MATZNETTER v. AUSTRIA

Judgment Date10 November 1969
ECLIECLI:CE:ECHR:1969:1110JUD000217864
Respondent StateAustria
Application Number2178/64
Date10 November 1969
CourtChamber (European Court of Human Rights)
CounselN/A
Applied Rules5;5-3;5-4;35;35-1;6;6-1
Official Gazette Publication[object Object]
<a href="https://international.vlex.com/vid/convenio-europeo-libertades-fundamentales-67895138">ECHR</a>






COUR (CHAMBRE)







AFFAIRE MATZNETTER c. AUTRICHE


(Requête no 2178/64)











ARRÊT




STRASBOURG


10 novembre 1969


En l’affaire Matznetter,

La Cour européenne des Droits de l’Homme, constituée, conformément aux dispositions de l’article 43 (art. 43) de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales ("la Convention") et des articles 21 et 22 du Règlement de la Cour, en une Chambre composée de MM. les Juges:

H. ROLIN, Président

A. HOLMBÄCK

A. VERDROSS

G. BALLADORE PALLIERI

M. ZEKIA

J. CREMONA

S. BILGE;

ainsi que de MM. M.-A. EISSEN, Greffier, et J.F. SMYTH, Greffier adjoint,

Rend l’arrêt suivant:

PROCEDURE

1. L’affaire Matznetter a été déférée à la Cour par la Commission européenne des Droits de l’Homme ("la Commission") et par le Gouvernement de la République d’Autriche ("le Gouvernement"). A son origine se trouve une requête dont un ressortissant autrichien, M. Otto Matznetter, avait saisi la Commission le 3 avril 1964, en vertu de l’article 25 (art. 25) de la Convention, et qui était dirigée contre la République d’Autriche.

La demande de la Commission - qui s’accompagnait du rapport prévu à l’article 31 (art. 31) de la Convention - et la requête du Gouvernement étaient datées respectivement du 12 et du 31 juillet 1967. Elles ont été déposées au Greffe de la Cour dans le délai de trois mois institué par les articles 32 par. 1 et 47 (art. 32-1, art. 47), la première le 13 juillet, la seconde le 8 août. Elles renvoyaient aux articles 44 et 48 (art. 44, art. 48) et à la déclaration par laquelle la République d’Autriche a reconnu la juridiction obligatoire de la Cour (article 46) (art. 46).

2. Par une ordonnance rendue le 22 juillet 1967 en application de l’article 21 par. 6 du Règlement, le Président de la Cour a porté l’affaire Matznetter devant la Chambre compétente pour examiner les affaires Neumeister et Stögmüller. Cette Chambre comprenait sept Juges effectifs, dont M. Alfred Verdross, Juge élu de nationalité autrichienne, siégeant d’office conformément à l’article 43 (art. 43) de la Convention, ainsi que deux Juges suppléants. A partir du 31 janvier 1969, le premier Juge suppléant a remplacé l’un des membres effectifs empêché.

3. Par l’intermédiaire du Greffier, le Président de la Chambre a consulté l’Agent du Gouvernement et les Délégués de la Commission au sujet de la procédure à suivre (articles 26 et 35 par. 1 du Règlement). Le 21 août 1967, il a décidé que l’Agent aurait à présenter un mémoire dans un délai devant expirer le 29 décembre 1967 et qu’après avoir reçu ledit mémoire, les Délégués auraient de leur côté la faculté d’en déposer un le 24 février 1968 au plus tard.

Daté du 22 décembre 1967, le mémoire du Gouvernement est parvenu au Greffe le 3 janvier 1968. Par une lettre du 18 janvier, les Délégués de la Commission ont avisé le Président de la Chambre qu’ils n’estimaient pas nécessaire d’y répondre par écrit, tout en se réservant le droit de se prononcer verbalement, devant la Cour, sur certains aspects particuliers de l’affaire.

4. Les 28 janvier, 1er juin et 22 juillet 1968, le Président de la Chambre a chargé le Greffier d’inviter la Commission ou le Gouvernement, selon le cas, à produire une série de documents qui ont été versés au dossier les 8 février, 25 juillet et 28 août 1968.

5. Le 26 septembre 1968, la Cour a tenu à Strasbourg une brève réunion consacrée à la préparation de la phase orale de la procédure.

6. Par une ordonnance du 17 octobre 1968, le Président a fixé au 12 février 1969 la date d’ouverture des audiences contradictoires; auparavant, il avait recueilli, par l’intermédiaire du Greffier, l’opinion de l’Agent du Gouvernement et celle des Délégués de la Commission.

7. En notifiant cette décision à l’Agent et aux Délégués, le Greffier leur a communiqué une liste de questions sur lesquelles la Cour désirait recueillir des précisions ou explications à l’occasion des débats oraux.

Dès le 19 décembre 1968, le Greffier a reçu de l’Agent du Gouvernement une réponse écrite à la plupart de ces questions.

8. Donnant suite à une demande du Gouvernement, la Cour a autorisé les Agent, conseils et avocats de celui-ci, le 10 février 1969, à s’exprimer en allemand lors des audiences, à charge pour lui d’assurer, notamment, l’interprétation en français ou en anglais de leurs plaidoiries et déclarations (article 27 par. 2 du Règlement).

9. Les audiences publiques ont commencé dans l’après-midi du 11 février 1969, soit une demi-journée plus tôt que prévu, l’Agent du Gouvernement et les Délégués de la Commission ayant consenti à cette légère modification d’horaire. Elles se sont poursuivies le 12 février et se sont tenues à Strasbourg, au Palais des Droits de l’Homme.

Ont comparu devant la Cour:

- pour la Commission:

M. C.T. EUSTATHIADES, Délégué principal, et

MM. F. ERMACORA et J.E.S. FAWCETT, Délégués;

- pour le Gouvernement:

M. E. NETTEL, Legationsrat au

Ministère fédéral des Affaires Étrangères,

Agent, assisté de

M. W. PAHR, Chef du Département international

du Service constitutionnel de la Chancellerie fédérale,

et de

M. R. LINKE, Ministerialrat au

Ministère fédéral de la Justice, Conseils.

La Cour a entendu les uns et les autres en leurs déclarations et conclusions. Le 12 février 1969, elle a posé aux comparants plusieurs questions auxquelles ils ont répondu le jour même. La clôture des débats a été prononcée le 12 février à 17 heures 35.

10. Le 14 février 1969, la Cour a chargé le Greffier de recueillir auprès de l’Agent du Gouvernement des renseignements supplémentaires que celui-ci a fournis le 28 avril.

11. Après avoir délibéré en Chambre du Conseil, la Cour a rendu le présent arrêt.

EN FAIT

1. La demande de la Commission et la requête du Gouvernement ont pour objet de soumettre l’affaire Matznetter à la Cour, afin que celle-ci puisse décider si les faits de la cause révèlent ou non, de la part de la République d’Autriche, une violation des obligations qui lui incombent aux termes de l’article 5, paragraphes 3 et 4 (art. 5-3, art. 5-4), et de l’article 6, paragraphe 1 (art. 6-1), de la Convention.

2. Les faits de la cause, tels qu’ils ressortent du rapport de la Commission, du mémoire du Gouvernement, des autres documents produits et des déclarations orales des représentants respectifs de la Commission et du Gouvernement, peuvent se résumer ainsi:

3. M. Otto Matznetter, ressortissant autrichien né le 21 décembre 1921, a son domicile à Vienne. Incorporé dans l’armée allemande en septembre 1940, il fut blessé en novembre 1941 et tomba aux mains des forces soviétiques. Il subit en mars 1943, dans un camp de prisonniers, l’amputation de la jambe et de la moitié de la cuisse droites; il demeura en Union Soviétique jusqu’au mois d’août 1945. Libéré pour incapacité de travail, il regagna l’Autriche en septembre 1945. A la suite de son amputation et d’un refroidissement contracté pendant sa captivité, il souffre d’une affection du myocarde et d’une surdité complète de l’oreille droite; il perçoit une pension en qualité d’invalide de guerre à 80 %. Trois enfants sont issus de son mariage, célébré en 1946.

De retour en Autriche, le requérant y termina ses études. Il obtint notamment le grade académique de "Diplomkaufmann" (hautes études commerciales) et, en mars 1948, le diplôme de docteur ès sciences commerciales (Doktor der Handelswissenschaften). Peu de temps après, il se vit attribuer un poste à la Direction des Finances de la région de Vienne, de Basse-Autriche et du Burgenland. Dans l’exercice de ses fonctions, il fut appelé en 1951 à vérifier la compatibilité de la société Schiwitz et Cie.

Fondée en 1939 par MM. Fritz Schiwitz et Franz Knapitsch, cette société se livrait à l’achat et la revente de céréales, de farine, etc. En 1955, Fritz Schiwitz acquit la société "Arista Tierfutter und chemische Produkte" et en fit don à sa femme, Margarete Schiwitz. Celle-ci devint, en 1956, propriétaire de 80 % des parts de la société "Adolf Stögmüller", qui se consacrait à la fabrication et au négoce de produits alimentaires pour animaux, d’engrais, etc. Au début de 1957, la société "Arista Tierfutter und chemische Produkte" et la société "Adolf Stögmüller" créèrent avec Margarete Schiwitz les "Vereinigte Mischfutterwerke" (VMW). La société "Arista" se retira des VMW en 1962 et se transforma en une société anonyme, les "Arista-Mischfutterwerke", dont Margarete Schiwitz détenait toutes les actions. Comme quatre autres entreprises, dont la société "Arista-Graz", dépendaient elles aussi des époux Schiwitz à des degrés divers, on parlait couramment du "groupe Schiwitz" ("Schiwitz-Konzern").

Otto Matznetter, qui avait quitté la fonction publique en avril 1954, ouvrit un cabinet de conseiller fiscal le 1er janvier 1955. Sa nouvelle profession l’amena très vite à s’occuper des intérêts du groupe Schiwitz à titre de conseiller fiscal, économique et financier adjoint, puis principal; il fut nommé en outre fondé de pouvoir (Einzelprokurist) de la société "Schiwitz et Cie" (1960), gérant (Geschäftsführer) de la société "Arista-Graz" (1961) et président du Conseil d’administration des "Arista-Mischfutterwerke" (1963). Il paraît avoir joué en pratique, aux côtés de Margarete Schiwitz, un rôle prépondérant dans chacune des "entreprises Schiwitz". Il en...

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