SUTTER v. SWITZERLAND
Judgment Date | 22 February 1984 |
ECLI | ECLI:CE:ECHR:1984:0222JUD000820978 |
Respondent State | Suiza |
Application Number | 8209/78 |
Date | 22 February 1984 |
Court | Plenary (European Court of Human Rights) |
Counsel | N/A |
Applied Rules | 6;6-1 |
Official Gazette Publication | [object Object] |
COUR (PLÉNIÈRE)
AFFAIRE SUTTER c. SUISSE
(Requête no 8209/78)
ARRÊT
STRASBOURG
22 février 1984
En l’affaire Sutter,
La Cour européenne des Droits de l’Homme, statuant en séance plénière par application de l’article 48 du règlement[*] et composée des juges dont le nom suit:
MM. R. Ryssdal, président,
J. Cremona,
Thór Vilhjálmsson,
W. Ganshof van der Meersch,
Mme D. Bindschedler-Robert,
MM. L. Liesch,
F. Gölcüklü,
F. Matscher,
J. Pinheiro Farinha,
L.-E. Pettiti,
B. Walsh,
R. Macdonald,
C. Russo,
R. Bernhardt,
J. Gersing,
ainsi que de MM. M.-A. Eissen, greffier, et H. Petzold, greffier adjoint,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil les 24 mars et 25 octobre 1983, puis le 23 janvier 1984,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette dernière date:
PROCEDURE
1. L’affaire a été déférée à la Cour par la Commission européenne des Droits de l’Homme ("la Commission") et le gouvernement de la Confédération suisse ("le Gouvernement"). A son origine se trouve une requête (no 8209/78) dirigée contre la Suisse et dont un ressortissant de cet État, M. Peter Sutter, avait saisi la Commission en 1978, en vertu de l’article 25 (art. 25) de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales ("la Convention").
2. Demande de la Commission et requête du Gouvernement ont été déposées au greffe de la Cour dans le délai de trois mois ouvert par les articles 32 par. 1 et 47 (art. 32-1, art. 47), les 17 mai et 8 juillet 1982 respectivement. La première renvoyait aux articles 44 et 48 (art. 44, art. 48) ainsi qu’à la déclaration de la Confédération suisse reconnaissant la juridiction obligatoire de la Cour (article 46) (art. 46), la seconde aux articles 45, 47 et 48 (art. 45, art. 47, art. 48). Elles invitent la Cour à se prononcer sur l’existence de violations de l’article 6 par. 1 (art. 6-1).
3. La chambre de sept juges à constituer comprenait de plein droit Mme D. Bindschedler-Robert, juge élu de nationalité suisse (article 43 de la Convention) (art. 43), et M. G. Wiarda, président de la Cour (article 21 par. 3 b) du règlement). Le 28 mai 1982, celui-ci en a désigné par tirage au sort les cinq autres membres, à savoir M. W. Ganshof van der Meersch, M. L. Liesch, M. E. García de Enterría, Sir Vincent Evans et M. R. Bernhardt, en présence du greffier (articles 43 in fine de la Convention et 21 par. 4 du règlement) (art. 43).
4. Ayant assumé la présidence de la Chambre (article 21 par. 5 du règlement), M. Wiarda a recueilli par l’intermédiaire du greffier l’opinion de l’agent du Gouvernement, ainsi que celle des délégués de la Commission, au sujet de la procédure à suivre. Le 22 juin, il a décidé que l’agent aurait jusqu’au 30 septembre 1982 pour présenter un mémoire auquel les délégués pourraient répondre par écrit dans les deux mois du jour où le greffier le leur aurait communiqué.
5. Le 29 juin 1982 la Chambre a résolu, en vertu de l’article 48 du règlement, de se dessaisir avec effet immédiat au profit de la Cour plénière.
6. Le mémoire du Gouvernement est parvenu au greffe le 30 septembre. Le 10 novembre, le secrétaire de la Commission a informé le greffier que les délégués formuleraient leurs propres observations lors des débats. Le 20 décembre, il lui a transmis les demandes du requérant au titre de l’article 50 (art. 50).
7. Le 20 décembre 1982, le président de la Cour a fixé au 21 mars 1983 la date d’ouverture de la procédure orale après avoir consulté agent du Gouvernement et délégués de la Commission par l’intermédiaire du greffier.
8. A la suite d’un empêchement de M. Wiarda, M. R. Ryssdal, vice- président de la Cour, a assumé la présidence (articles 9, 24 par. 1 et 48 par. 3, combinés, du règlement).
9. Les débats se sont déroulés en public le 21 mars, au Palais des Droits de l’Homme à Strasbourg. La Cour avait tenu immédiatement auparavant une réunion préparatoire; elle avait autorisé l’emploi de la langue allemande par la personne assistant les délégués de la Commission (article 27 par. 3 du règlement).
Ont comparu:
- pour le Gouvernement
M. J. Voyame, directeur
de l’Office fédéral de la Justice, agent,
M. G. Messmer, juge
au Tribunal fédéral,
M. R. Barras, auditeur en chef de l’armée,
M. O. Jacot-Guillarmod, de l’Office fédéral de la Justice,
M. M. Rusca, de l’Office fédéral de la Justice, conseils;
- pour la Commission
M. S. Trechsel,
M. A. Weitzel, délégués,
M. L. Minelli, conseil du requérant
devant la Commission, assistant les délégués (article 29
par. 1, seconde phrase, du règlement de la Cour).
La Cour a entendu en leurs déclarations, ainsi qu’en leurs réponses à ses questions et à celle de l’un de ses membres, MM. Trechsel, Weitzel et Minelli pour la Commission, MM. Voyame et Barras pour le Gouvernement. Le 15 décembre 1983, la Commission a produit deux documents que le greffier lui avait demandés sur les instructions du président.
FAITS
I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE
10. M. Peter Sutter, ressortissant suisse né en 1949, était étudiant et résidait à Bâle à l’époque des faits de la cause.
11. Lors de cours de répétition (Wiederholungskurse) organisés en 1974 et 1975 au titre des obligations militaires normales, il se vit infliger cinq et sept jours d’arrêts de rigueur pour avoir refusé d’observer l’article 203 bis du règlement de service, relatif à la coupe des cheveux.
12. Peu avant le début du cours de répétition de 1976, il reçut de son commandant d’unité une lettre recommandée lui enjoignant de s’y rendre avec une coupe de cheveux réglementaire. Il se présenta toutefois le 28 août 1976 avec une chevelure plus longue que celle autorisée et repoussa l’ordre verbal de l’officier de se la faire raccourcir.
13. Le 8 novembre 1976, l’auditeur militaire dressa un "acte d’accusation" (Anklageschrift) contre M. Sutter, poursuivi pour insubordination répétée et, accessoirement, inobservation de prescriptions de service (articles 61 et 72 du code pénal militaire).
14. Le 16 mai 1977, à l’issue d’une audience publique, le tribunal de division 5 prononça en public un jugement condamnant l’intéressé à dix jours d’emprisonnement pour les deux infractions.
Le défenseur choisi par M. Sutter avait en vain demandé au tribunal de se déclarer incompétent, faute d’offrir l’indépendance et l’impartialité voulues par l’article 6 (art. 6) de la Convention, et sollicité un complément d’instruction sur l’inutilité, voire le caractère abusif des dispositions réglementaires concernant la coupe des cheveux.
Une copie de la décision fut adressée au requérant le 23 juin 1977.
15. Dûment informé par le grand juge (président du tribunal de division) de la possibilité de se pourvoir en cassation dans les vingt-quatre heures de la lecture du jugement, M. Sutter avait aussitôt annoncé au greffier son recours (article 189 par. 2 de la loi fédérale du 28 juin 1889 relative à l’organisation judiciaire et à la procédure pénale pour l’armée fédérale, "la loi de 1889").
Le 2 juillet 1977, dans le délai de dix jours à compter de la signification du jugement, il déposa son mémoire en cassation; il y indiquait de manière "définitive" (article 189 par. 3 de la loi de 1889) les motifs de son pourvoi.
Il faisait valoir que la décision a quo avait violé la loi (article 188 par. 1, chiffre 1, de la loi de 1889) en appliquant des textes réglementaires incompatibles avec l’article 8 (art. 8) de la Convention; que le tribunal de division avait siégé dans une composition irrégulière (ibidem, chiffre 2), quatre des six juges étant les suppléants des juges titulaires et le grand juge ayant été nommé par l’auditeur en chef; qu’il s’était à tort reconnu compétent pour juger la cause au fond (ibidem, chiffre 3), car les tribunaux militaires ne constituaient pas des tribunaux au sens de l’article 6 (art. 6); que le refus d’ordonner un...
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