MATTOCCIA v. ITALY

Judgment Date25 July 2000
ECLIECLI:CE:ECHR:2000:0725JUD002396994
Respondent StateItalia
Date25 July 2000
Application Number23969/94
CourtFirst Section (European Court of Human Rights)
CounselN/A
Applied Rules6;6-1;6-3-a;6-3-b;6-3;41
Official Gazette Publication[object Object]
<a href="https://international.vlex.com/vid/convenio-europeo-libertades-fundamentales-67895138">ECHR</a>





PREMIÈRE SECTION







AFFAIRE MATTOCCIA c. ITALIE


(Requête no 23969/94)












ARRÊT



STRASBOURG


25 juillet 2000



En l'affaire Mattoccia c. Italie,

La Cour européenne des Droits de l'Homme (première section), siégeant en une chambre composée de :

Mmes E. Palm, présidente,
W. Thomassen,
MM. R. Türmen,
J. Casadevall,
T. Panţîru,
R. Maruste, juges,
C. Russo, juge ad hoc,

et de M. M. O'Boyle, greffier de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil les 7 mars et 4 juillet 2000,

Rend l'arrêt que voici, adopté à cette dernière date :

PROCÉDURE

1. L'affaire a été déférée à la Cour, conformément aux dispositions qui s'appliquaient avant l'entrée en vigueur du Protocole nº 11 à la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »), par le gouvernement italien (« le Gouvernement ») le 30 décembre 1998 (article 5 § 4 du Protocole nº 11 et anciens articles 47 et 48 de la Convention). A son origine se trouve une requête (nº 23969/94) dirigée contre la République italienne et dont un ressortissant de cet Etat, M. Massimiliano Mattoccia (« le requérant »), avait saisi la Commission européenne des Droits de l'Homme (« la Commission ») le 22 mai 1993, en vertu de l'ancien article 25 de la Convention.

2. Le requérant a été admis au bénéfice de l'assistance judiciaire. Désigné par les initiales M.M. devant la Commission, il a consenti ultérieurement à la divulgation de son identité.

3. Le requérant alléguait la violation de son droit à un procès équitable dans un délai raisonnable.

4. La Commission a déclaré la requête en partie recevable le 21 mai 1997. Dans son rapport du 17 septembre 1998 (ancien article 31 de la Convention)0, elle formule l'avis qu'il y a eu violation de l'article 6 § 1 de la Convention en raison de la durée de la procédure (unanimité) et de l'article 6 §§ 1 et 3 quant à l'équité de la procédure (vingt-cinq voix contre sept).

5. Le 14 janvier 1999, un collège de la Grande Chambre a décidé que l'affaire devait être examinée par une chambre constituée au sein de l'une des sections de la Cour.

6. Le président de la Cour, M. L. Wildhaber, a attribué l'affaire à la première section (article 52 § 1 du règlement). Au sein de celle-ci, la chambre chargée d'examiner l'affaire (article 27 § 1 de la Convention) a été constituée conformément à l'article 26 § 1 du règlement. A la suite du déport de M. B. Conforti, juge élu au titre de l'Italie (article 28 du règlement), le Gouvernement a désigné M. C. Russo pour siéger en qualité de juge ad hoc (articles 27 § 2 de la Convention et 29 § 1 du règlement).

7. Tant le requérant que le Gouvernement ont déposé des observations écrites sur le fond de l'affaire (article 59 § 1 du règlement).

8. Une audience s'est déroulée en public au Palais des Droits de l'Homme, à Strasbourg, le 7 mars 2000 (article 59 § 2 du règlement).


Ont comparu :


pour le Gouvernement

M. V. Esposito, magistrat détaché

au service du contentieux diplomatique

du ministère des Affaires étrangères, coagent ;


pour le requérant

Me P. Pagliarella, avocate au barreau de Frosinone, conseil.


La Cour les a entendus en leurs déclarations.

EN FAIT

I. LES CIRCONSTANCES DE L'ESPÈCE

9. En 1985, le requérant fut affecté par son employeur au poste de chauffeur d'autocar auprès d'une école de Rome accueillant des enfants handicapés ; il était chargé, le matin, de conduire les enfants de leur domicile à l'école, et de les ramener chez eux l'après-midi. Il était toujours accompagné d'une assistante sociale.

10. Le 22 novembre 1985, la mère de R., une jeune fille handicapée mentale née en 1964, élève de l'école susmentionnée, sollicita l'aide d'une assistante sociale, C.T., parce qu'elle avait le sentiment que R. avait été violée ou sodomisée dans l'établissement scolaire par une personne prénommée « Massimo ». R. refusait de retourner à l'école depuis le 11 novembre 1985. Le 23 novembre 1985, la mère de R., accompagnée de C.T., emmena sa fille chez une gynécologue. Celle-ci n'examina pas l'intéressée mais, ayant appris par la mère ce qui était arrivé, recommanda de faire examiner la jeune fille par un médecin du département de médecine légale. Le 25 novembre, R. subit donc un examen médical ; toutefois, le médecin ne constata aucune trace récente ou ancienne de viol ou de sodomie.

11. Le 22 novembre 1985, la mère invita également la directrice de l'école précitée à demander à un employé prénommé Massimo de fournir des explications, mais la directrice s'y refusa.

12. Le même jour, la mère déposa une plainte pénale contre « une personne prénommée Massimo » ; elle indiqua à la police de Rome qu'une vingtaine de jours plus tôt, elle avait remarqué que sa fille semblait souffrir et se rendait très fréquemment aux toilettes ; R. s'était expliquée à ce sujet en lui disant : « c'était Massimo » (« è stato Massimo »). Quelques jours plus tard, la mère de R. avait appris par l'une de ses amies, C.D., qu'un jour R. lui avait confié qu'un certain Massimo l'avait sodomisée de force dans les sanitaires de l'école.

13. La police interrogea R. en présence de sa mère ; la jeune fille déclara qu'environ un mois plus tôt, alors qu'elle se trouvait dans les sanitaires situés au deuxième étage de l'école, « Massimo » lui avait dit de s'allonger sur un petit lit et l'avait sodomisée.

14. La police interrogea alors C.D., qui déclara qu'environ un mois plus tôt, alors qu'elle se trouvait dans l'appartement de la mère de R., elle avait remarqué que la jeune fille était très silencieuse ; après quelques hésitations, R. lui avait confié, en présence de sa sœur A. et d'une autre amie, M.P., que « Massimo » avait abusé d'elle sexuellement, qu'il lui avait fait mal et qu'il l'avait menacée.

15. La police interrogea ensuite le directeur de l'entreprise chargée d'organiser le ramassage scolaire. Celui-ci indiqua que le car scolaire était conduit par le requérant.

16. Le 14 décembre 1985, la police déposa une plainte pénale contre le requérant auprès du parquet de Rome. Une enquête préliminaire fut ouverte.

17. Le 29 janvier 1986, le procureur décida de convoquer le 13 février 1986 R. et sa mère, ainsi que C.D. et C.T., en qualité de témoins. La mère de R. déclara qu'elle n'avait signalé le viol aux autorités qu'une quinzaine de jours après qu'il eut été commis parce que sa fille s'était confiée à l'une de ses amies et non à elle directement, et que son propre père était décédé au cours de cette période. Elle indiqua toutefois avoir remarqué que sa fille souffrait et lui avoir donné des antalgiques. Elle affirma que sa fille avait refusé de retourner à l'école après le viol et qu'elle-même ne l'y avait plus envoyée. Elle ajouta toutefois que pendant environ une semaine après le viol sa fille « une fois rentrée, ne parlait pas, refusait de manger, et allait

immédiatement se coucher ». Elle déclara qu'elle n'avait pas revu « Massimo » depuis ce jour parce qu'il avait demandé à être remplacé par un autre chauffeur à partir du lendemain du viol. Elle ajouta avoir constaté par elle-même qu'il y avait un lit dans les sanitaires du deuxième étage de l'école.

18. Le 17 février 1986, le requérant reçut la notification officielle (comunicazione giudiziaria) de l'allégation selon laquelle il avait commis « l'infraction visée à l'article 519 du code pénal, en ce qu'il avait contraint R., handicapée mentale, à avoir des rapports sexuels avec lui, à Rome, en novembre 1985 » (« del reato di cui all'articolo 519 c.p. per aver costretto R. malata di mente a congiungersi carnalmente con lui. In Roma, nel novembre 1985 »). Le 19 février 1986, le requérant désigna son avocat.

19. Le 11 avril 1986, la directrice de l'école fut citée à comparaître en qualité de témoin devant le procureur le 29 avril 1986. Elle reconnut que la mère de la victime lui avait signalé le viol, mais prétendit qu'elle n'avait pas jugé son récit plausible, parce qu'il n'y avait pas de lit dans les sanitaires et que tous les enfants étaient accompagnés lorsqu'ils se rendaient aux toilettes ou dans les salles de thérapie du troisième étage (qui, elles, comportaient des lits). Elle ajouta que le requérant n'avait pas pour habitude d'entrer dans l'établissement et n'aurait eu aucune raison de se trouver au troisième étage ; en outre, il avait été affecté à un nouveau poste en janvier 1986.

20. Le 30 septembre 1986, le requérant fut interrogé par le procureur de Latina en présence de son avocat. Il clama son innocence. Il souligna qu'au moins vingt personnes se trouvaient toujours dans l'autocar et qu'il avait toujours rencontré R. en présence de l'assistante sociale.

21. Le 23 octobre 1986, le requérant fut renvoyé en jugement devant le tribunal de Rome ; il fut inculpé de « l'infraction visée à l'article 519 du code pénal, en ce qu'il avait contraint R., handicapée mentale, à avoir des rapports sexuels avec lui, à Rome, en novembre 1985 ».

22. Le 25 septembre 1989, l'avocat du requérant demanda à consulter le dossier de l'accusation.

23. A la demande du requérant, présentée le 25 novembre 1989, le tribunal de Rome fixa au 19 mai 1990 la date de la première audience dans l'affaire. Lors de cette audience, l'intéressé clama son innocence et répéta qu'il ne s'était jamais trouvé seul avec R. car il y avait toujours eu une vingtaine de personnes, y compris l'assistante sociale, dans l'autocar. Il expliqua que son travail de chauffeur se terminait lorsqu'il arrivait à l'école ; il y retournait ensuite à 16 heures...

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