HENRA v. FRANCE

Judgment Date29 April 1998
ECLIECLI:CE:ECHR:1998:0429JUD003631397
Respondent StateFrance
Date29 April 1998
Application Number36313/97
CourtChamber (European Court of Human Rights)
Applied Rules6;6-1;41
Official Gazette Publication[object Object]
CASE OF FINDLAY V





AFFAIRE HENRA c. FRANCE


CASE OF HENRA v. FRANCE


(110/1997/894/1106)





ARRÊT/JUDGMENT


STRASBOURG



29 avril/April 1998



Cet arrêt peut subir des retouches de forme avant la parution de sa version définitive dans le Recueil des arrêts et décisions 1998, édité par Carl Heymanns Verlag KG (Luxemburger Straße 449, D-50939 Cologne) qui se charge aussi de le diffuser, en collaboration, pour certains pays, avec les agents de vente dont la liste figure au verso.


The present judgment is subject to editorial revision before its reproduction in final form in Reports of Judgments and Decisions 1998. These reports are obtainable from the publisher Carl Heymanns Verlag KG (Luxemburger Straße 449, D-50939 Köln), who will also arrange for their distribution in association with the agents for certain countries as listed overleaf.


Liste des agents de vente/List of Agents



Belgique/Belgium: Etablissements Emile Bruylant (rue de la Régence 67,

B-1000 Bruxelles)


Luxembourg: Librairie Promoculture (14, rue Duchscher

(place de Paris), B.P. 1142, L-1011 Luxembourg-Gare)


Pays-Bas/The Netherlands: B.V. Juridische Boekhandel & Antiquariaat

A. Jongbloed & Zoon (Noordeinde 39, NL-2514 GC

La Haye/’s-Gravenhage)

SOMMAIRE0

Arrêt rendu par une chambre

France – durée d'une procédure en réparation intentée par un mineur infecté par le virus du sida dès sa naissance, au cours de laquelle un règlement amiable est intervenu devant la Commission

I. Article 6 § 1 de la Convention

A. Exception préliminaire du Gouvernement (irrecevabilité de la requête en raison du règlement amiable conclu devant la Commission au sujet d'une première requête portant sur la durée de la même procédure)

Exception non soulevée au stade de l'examen de la recevabilité par la Commission – forclusion.

Conclusion : rejet (unanimité).

B. Bien-fondé du grief

1. Période à considérer

Point de départ : lendemain de l’adoption du rapport de la Commission constatant la conclusion du règlement amiable.

Fin : procédure encore pendante.

Résultat : deux ans et plus de sept mois.

2. Caractère raisonnable de la durée de la procédure

Complexité de l'affaire : oui dans une certaine mesure, mais les données permettant de trancher la question de la responsabilité de l'Etat étaient disponibles depuis longtemps.

Comportement du requérant : n'a été à l'origine d'aucun retard.

Comportement des autorités nationales : enjeu de la procédure revêtant une importance extrême pour le requérant, séropositif dès sa naissance, et exigeant une diligence exceptionnelle, nonobstant le nombre de litiges à traiter – une durée de plus de deux ans et sept mois après l’adoption du rapport de la Commission entérinant un règlement amiable sans qu’une décision définitive ne soit encore intervenue alors que la procédure avait déjà duré cinq ans et deux mois jusqu’à la conclusion dudit règlement dépasse largement le délai raisonnable pour une affaire d’une telle nature.

Conclusion : violation (unanimité).

II. Article 50 de la Convention

A. Dommage moral

Accueil de la demande en entier.

B. Frais et dépens

Remboursement intégral.

Conclusion : Etat défendeur tenu de payer certaines sommes au requérant (unanimité).

RÉFÉRENCES À LA JURISPRUDENCE DE LA COUR

31.3.1992, X c. France ; 26.4.1994, Vallée c. France ; 26.8.1994, Karakaya c. France ; 22.4.1998, Pailot c. France ; 22.4.1998, Richard c. France


En l'affaire Henra c. France0,

La Cour européenne des Droits de l'Homme, constituée, conformément à l'article 43 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention ») et aux clauses pertinentes de son règlement A0 , en une chambre composée des juges dont le nom suit :

MM. R. Bernhardt, président,

L.-E. Pettiti,

N. Valticos,

A.N. Loizou,

L. Wildhaber,

P. Jambrek,

E. Levits,

T. Pantiru,

V. Toumanov,

ainsi que de MM. H. Petzold, greffier, et P.J. Mahoney, greffier adjoint,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil les 31 mars et 22 avril 1998,

Rend l'arrêt que voici, adopté à cette dernière date :

PROCÉDURE

1. L'affaire a été déférée à la Cour par la Commission européenne des Droits de l'Homme (« la Commission ») le 11 décembre 1997, dans le délai de trois mois qu'ouvrent les articles 32 § 1 et 47 de la Convention. A son origine se trouve une requête (n° 36313/97) dirigée contre la République française et dont un ressortissant de cet Etat, M. Mathieu Henra, avait saisi la Commission le 21 mai 1997 en vertu de l'article 25.

La demande de la Commission renvoie aux articles 44 et 48 ainsi qu'à la déclaration française reconnaissant la juridiction obligatoire de la Cour (article 46). Elle a pour objet d'obtenir une décision sur le point de savoir si les faits de la cause révèlent un manquement de l'Etat défendeur aux exigences de l’article 6 § 1 de la Convention.

2. En réponse à l'invitation prévue à l'article 33 § 3 d) du règlement A, le requérant a exprimé le désir de participer à l'instance et a désigné son conseil, Me J.-A. Blanc, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation (article 30).

3. Le 31 janvier 1998, le vice-président de la Cour a estimé qu'il y avait lieu, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, de constituer une chambre unique pour l'examen de la présente cause et de l’affaire Leterme c. France0 (article 21 § 7 du règlement A).

4. La chambre à constituer de la sorte comprenait de plein droit
M. L.-E. Pettiti, juge élu de nationalité française (article 43 de la Convention), et M. R. Bernhardt, vice-président de la Cour (article 21 § 4 b) du règlement A). Le 31 janvier 1998, en présence du greffier, M. Bernhardt a tiré au sort le nom des sept autres membres, à savoir MM. N. Valticos, A.N. Loizou, L. Wildhaber, P. Jambrek, E. Levits, T. Pantiru et V. Toumanov (articles 43
in fine de la Convention et 21 § 5 du règlement A).

5. En sa qualité de président de la chambre (article 21 § 6 du règlement A), M. Bernhardt a consulté, par l'intermédiaire du greffier adjoint, l'agent du gouvernement français (« le Gouvernement »), M. Y. Charpentier, le conseil du requérant et le délégué de la Commission, M. J.-C. Geus, au sujet de l'organisation de la procédure (articles 37 § 1 et 38). Conformément à l'ordonnance rendue en conséquence, le greffier a reçu les mémoires du requérant et du Gouvernement les 16 janvier et 5 février 1998 respectivement.

6. Eu égard aux avis exprimés par le requérant, le Gouvernement et le délégué de la Commission, et convaincue du respect de la condition fixée pour déroger à sa procédure habituelle (articles 26 et 38 du règlement A), la chambre avait décidé de ne pas tenir d'audience en l'espèce et M. Bernhardt avait autorisé le requérant et le Gouvernement à formuler des observations sur la teneur de leurs mémoires respectifs.

7. Les 16 février et 3 mars 1998 respectivement, le représentant du requérant et le Gouvernement ont informé le greffier qu’ils n’entendaient pas déposer de mémoires supplémentaires. Le 13 mars 1998, le délégué de la Commission a présenté ses observations écrites.

8. Entre-temps, le 16 février 1998, la Commission avait fourni le dossier de la procédure suivie devant elle, comme le greffier le lui avait demandé sur les instructions du président de la chambre.


EN FAIT

I. LES CIRCONSTANCES DE L'ESPÈCE

9. Ressortissant français né en 1986, M. Mathieu Henra, mineur, est représenté par sa tutrice testamentaire et agit en son nom propre et en tant qu’unique héritier de son père et de sa mère.

Le père du requérant, né en 1955, était hémophile et a été fréquemment perfusé. Il a épousé le 20 avril 1985 la mère du requérant. A l'occasion de la grossesse, un test pratiqué sur la mère a révélé en août 1986 qu'elle était séropositive. Le test pratiqué par la suite sur le père a révélé que lui aussi était séropositif. A la naissance, le requérant était également séropositif.

A. Les recours en réparation

1. Le recours administratif

10. Le 16 juillet 1990, trois demandes préalables d'indemnisation furent adressées au ministre de la Solidarité, de la Santé et de la Protection sociale au nom du père du requérant, de sa mère, et en son nom propre, tendant à se voir accorder une indemnité en réparation des troubles de toute nature subis du fait de leur contamination. Ces demandes furent rejetées le 1er octobre 1990.

2. Le recours contentieux

a) Devant le tribunal administratif de Paris

11. Le 6 décembre 1990, les parents du requérant saisirent le tribunal administratif de Paris de trois requêtes, tendant à l’octroi d’indemnités en compensation du préjudice provoqué par la carence de l’Etat à prendre les mesures propres à éviter la contamination par le VIH.

12. Le ministre de la Santé présenta ses mémoires en défense respectivement les 12 février et 13 mars 1991. Les mémoires en réplique furent déposés le 8 juillet 1991.

13. Le 22 avril 1992, le tribunal administratif rendit un jugement avant dire droit énonçant que « la responsabilité de l'Etat est engagée à l'égard des personnes atteintes d'hémophilie et qui ont été contaminées par le VIH à l'occasion de la transfusion de produits sanguins non chauffés, pendant la période de responsabilité susdéfinie, soit entre le 12 mars et le 1er octobre 1985 » et « (...) qu'il y a lieu, pour le tribunal administratif, de condamner l'Etat à réparer l'intégralité du préjudice ».

Le...

To continue reading

Request your trial

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT