Avis consultatif sur le statut et les droits procéduraux d’un parent biologique dans la procédure d’adoption d’un adulte

Opinion NumberP16-2022-001
Respondent StateFinlandia


GRANDE CHAMBRE

AVIS CONSULTATIF
sur le statut et les droits procéduraux d’un parent biologique dans la procédure d’adoption d’un adulte

demandé par

la Cour suprême de Finlande

(Demande no P16-2022-001))

STRASBOURG

13 avril 2023

Cet avis est définitif. Il peut subir des retouches de forme.


La Cour européenne des droits de l’homme, siégeant en une Grande Chambre composée de :

Síofra O’Leary, présidente

Georges Ravarani,

Marko Bošnjak,

Gabriele Kucsko-Stadlmayer,

Pere Pastor Vilanova,

Arnfinn Bårdsen,

Faris Vehabović,

Mārtiņš Mits,

Armen Harutyunyan,

Pauliine Koskelo,

Jolien Schukking,

Saadet Yüksel,

Peeter Roosma,

Ana Maria Guerra Martins,

Mattias Guyomar,

Frédéric Krenc,

Kateřina Šimáčková, juges,
et de Søren Prebensen, greffier adjoint de la Grande Chambre,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 15 mars 2023,

Rend l’avis que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1. Par une lettre du 3 octobre 2022 adressée à la greffière de la Cour européenne des droits de l’homme (« la Cour »), la Cour suprême de Finlande a sollicité auprès de la Cour, au titre de l’article 1 du Protocole no 16 à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« le Protocole no 16 » et « la Convention »), un avis consultatif sur les questions énoncées au paragraphe 8 ci-dessous.

2. Cette lettre est parvenue au greffe le 10 octobre 2022 et la demande d’avis consultatif est considérée par la Cour comme ayant été formellement introduite à cette date.

3. Le 7 novembre 2022, le collège de cinq juges de la Grande Chambre de la Cour, composé conformément aux articles 2 § 3 du Protocole no 16 et 93 § 1 du règlement de la Cour (« le règlement »), a décidé d’accepter cette demande.

4. La composition de la Grande Chambre a été arrêtée le 15 novembre 2022 conformément aux articles 24 § 2 g) et 94 § 1 du règlement.

5. Par des lettres du 16 novembre 2022, la greffière a informé les parties à la procédure interne que la présidente les invitait à soumettre à la Cour des observations écrites sur la demande d’avis consultatif dans un délai expirant le 9 janvier 2023 (articles 3 du Protocole no 16 et 94 § 3 du règlement). Dans ce délai, des observations écrites ont été reçues de A, l’appelante dans la procédure devant la Cour suprême. Tant la Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe que le gouvernement finlandais ont informé la greffière qu’ils n’exerceraient pas leur droit de présenter des observations écrites (article 3 du Protocole no 16).

6. Les observations de A ont été transmises à la Cour suprême, qui a informé la Cour qu’elle ne formulerait pas de remarques à cet égard (article 94 § 6 du règlement).

7. Après la clôture de la procédure écrite, la présidente de la Grande Chambre a décidé qu’il n’y avait pas lieu de tenir une audience (article 94 § 5 du règlement).

LES QUESTIONS POSÉES

8. Les questions posées dans la demande d’avis consultatif étaient formulées comme suit :

« 1) La Convention doit-elle être interprétée en ce sens que les procédures judiciaires relatives à l’adoption d’un enfant majeur en général, et dans les circonstances de l’espèce en particulier, relèvent de la protection du parent biologique découlant de l’article 8 de la Convention ?

2) En cas de réponse affirmative à la question ci-dessus, les articles 6 et 8 de la Convention doivent-ils être interprétés en ce sens que le parent biologique d’un enfant majeur doit dans tous les cas, ou dans les circonstances de l’espèce en particulier, être entendu dans la procédure judiciaire relative à l’autorisation de l’adoption ?

3) En cas de réponse affirmative aux questions ci-dessus, les articles 6 et 8 de la Convention doivent-ils être interprétés en ce sens que le parent biologique d’un enfant majeur doit se voir accorder la qualité de partie à la procédure et qu’il doit avoir le droit, en formant un appel, de faire réexaminer par une juridiction supérieure la décision autorisant l’adoption ? »

LE CONTEXTE ET LA PROCÉDURE INTERNE DANS LE CADRE DESQUELS S’INSCRIT LA DEMANDE D’AVIS CONSULTATIF

9. La demande s’inscrit dans le contexte d’une procédure, engagée au titre de la loi finlandaise relative à l’adoption, concernant l’adoption d’un adulte.

10. En décembre 2018, une femme, B, saisit le tribunal de district d’une demande visant à obtenir l’autorisation d’adopter C, son neveu né en 1993, fils de sa sœur A.

11. C avait passé les premières années de sa vie avec sa mère et, comme le releva le tribunal de district, une relation étroite parent-enfant se développa alors entre eux. En janvier 1997, B fut désignée tutrice supplétive de l’enfant, à la demande de A, compte tenu de la situation d’instabilité durable dans laquelle celle-ci se trouvait, puisqu’elle était alors veuve, mère célibataire de trois enfants non encore scolarisés et étudiante. Dans la demande de tutelle, il était indiqué qu’A et B s’étaient entendues pour demander cette mesure après en avoir longuement et sérieusement discuté. Il était également précisé que l’adoption avait aussi été envisagée mais qu’elle n’avait pas été jugée possible à ce moment-là. Lorsqu’elle fut entendue ultérieurement au cours de la procédure d’adoption, A déclara qu’elle n’avait jamais envisagé que sa sœur adopte C.

12. B accueillit C chez elle en 1996. L’enfant avait alors à peine plus de trois ans. Il demeura chez B jusqu’à ce que, en 2016, il emménage seul. B était célibataire et n’avait pas d’enfants.

13. Seule titulaire de l’autorité parentale sur son fils jusqu’en 1997, A la conserva et la partagea avec B à partir du moment où celle-ci fut désignée tutrice supplétive. En 1998, le lien de filiation entre C et son père, D, fut formellement reconnu, sans que cela n’ait d’effet sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale mises en place l’année précédente.

14. Comme le constata le tribunal de district dans sa décision concernant l’adoption de C, la mère de celui-ci continua à participer à l’éducation de l’enfant avec B (notamment pour les contacts avec la garderie, l’école et divers professionnels de santé) et à faire partie de sa vie quotidienne. C passait du temps avec sa mère lorsque B travaillait ou s’absentait. Ses relations avec ses quatre frères et sœurs – les autres enfants de A – furent qualifiées de relativement étroites. C passait des week-ends et des vacances avec sa mère, sa tante et ses frères et sœurs. Le tribunal de district releva que la relation entre A et C n’avait jamais été interrompue pendant que ce dernier était mineur, et il la qualifia de bonne et chaleureuse. C continuait à désigner A comme sa mère et B comme sa tante et il appelait B par son prénom. Le tribunal de district observa également que, une fois adulte, C continua à...

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