JACUBOWSKI v. GERMANY

Judgment Date23 June 1994
ECLIECLI:CE:ECHR:1994:0623JUD001508889
Respondent StateGermany
Date23 June 1994
Application Number15088/89
CourtChamber (European Court of Human Rights)
CounselN/A
Applied Rules10;10-1;10-2
Official Gazette Publication[object Object]
<a href="https://international.vlex.com/vid/convenio-europeo-libertades-fundamentales-67895138">ECHR</a>

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MALONE v. THE UNITED KINGDOM JUGDMENT





COUR (CHAMBRE)







AFFAIRE JACUBOWSKI c. ALLEMAGNE


(Requête no15088/89)










ARRÊT




STRASBOURG


23 juin 1994


En l’affaire Jacubowski c. Allemagne,

La Cour européenne des Droits de l’Homme, constituée, conformément à l’article 43 (art. 43) de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales ("la Convention") et aux clauses pertinentes de son règlement, en une chambre composée des juges dont le nom suit:

MM. R. Ryssdal, président,

R. Bernhardt,

B. Walsh,

R. Macdonald,

R. Pekkanen,

M.A. Lopes Rocha,

L. Wildhaber,

G. Mifsud Bonnici,

D. Gotchev,

ainsi que de MM. M.-A. Eissen, greffier, et H. Petzold, greffier adjoint,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil les 24 novembre 1993 et 26 mai 1994,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette dernière date:

PROCEDURE

1. L’affaire a été déférée à la Cour par le gouvernement de la République fédérale d’Allemagne ("le Gouvernement") puis par la Commission européenne des Droits de l’Homme ("la Commission"), les 19 février et 12 mars 1993, dans le délai de trois mois qu’ouvrent les articles 32 par. 1 et 47 (art. 32-1, art. 47) de la Convention. A son origine se trouve une requête (nº 15088/89) dirigée contre l’Allemagne et dont un ressortissant de cet Etat, M. Manfred Jacubowski, avait saisi la Commission le 11 avril 1989 en vertu de l’article 25 (art. 25).

La requête du Gouvernement renvoie aux articles 32 et 48 (art. 32, art. 48), la demande de la Commission aux articles 44 et 48 (art. 44, art. 48) ainsi qu’à la déclaration allemande reconnaissant la juridiction obligatoire de la Cour (article 46) (art. 46). Elles ont pour objet d’obtenir une décision sur le point de savoir si les faits de la cause révèlent un manquement de l’Etat défendeur aux exigences de l’article 10 (art. 10) de la Convention.

2. En réponse à l’invitation prévue à l’article 33 par. 3 d) du règlement, le requérant a manifesté le désir de participer à l’instance et a désigné son conseil (article 30), que le président a autorisé à employer la langue allemande (article 27 par. 3 du règlement).

3. La chambre à constituer comprenait de plein droit M. R. Bernhardt, juge élu de nationalité allemande (article 43 de la Convention) (art. 43), et M. R. Ryssdal, président de la Cour (article 21 par. 3 b) du règlement). Le 27 février 1993, M. Bernhardt, vice-président, a tiré au sort le nom des sept autres membres, à savoir MM. B. Walsh, R. Macdonald, R. Pekkanen, M.A. Lopes Rocha, L. Wildhaber, G. Mifsud Bonnici et D. Gotchev, en présence du greffier (articles 43 in fine de la Convention et 21 par. 4 du règlement) (art. 43).

4. En sa qualité de président de la chambre (article 21 par. 5 du règlement), M. Ryssdal a consulté par l’intermédiaire du greffier adjoint l’agent du Gouvernement, l’avocat du requérant et le délégué de la Commission au sujet de l’organisation de la procédure (articles 37 par. 1 et 38). Conformément à l’ordonnance rendue en conséquence, le greffier a reçu le mémoire du Gouvernement le 16 juillet 1993 et celui du requérant le 19. Le 30, le secrétaire adjoint de la Commission l’a informé que le délégué s’exprimerait à l’audience.

5. Le 14 septembre 1993, la Commission a produit le dossier de la procédure suivie devant elle; le greffier l’y avait invitée sur les instructions du président.

6. Ainsi qu’en avait décidé ce dernier - qui avait également autorisé les représentants du Gouvernement à plaider en allemand (article 27 par. 2 du règlement) -, les débats se sont déroulés en public le 22 novembre 1993, au Palais des Droits de l’Homme à Strasbourg. La Cour avait tenu auparavant une réunion préparatoire.

Ont comparu:

- pour le Gouvernement

MM. J. Meyer-Ladewig, Ministerialdirigent,

ministère fédéral de la Justice, agent,

A. von Mühlendahl, Ministerialrat,

ministère fédéral de la Justice, conseiller;

- pour la Commission

M. J.A. Frowein, délégué;

- pour le requérant

Mes W. Meilicke, avocat, conseil,

T. Heidel, avocat, conseiller.

La Cour a entendu en leurs déclarations M. Meyer-Ladewig, M. von Mühlendahl, M. Frowein et Me Meilicke, ainsi que des réponses à ses questions.



EN FAIT

7. M. Manfred Jacubowski réside à Bonn et exerce la profession de journaliste. A l’époque, il travaillait comme rédacteur en chef d’une agence de presse exploitée par une société commerciale, la Deutsche Depeschendienst GmbH, dont il était associé, cofondateur et gérant. Elle déposa son bilan (Eröffnung des Konkursverfahrens) le 31 mars 1983. Une nouvelle société, la Deutsche Depeschendienst AG ("la ddp"), fut ensuite créée; le 3 mai 1983, il en devint administrateur (Vorstand) unique et rédacteur en chef.

8. Peu de temps après, il engagea deux séries de procédures. Par la première (A), il dénonçait son licenciement et par la seconde (B), il réclamait le droit de répondre à un communiqué de presse de son employeur. Presque au même moment, il fit l’objet d’une troisième instance (C) introduite en vertu de la loi du 7 juin 1909 contre la concurrence déloyale (Gesetz gegen den unlauteren Wettbewerb - "la loi de 1909").

A. Le licenciement du requérant

9. Pour des raisons tenant à la gestion financière du requérant, le conseil de surveillance (Aufsichtsrat) de la ddp le démit sans préavis de toutes ses fonctions le 17 juillet 1984. Le 25 août, il lui adressa une nouvelle lettre de licenciement au motif qu’il aurait fourni des renseignements confidentiels à des tiers. M. Jacubowski contesta la validité de ce dernier congédiement, lequel fut confirmé le 12 octobre. Une autre lettre de licenciement lui fut expédiée le 28 octobre, après qu’il eut envoyé aux milieux professionnels, le 25 septembre, une lettre circulaire accompagnée d’articles de journaux (paragraphe 14 ci-dessous). Un dernier avis de licenciement, reposant sur de nouveaux motifs, lui fut adressé le 12 février 1985.

10. Au terme d’une procédure judiciaire engagée par l’intéressé, la cour d’appel (Oberlandesgericht) de Cologne constata le 11 octobre 1988 qu’il avait été valablement licencié le 28 octobre 1984.

D’après elle, il fallait voir dans la diffusion de la lettre circulaire et des coupures de presse un manquement si grave au devoir de loyauté de M. Jacubowski qu’il était impossible pour l’employeur de maintenir son contrat; on ne pouvait d’ailleurs pas raisonnablement l’escompter. En envoyant à un grand nombre de confrères influents des articles de journaux et en endossant dans la lettre circulaire les propos objectivement négatifs qu’ils renfermaient sur la compétence et la situation commerciale de la ddp, M. Jacubowski avait sciemment couru le risque de nuire sévèrement à la société; de tels agissements étaient inacceptables de la part d’un cadre supérieur et ne pouvaient donc pas s’autoriser du droit constitutionnel à la liberté d’expression.

De surcroît, il ne ressortait pas de la lettre circulaire qu’elle eût pour principal objectif de défendre la réputation et l’honneur du requérant; elle ne renvoyait nullement aux allégations de la ddp et n’avançait aucun argument tendant à disculper M. Jacubowski. Son dernier paragraphe montrait clairement que cet envoi avait eu pour seule finalité de diffuser des remarques défavorables sur l’ancien employeur de l’intéressé et d’établir des contacts avec les destinataires.

11. M. Jacubowski attaqua cet arrêt devant la Cour fédérale de Justice (Bundesgerichtshof) et la Cour constitutionnelle fédérale (Bundesverfassungsgericht), mais elles écartèrent ses recours respectivement les 26 juin et 25 octobre 1989 au motif qu’ils n’avaient aucune chance d’aboutir.

B. La réponse du requérant au communiqué de presse de son employeur

12. Entre-temps, l’agence avait publié le 16 août 1984 un communiqué de presse relatif à sa propre restructuration. Elle y critiquait aussi en ces termes la gestion du requérant:

"(...) après que la S.A.R.L. [société à responsabilité limitée] (...) eut déposé son bilan le 31 mars 1983, la S.A. [société anonyme] D. - toujours dirigée par Manfred Jacubowski - démarra le 20 avril 1983 avec un capital d’un million de marks allemands. Les pratiques commerciales inchangées de Jacubowski et son comportement inadéquat envers la clientèle, d’une part, ainsi que l’absence de direction efficace et fiable de la rédaction, de l’autre, compromirent les chances de relance et provoquèrent même la perte de clients. Jusqu’au printemps dernier, Jacubowski trompa le conseil de surveillance sur des éléments essentiels de cette évolution. Par exemple, des dettes du temps de la S.A.R.L. furent imputées à la S.A., ce qui précipita l’agence D. dans de nouvelles difficultés financières. Seule l’intervention rapide de l’ancien responsable de la trésorerie et de la comptabilité, l’actuel directeur K., put limiter les dégâts, en sorte qu’aujourd’hui D. a retrouvé des bases économiques solides. Le 17 juillet - date de l’assemblée générale - Jacubowski fut licencié sans préavis en raison de son incompétence économique (...) K. fut nommé administrateur unique (...)"

13. Les 29 août et 4 septembre 1984, l’intéressé invita la ddp à publier sa réponse (Gegendarstellung) au communiqué, mais en vain. Il sollicita alors une ordonnance de...

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