AFFAIRE DE DIEGO NAFRIA c. ESPAGNE

Judgment Date14 March 2002
ECLIECLI:CE:ECHR:2002:0314JUD004683399
Date14 March 2002
Application Number46833/99
Respondent StateEspaña
CourtFirst Section (European Court of Human Rights)
Applied Rules10;10-1;10-2

PREMIÈRE SECTION

AFFAIRE DE DIEGO NAFRIA c. ESPAGNE

(Requête n° 46833/99)

ARRÊT

STRASBOURG

14 mars 2002

DÉFINITIF

04/09/2002

Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.


En l’affaire de Diego Nafría c. Espagne,

La Cour européenne des Droits de l’Homme (première section), siégeant en une chambre composée de :

MmesE. Palm, présidente,
W. Thomassen,
MM.A. Pastor Ridruejo,
Gaukur Jörundsson,
C. Bîrsan,
J. Casadevall,
B. Zupančič, juges,
et de M. M. O’Boyle, greffier de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil les 13 novembre 2001 et 21 février 2002,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette dernière date :

PROCÉDURE

1. A l’origine de l’affaire se trouve une requête (n° 46833/99) dirigée contre le Royaume d’Espagne et dont un ressortissant de cet Etat, Mariano de Diego Nafría (« le requérant »), a saisi la Cour le 27 janvier 1999 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »).

2. Le requérant est représenté devant la Cour par Me Enrique Lillo Pérez, avocat au barreau de Madrid. Le gouvernement espagnol (« le Gouvernement ») est représenté par son agent, M. Javier Borrego Borrego, chef du service juridique des droits de l’homme au ministère de la Justice.

3. Le requérant alléguait que son licenciement en tant qu’employé de la Banque d’Espagne en raison du contenu d’une lettre qu’il envoya au sous-directeur général de la Banque d’Espagne emportait violation de son droit à la liberté d’expression tel que garanti par l’article 10 de la Convention. Il se plaignait également que sa cause n’avait pas été entendue équitablement et invoquait les articles 6 §§ 1 et 2 et 13 de la Convention. Il dénonçait aussi une violation de l’article 14 de la Convention et de l’article 1 du Protocole n° 1.

4. La requête a été attribuée à la première section de la Cour (article 52 § 1 du règlement). Au sein de celle-ci, la chambre chargée d’examiner l’affaire (article 27 § 1 de la Convention) a été constituée conformément à l’article 26 § 1 du règlement.

5. Par une décision partielle sur la recevabilité du 14 mars 2000, la chambre a décidé de porter à la connaissance du gouvernement défendeur, en application de l’article 54 § 3 b) du règlement de la Cour, le grief du requérant concernant l’atteinte alléguée à son droit à la liberté d’expression (article 10 de la Convention) et a déclaré la requête irrecevable pour le surplus.

6. Par une décision finale sur la recevabilité du 14 décembre 2000, la chambre a déclaré recevable le grief du requérant tiré de l’article 10 de la Convention.

7. Tant le requérant que le Gouvernement ont déposé des observations écrites sur le fond de l’affaire (article 59 § 1 du règlement).

8. Le 3 juillet 2001, la chambre a décidé, conformément à l’article 59 § 2 du règlement, d’inviter les parties à lui présenter oralement, au cours d’une audience, leurs observations sur le bien-fondé du grief déclaré recevable.

9. Le 1er novembre 2001, la Cour a recomposé ses sections (article 25 § 1 du règlement). La présente requête a cependant continué à être examinée par la chambre de l’ancienne première section qui l’avait déclarée recevable.

10. Ainsi qu’en avait décidé la chambre, une audience s’est déroulée en public au Palais des Droits de l’Homme, à Strasbourg, le 13 novembre 2001 (article 59 § 2 du règlement).

Ont comparu :

pour le Gouvernement
M.Javier Borrego Borrego, chef du service juridique
des droits de l’homme au ministère de la Justice,agent ;

pour le requérant
MeE. Lillo Pérez, avocat au barreau de Madrid,conseil.

Le requérant était aussi présent à l’audience.

La Cour a entendu en leurs déclarations M. Borrego Borrego et Me Lillo Pérez.

EN FAIT

I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

11. Le requérant, ressortissant espagnol, est né en 1943 et réside à Madrid.

12. Le 2 février 1981, le requérant entra comme fonctionnaire de la Banque d’Espagne en qualité d’inspecteur des établissements de crédit et d’épargne. Le 8 juillet 1986, la Banque d’Espagne accepta sa demande de mise en disponibilité volontaire.

1. Procédure de sanction diligentée par la Banque d’Espagne à l’encontre du requérant pour ses activités dans un établissement de crédit privé

13. Après son départ de la Banque d’Espagne, le requérant occupa divers postes de cadre dirigeant dans plusieurs établissements de crédit privés. En particulier, il fut désigné conseiller d’une société hypothécaire privée, IGS.M.H., poste qu’il occupa jusqu’en 1993.

14. Au terme d’une procédure de contrôle diligentée par la Banque d’Espagne contre l’établissement de crédit IGS.M.H., le Conseil des Ministres, par une décision du 22 décembre 1993, retira l’agrément administratif à cet établissement et sanctionna les membres de son organe exécutif, parmi lesquels figurait le requérant. Ce dernier se vit infliger la sanction d’interdiction pendant deux ans d’occuper des fonctions d’administration ou de direction dans tout établissement de crédit, et condamner au paiement d’une amende d’un million de pesetas pour infractions graves ou très graves à la législation bancaire.

15. Le 16 février 1994, le requérant réintégra son poste au sein de la Banque d’Espagne.

16. L’intéressé introduisit devant le Tribunal suprême deux recours contre la décision du 22 décembre 1993, le premier en invoquant la loi de 1978 sur la protection des droits fondamentaux de la personne et, le deuxième sous forme d’un recours contentieux-administratif. Par un arrêt du 10 janvier 1997, le Tribunal suprême, estimant que les droits de la défense du requérant n’avaient pas été respectés dans la phase administrative au motif que les notifications de la procédure avaient été faites au siège de la société de crédit et non au domicile du requérant, déclara nulle la décision du 22 décembre 1993 et ordonna le remboursement de l’amende payée par le requérant. Par un deuxième arrêt du 8 juillet 1997, le Tribunal suprême confirma son arrêt antérieur en y ajoutant l’obligation pour l’administration de verser au requérant les intérêts légaux correspondant à l’amende.

17. Par une décision du 11 mars 1997, la Banque d’Espagne, compte tenu de l’arrêt du Tribunal suprême du 10 janvier 1997 et, vu que les faits reprochés au requérant n’étaient pas prescrits, engagea une nouvelle procédure de sanction à l’encontre de celui-ci. Au terme de cette procédure, le ministère de l’Économie et des Finances prononça à l’encontre du requérant, le 19 février 1998, une mesure d’interdiction pendant deux ans d’occuper des fonctions d’administration et de gestion dans tout organe de crédit, et...

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