BARAONA v. PORTUGAL

Judgment Date08 July 1987
ECLIECLI:CE:ECHR:1987:0708JUD001009282
Respondent StatePortugal
Application Number10092/82
Date08 July 1987
CourtChamber (European Court of Human Rights)
CounselN/A
Applied Rules6;6-1;41
Official Gazette Publication[object Object]
<a href="https://international.vlex.com/vid/convenio-europeo-libertades-fundamentales-67895138">ECHR</a>

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MALONE v. THE UNITED KINGDOM JUGDMENT





COUR (CHAMBRE)







AFFAIRE BARAONA c. PORTUGAL


(Requête no 10092/82)










ARRÊT




STRASBOURG


8 juillet 1987


En l’affaire Baraona,

La Cour européenne des Droits de l’Homme, constituée, conformément à l’article 43 (art. 43) de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales ("la Convention") et aux clauses pertinentes de son règlement, en une chambre composée des juges dont le nom suit:

MM. R. Ryssdal, président,

Thór Vilhjálmsson,

Sir Vincent Evans,

MM. C. Russo,

R. Bernhardt,

J. De Meyer,

J. Melo Franco, juge ad hoc,

ainsi que de MM. M.-A. Eissen, greffier, et H. Petzold, greffier adjoint

Après en avoir délibéré en chambre du conseil les 27 février et 23 juin 1987,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette dernière date:

PROCEDURE

1. L’affaire a été déférée à la Cour par la Commission européenne des Droits de l’Homme ("la Commission") et le gouvernement du Portugal ("le Gouvernement"), les 28 janvier et 4 février 1986 respectivement, dans le délai de trois mois qu’ouvrent les articles 32 § 1 et 47 (art. 32-1, art. 47) de la Convention. A son origine se trouve une requête (nº 10/092.82) dirigée contre la République du Portugal et dont un ressortissant portugais, M. Joachim Baraona, avait saisi la Commission le 6 septembre 1982.

2. La demande de la Commission renvoie aux articles 44 et 48 (art. 44, art. 48) ainsi qu’à la déclaration portugaise de reconnaissance de la juridiction obligatoire de la Cour (article 46) (art. 46), la requête du Gouvernement à l’article 48 (art. 48). Elles ont pour objet d’obtenir une décision sur le point de savoir si les faits de la cause révèlent un manquement de l’État défendeur aux obligations qui découlent de l’article 6 § 1 (art. 6-1).

3. En réponse à l’invitation prescrite à l’article 33 § 3 d) du règlement, M. Baraona a exprimé le désir de participer à l’instance pendante devant la Cour et a désigné son conseil (article 30).

4. La chambre de sept juges à constituer comprenait de plein droit M. J. Pinheiro Farinha, juge élu de nationalité portugaise (article 43 de la Convention) (art. 43), et M. R. Ryssdal, président de la Cour (article 21 § 3 b) du règlement). Le 19 mars 1986, celui-ci en a désigné par tirage au sort les cinq autres membres à savoir M. Thór Vilhjálmsson, M. B. Walsh, Sir Vincent Evans, M. R. Bernhardt et M. J. De Meyer, en présence du greffier (articles 43 in fine de la Convention et 21 § 4 du règlement) (art. 43).

M. Pinheiro Farinha s’étant récusé en application de l’article 24 § 2 du règlement, le Gouvernement a désigné le 21 avril M. João Augusto Pacheco e Melo Franco, conseiller à la Cour Suprême du Portugal, pour siéger en qualité de juge ad hoc (articles 43 de la Convention et 23 du règlement) (art. 43).

Ultérieurement, M. C. Russo, suppléant, a remplacé M. Walsh, empêché.

5. Ayant assumé la présidence de la chambre (article 21 § 5), M. Ryssdal a recueilli par l’intermédiaire du greffier l’opinion de l’agent du Gouvernement, de l’avocat du requérant et du délégué de la Commission sur la nécessité d’une procédure écrite (article 37 § 1). Le 4 avril 1986, il a décidé que les deux premiers auraient jusqu’au 30 juin pour présenter des mémoires auxquels le troisième pourrait répondre par écrit dans les deux mois.

Les mémoires du Gouvernement et du requérant sont arrivés au greffe les 27 et 30 juin 1986, respectivement; le 22 juillet, le secrétaire de la Commission a informé le greffier que le délégué formulerait ses observations lors des audiences.

6. Le 10 décembre 1986, le président a fixé au 24 février 1987 la date d’ouverture de la procédure orale après avoir consulté agent du Gouvernement, délégué de la Commission et conseil du requérant par l’intermédiaire du greffier (article 38 du règlement). Par la suite, il a autorisé l’emploi de la langue portugaise par ledit agent (article 27 §§ 2 et 3).

Le 12 février, le greffier a reçu de la Commission plusieurs documents qu’il avait demandés sur les instructions du président.

7. Les débats se sont déroulés en public le jour dit, au Palais des Droits de l’Homme à Strasbourg. La Cour avait tenu immédiatement auparavant une réunion préparatoire.

Ont comparu:

- pour le Gouvernement

MM. I. Cabral Barreto, Procureur général adjoint, agent,

J.N. Cunha Rodrigues, Procureur général de la République,

J. Figueiredo Dias, professeur

à la Faculté de droit de Coimbra,

J. Miranda, professeur

à la Faculté de droit de Lisbonne, conseils;

- pour la Commission

M. A.S. Gözübüyük, délégué;

- pour le requérant

Me J. Lebre de Freitas, avocat,

Me J. Pires de Lima, avocat, conseils.

La Cour a entendu en leurs plaidoiries et déclarations, ainsi qu’en leurs réponses à ses questions, MM. Cabral Barreto, Figueiredo Dias et Miranda pour le Gouvernement, M. Gözübüyük pour la Commission, Mes Lebre de Freitas et Pires de Lima pour le requérant. L’agent du Gouvernement et les avocats du requérant ont produit plusieurs documents.

8. Le 6 mai 1987, le délégué de la Commission a déposé au greffe ses observations sur l’application de l’article 50 (art. 50).

EN FAIT

I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

9. M. Baraona, ressortissant portugais né en 1930, exerce la profession de commerçant et réside à Vitoria (Brésil).

Jusqu’en mai 1975, il vécut à Cascais (Portugal) avec son épouse et leurs cinq enfants. Cependant, le 17 mai 1975 le président du Service de coordination de la dissolution de la PIDE/DGS et de la LP (Police internationale de défense de l’État/Direction générale de sûreté et Légion portugaise) ordonna son arrestation immédiate, au motif qu’il s’agissait d’un "dangereux réactionnaire" et qu’il fallait "enquêter sur ses activités réactionnaires". A l’époque, le Portugal traversait une période difficile, qui suivait le mouvement du 11 mars 1975 et qui se termina le 25 avril 1976 avec l’adoption de la nouvelle Constitution.

Ayant appris qu’on allait l’appréhender, M. Baraona s’enfuit au Brésil avec sa famille; il ne regagna le Portugal qu’en septembre 1978, après l’annulation du mandat d’arrêt lancé contre lui.

10. Pendant son absence, les travailleurs de son entreprise de construction civile s’étaient approprié celle-ci et d’autres biens du requérant, en particulier la maison avec son mobilier et les comptes bancaires. Le 31 mai 1976, le tribunal de Cascais déclara ladite entreprise en état de faillite. En outre, l’institution bancaire de droit public "Cofre da Previdência", à laquelle le requérant avait acheté la maison, la vendit à un tiers après avoir résilié le contrat pour non-paiement.

Ultérieurement, M. Baraona récupéra la maison par voie de règlement amiable, après avoir payé certaines sommes à la banque et à la personne concernées.

11. Le 30 juillet 1981, il intenta une action en responsabilité civile contre l’État devant le tribunal administratif (auditoría administrativa) de Lisbonne, en vertu du décret-loi nº 48.051 du 21 novembre 1967 sur la responsabilité civile extracontractuelle de l’État pour des actes de gestion publique (paragraphe 30 ci-dessous). Selon lui, le mandat d’arrêt décerné contre lui était illégal, faute de contenir les éléments d’une infraction et de poursuivre un "but sérieux". M. Baraona réclamait 8.800.000 escudos de dommages-intérêts pour le préjudice matériel et moral subi.

Le lendemain, le juge enregistra la demande introductive d’instance (petição inicial) et ordonna la citation de la partie défenderesse, représentée par le ministère public (ministério público), l’invitant à y répondre dans les vingt jours, conformément à l’article 486 § 1 du code de procédure civile (paragraphe 32 ci-dessous).

12. Le 28 octobre 1981 puis le 27 janvier 1982, le juge administratif consentit à proroger ce délai de trois mois, ainsi que le ministère public l’en avait prié en vertu de l’article 486 § 3 du même code (paragraphe 32 ci-dessous).

13. Le 26 avril 1982, le ministère public sollicita derechef une prolongation extraordinaire de trente jours. Il la fondait sur le besoin de recueillir de plus amples informations afin de préparer ses réquisitions en réponse (contestação). Le juge la lui accorda le 28. Les 8 juin et 21 juillet 1982, le ministère public présenta deux nouvelles demandes de prolongation extraordinaire de trente jours, en affirmant qu’il ne possédait pas encore tous les éléments pour préparer sa réponse. Le juge y déféra les 14 juin et 27 juillet, respectivement.

14. Le 30 juillet 1982, le requérant se plaignit au juge de ces prorogations successives; il réclama en outre une copie de certaines pièces du dossier afin de saisir le Conseil supérieur de la magistrature et la Commission européenne des Droits de l’Homme pour violation de l’article 6 § 1 (art. 6-1) de la Convention.

15. Le 29 septembre 1982, M. Baraona forma un recours incident (de agravo) à la Cour administrative suprême (Supremo Tribunal Administrativo) contre la décision du tribunal administratif de Lisbonne, du 27 juillet, prolongeant le délai imparti au ministère public. Il le déposa auprès du tribunal inférieur, en engageant celui-ci à l’adresser aussitôt à la juridiction supérieure.

Le tribunal administratif accepta le recours le 15...

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