à
l'obtention de l'assistance judiciaire, la première requérante informa
l'Audiencia provincial, par lettre du 29 mars 1993, de son souhait de
bénéficier de l'assistance judiciaire une fois qu'elle aurait obtenu
le certificat d'hérédité.
Par décision (providencia) du 31 mars 1993, l'Audiencia
provincial de Zaragoza déclara qu'il n'y avait pas lieu de désigner un
avoué d'office, et constatant que la première requérante était non
comparante, confirma, par défaut, la décision objet de l'appel.
Le 3 avril 1993, la première requérante présenta un recours (de
súplica) devant la même Audiencia, qui fut rejeté par décision (auto)
du 16 avril 1993.
Les deux requérants présentèrent alors un recours d'"amparo"
devant le Tribunal Constitutionnel, sur le fondement du droit à un
procès équitable. Par décision du 25 octobre 1993, la haute
juridiction rejeta le recours, estimant que l'organe judiciaire en
question avait, à deux reprises, accordé aux requérants la possibilité
de confirmer s'ils s'étaient vus octroyer l'assistance judiciaire en
l'instance ou de demander à être mis au bénéfice de l'assistance
judiciaire pour se faire représenter par un avoué d'office, ce qu'ils
n'ont pas fait. Dans les motifs de sa décision, le Tribunal
Constitutionnel faisait référence à sa jurisprudence établie en la
matière (voir ci-après 2.).
2. Droit et pratique interne pertinents
a) Droit interne
(original)
Ley de enjuiciamiento civil. Artículo 26 :
"El litigante que no haya solicitado el reconocimiento de
su derecho [al beneficio de la justicia gratuita] en la
primera instancia, si lo pretende en la segunda, deberá
justificar que han sobrevenido con posterioridad a aquélla
o en el curso de la misma las circunstancias necesarias
para obtenerlo." ...
(traduction par le Secrétariat)
Code de procédure civile. Article 26.
Lorsque la partie au litige n'a pas demandé la
reconnaissance du droit [à être mis au bénéfice de
l'assistance judiciaire] en première instance, mais le
demande en deuxième instance, elle devra justifier que les
circonstances nécessaires à la reconnaissance d'un tel
droit se sont produites après ou pendant l'instance. ...
b) Pratique interne
Arrêt du Tribunal Constitutionnel 93/91, du 6 mai 1991
Le Tribunal Constitutionnel considère incompatible avec le droit
à un procès équitable prévu à l'article 24 par. 1 de la Constitution
toute décision judiciaire qui déclare irrecevable un recours sur la
base d'une informalité réparable, sans avoir donné à l'intéressé la
possibilité d'y remédier.
L'appel avait été rejeté en raison de ce que le recours présenté
n'était pas signé par un avocat. Les intéressés s'étaient vu accorder
la possibilité d'y remédier devant le juge, ce qu'ils avaient fait.
L'Audiencia provincial rejeta cependant le recours pour informalité.
Le Tribunal Constitutionnel fit droit à la demande formulée par
les intéressés et octroya l'"amparo", déclarant la nullité de la
procédure suivie devant l'Audiencia provincial et ordonnant sa
révision.
Arrêt du Tribunal Constitutionnel 133/91, du 17 juin 1991
La décision de considérer l'intéressé comme non-comparant en
appel fut motivée par l'absence de pouvoir de représentation de
l'avoué. L'Audiencia provincial ne donna pas à l'intéressé la
possibilité de remédier à ce défaut.
Le Tribunal Constitutionnel octroya l'"amparo" demandé, déclarant
également la nullité de la procédure suivie devant l'Audiencia
provincial et ordonnant sa révision.
GRIEFS
1. Les requérants prétendent ne pas avoir bénéficié d'un procès
équitable. Ils se plaignent en particulier d'une entrave à leur droit
d'accès à un tribunal en ce que l'Audiencia provincial a rejeté pour
informalité leur demande d'assistance judiciaire. Ils invoquent les
articles 6 et 13 de la Convention.
2. Les requérants allèguent encore la violation de l'article 14 de
la Convention, combiné avec l'article 6, dans la mesure où le Tribunal
Constitutionnel n'aurait pas respecté sa jurisprudence établie en la
matière.
EN DROIT
1. Invoquant les articles 6 et 13 (art. 6, 13) de la Convention, les
requérants prétendent ne pas avoir bénéficié d'un procès équitable.
En particulier, ils se plaignent d'une entrave à leur droit d'accès à
un tribunal en ce que l'Audiencia provincial a rejeté pour informalité
leur demande d'assistance judiciaire. Dans leur partie pertinente, ces
dispositions se lisent comme suit :
Article 6 (art. 6)
" 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue
équitablement, ... par un tribunal ... qui décidera des
contestations sur ses droits et obligations de caractère civil
..."
Article 13 (art. 13)
"Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la
présente Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un
recours effectif devant une instance nationale ..."
Dans la mesure où le deuxième requérant n'a participé à la
procédure interne qu'au stade du recours d'"amparo" devant le Tribunal
Constitutionnel, la Commission estime que, pour ce qui est de cette
partie de la requête, il ne peut pas se prétendre victime de la
violation alléguée.
Concernant la première requérante, et dans la mesure où elle se
plaint d'une atteinte à son droit à un procès équitable, la Commission
note que, bien qu'ayant exprimé à plusieurs reprises le souhait de
bénéficier de l'assistance judiciaire, la première requérante n'a, à
aucun moment, présenté une demande formelle...
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