EUSKO ABERTZALE EKINTZA – ACCION NACIONALISTA VASCA (EAE-ANV) v. SPAIN

Judgment Date15 January 2013
ECLIECLI:CE:ECHR:2013:0115JUD004095909
Respondent StateEspaña
Date15 January 2013
Application Number40959/09
CourtThird Section (European Court of Human Rights)
CounselROUGET D. ; ARAIZ FLAMARIQUE A. ; IRUN SANZ I. ; AIARTZA AZARTZA U.
Applied Rules11;11-1;11-2
<a href="https://international.vlex.com/vid/convenio-europeo-libertades-fundamentales-67895138">ECHR</a>





TROISIÈME SECTION






AFFAIRE EUSKO ABERTZALE EKINTZA –

ACCION NACIONALISTA VASCA (EAE-ANV) c. ESPAGNE (No 2)


(Requête no 40959/09)






ARRÊT




STRASBOURG


15 janvier 2013


DÉFINITIF


15/04/2013


Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

En l’affaire Eusko Abertzale Ekintza – Acción Nacionalista Vasca (EAE-ANV) c. Espagne (no 2),

La Cour européenne des droits de l’homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :

Josep Casadevall, président,
Alvina Gyulumyan,
Corneliu Bîrsan,
Ján Šikuta,
Luis López Guerra,
Nona Tsotsoria,
Kristina Pardalos, juges,
et de Marialena Tsirli,
greffière adjointe de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 11 décembre 2012,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1. A l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 40959/09) dirigée contre le Royaume d’Espagne et dont un parti politique, Eusko Abertzale Ekintza – Acción Nacionalista Vasca (EAE-ANV) (« le parti requérant »), a saisi la Cour le 24 juillet 2009 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

2. Le parti requérant a été représenté par Me D. Rouget, avocat à Saint‑Jean-de-Luz, Me A. Araiz Flamarique, avocat à Pampelune, et Mes I. Iruin Sanz et U. Aiartza Azurtza, avocats à Guipúzcoa. Le gouvernement espagnol (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent, M. F. Irurzun Montoro, avocat de l’État.

3. Sur le terrain des articles 10 et 11 de la Convention, le parti requérant allègue en particulier que sa dissolution a emporté violation de ses droits à la liberté d’expression et à la liberté d’association.

4. Le 5 juillet 2011, la requête a été communiquée au Gouvernement. Comme le permet l’article 29 § 1 de la Convention, il a en outre été décidé que la chambre se prononcerait en même temps sur la recevabilité et sur le fond de l’affaire.

EN FAIT

I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

5. Le requérant, Eusko Abertzale Ekintza – Acción Nacionalista Vasca (« EAE-ANV »), est un parti politique basque.

A. La genèse de l’affaire

1. Histoire du parti requérant jusqu’à la transition démocratique et jusqu’à son intégration dans la coalition électorale Herri Batasuna

6. Le parti requérant fut créé en tant que parti politique le 30 novembre 1930, à Bilbao. Son idéologie se fondait en particulier sur l’affirmation de la spécificité d’Euskal Herria (Pays basque) et de son droit de décider librement de son avenir.

7. Lorsque la Seconde République fut proclamée en Espagne le 14 avril 1931, le parti requérant milita et fit campagne en faveur de l’adoption d’un statut d’autonomie pour le Pays basque. Le 5 novembre 1933, le Parlement espagnol approuva par un vote le statut d’autonomie.

8. En décembre 1976, après la mort du Général Franco, se tint le deuxième congrès du parti. Il avait pour objectif la réorganisation du parti, avec comme orientation la reconnaissance de la personnalité juridico-politique du Pays basque, l’existence d’une unité nationale basque de sept provinces et l’exercice du droit à l’autodétermination dans un cadre de libertés démocratiques. Il fut ainsi décidé que le parti requérant userait de tous les moyens à sa disposition pour que le Pays basque disposât d’un parti socialiste et abertzale (patriote).

9. Le parti requérant commença à exister légalement le 14 avril 1977 avec l’instauration de la démocratie. En juin 1977, il participa aux élections générales au Parlement espagnol. Aucun de ses candidats ne fut élu.

10. Lors du quatrième congrès du parti, le 17 décembre 1978, il fut décidé de renforcer le mouvement d’Unité populaire, Herri Batasuna (Herri Batasuna et Batasuna c. Espagne, nos 25803/04 et 25817/04, CEDH 2009), conjointement avec d’autres partis nationalistes de gauche et des personnalités individuelles. Le parti requérant soutint la formation de Herri Batasuna dès le début, tout en soulignant les divergences politiques existant entre les deux formations, mais sans cesser de réitérer son soutien à l’unité nationaliste de gauche.

2. L’inscription d’EAE-ANV au registre des partis politiques et ses statuts de 1977

11. Dans les statuts enregistrés en 1977 par le parti politique requérant figurent les indications suivantes : « EAE-ANV est depuis 1930 un parti politique patriotique, à but non lucratif, qui prend en compte des valeurs historiques et traditionnelles des peuples circonvoisins et dont les objectifs sont l’obtention de l’autonomie pour le Pays basque et la constitution, par une action résolue, d’une société équilibrée, démocratique, la plus juste possible et non violente ». Pour parvenir à ces buts, « EAE-ANV (...) s’efforcera, par tout moyen légal possible, de parvenir à toute finalité susceptible de bénéficier au peuple basque, à Euskadi et ses gens, à sa personnalité propre et à son développement ». Le parti requérant fut inscrit au registre des partis politiques du ministère de l’Intérieur.

12. Se fondant sur la loi no 43/1998 du 15 décembre 1998 sur les mesures de restitution ou de compensation en faveur des partis politiques pour les biens et les droits qui leur avaient été retirés en application de la réglementation sur les responsabilités politiques pour la période 1936-1939, le parti requérant réclama au gouvernement espagnol le versement de divers montants concernant plusieurs immeubles et comptes bancaires dont il avait été propriétaire ou titulaire pendant cette période. Il obtint partiellement gain de cause et perçut de l’État un montant global de 695 901,37 euros (EUR) en 2001 et 2003.

13. Lors de son dixième congrès, qui eut lieu le 1er juin 2002, le parti requérant entérina sa décision de ne pas faire partie des structures de Batasuna. Il inscrivit ainsi ses activités de manière autonome et indépendante dans l’espace politique de la gauche abertzale.

Dans ce contexte, par une décision du 28 avril 2007 rendue dans le cadre de la procédure pénale no 35/2002 dans laquelle la partie demanderesse Asociación dignidad y justicia sollicitait la suspension du parti requérant en raison de ses liens avec Batasuna, le juge central d’instruction no 5 rejeta la demande de suspension « en raison de l’absence de liens avec l’ETA-Batasuna ». Il s’exprima dans les termes suivants :

« a) ANV n’a été ni créé ni dirigé par l’ETA avant 2001, bien que, puisqu’il faisait partie de la coalition Herri Batasuna (l’un de ses membres était aussi membre de la direction nationale), il aurait pu être instrumentalisé indirectement par l’organisation [ETA], mais il n’y a pas d’indices dans ce sens autres que ceux déjà examinés dans cette procédure.

b) ANV n’a pas été soumis à la discipline de l’ETA après 2001 et ne l’est toujours pas, malgré certaines coïncidences ponctuelles dans des objectifs communs (soutien à des thèses électorales de Batasuna, hommages à des militants de l’ETA, opposition à la déclaration d’illégalité ou à la [loi organique sur les partis politiques], etc.), qui ne sont pas suffisantes pour permettre de soutenir sérieusement le contraire.

c) Sous réserve de ce qui pourrait résulter d’investigations ultérieures, ANV n’est pas, à ce jour, un instrument de l’ETA-Batasuna, mais un parti politique légal, avec des structures et des activités qui existent réellement et qui fonctionnent, et il ne ressort pas du dossier que ces dernières aient été « phagocytées » par d’autres structures ou organisations illégales.

d) Il s’agit d’une formation politique de la gauche abertzale, mais non de la gauche abertzale telle qu’elle a été interprétée et « définie » par l’ETA et Batasuna avec une prétention d’exclusivité, ce qui contredit la réalité de la gauche abertzale à laquelle appartiennent de multiples organisations politiques autres [que l’ETA et Batasuna]. »

14. Par une autre décision du 8 février 2008 rendue contre certains individus dans le cadre d’une autre procédure no 4/2008 entamée pour délits présumés d’intégration d’une organisation terroriste et de collaboration avec un groupe terroriste, le juge central d’instruction prononça, parmi d’autres mesures, la suspension du parti requérant pour une période de trois ans comme l’avait sollicité le ministère public, la clôture de ses locaux et l’interdiction de présenter des candidatures dans les divers scrutins électoraux – y compris les élections législatives générales du 9 mars 2008 – en raison de ses liens avec Batasuna/ETA.

3. La loi organique no 6/2002 du 27 juin 2002 portant sur les partis politiques, et la procédure de dissolution des partis politiques Batasuna, Herri Batasuna et Euskal Herritarrok

15. Le 27 juin 2002, le Parlement espagnol adopta la loi organique no 6/2002 sur les partis politiques (« la LOPP »). Cette loi entra en vigueur le lendemain.

16. Par un arrêt du 27 mars 2003, le Tribunal suprême déclara illégaux les partis politiques Batasuna, Herri Batasuna et Euskal Herritarrok, et prononça leur dissolution au motif qu’ils avaient enfreint la LOPP. Un arrêt du 16 janvier 2004 du Tribunal constitutionnel rejeta les recours d’amparo présentés par les formations citées (Herri Batasuna et Batasuna, précité).

17. La procédure de dissolution des trois partis cités ci-dessus ne concernait pas le parti requérant.

B. L’annulation de certaines candidatures présentées par le parti requérant

18. Pour un exposé détaillé de la procédure d’annulation des candidatures, la Cour renvoie aux paragraphes 17 à 37 de l’arrêt Eusko Abertzale Ekintza – Acción Nacionalista Vasca (EAE-ANV) c....

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