AFFAIRE BERISTAIN UKAR c. ESPAGNE

Judgment Date08 March 2011
ECLIECLI:CE:ECHR:2011:0308JUD004035105
Respondent StateEspaña
Date08 March 2011
Application Number40351/05
CourtThird Section (European Court of Human Rights)
CounselROUGET D. ; LARRARTE ALDASORO A.
Applied Rules3

TROISIÈME SECTION

AFFAIRE BERISTAIN UKAR c. ESPAGNE

(Requête no 40351/05)

ARRÊT

STRASBOURG

8 mars 2011

DÉFINITIF

08/11/2011

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.


En laffaire Beristain Ukar c. Espagne,

La Cour européenne des droits de lhomme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :

Josep Casadevall, président,
Alvina Gyulumyan,
Egbert Myjer,
Ineta Ziemele,
Luis López Guerra,
Mihai Poalelungi,
Kristina Pardalos, juges,
et de Santiago Quesada, greffier de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 8 février 2011,

Rend larrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1. A lorigine de laffaire se trouve une requête (no 40351/05) dirigée contre le Royaume dEspagne et dont un ressortissant de cet État, M. Aritz Beristain Ukar (« le requérant »), a saisi la Cour le 9 novembre 2005 en vertu de larticle 34 de la Convention de sauvegarde des droits de lhomme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

2. Le requérant est représenté par Mes D. Rouget et A. Larrate Aldasoro, avocats à St-Jean de Luz et Hernani, respectivement. Le gouvernement espagnol le Gouvernement ») a été représenté par son agent, M. I. Blasco chef du service juridique des droits de lhomme au ministère de la Justice.

3. Le requérant allègue en particulier avoir subi des mauvais traitements pendant son arrestation et sa détention à Madrid. Il se plaint également, de labsence denquête à la suite de ses dépositions concernant les faits dénoncés et du non-lieu prononcé.

4. Le 9 octobre 2009, le président de la troisième section a décidé de communiquer la requête au Gouvernement. Comme le permet larticle 29 § 1 de la Convention, il a en outre été décidé que la chambre se prononcerait en même temps sur la recevabilité et le fond.

EN FAIT

I. LES CIRCONSTANCES DE LESPÈCE

5. Le requérant est né en 1980 et réside à Hernani.

6. Le 5 septembre 2002 à 17 h, le requérant fut arrêté à Saint-Sébastien en raison de sa participation présumée à des altercations violentes en ville (kale borroka). Il fut placé en détention non communiquée jusquau 10 septembre, dabord au poste de la garde civile de cette localité puis à la Direction générale de la garde civile à Madrid. Pendant sa détention, le requérant fut examiné par un médecin légiste à cinq reprises, les 6, 7, 8, 9 et 10 septembre.

7. Le premier jour, le médecin légiste examina le requérant à 10 h 10 et décela une blessure linéaire de 1,5 cm sur le côté droit du visage à la hauteur de la mâchoire (érosion malaire). Par ailleurs, il nota que le requérant sétait plaint du traitement reçu pendant le trajet en voiture entre Saint-Sébastien et Madrid, indiquant avoir été conduit avec cinq personnes qui le frappèrent à la tête avec le plat de la main et lui placèrent un sachet sur celle-ci pour lasphyxier. Le légiste examina de façon détaillée chacune des allégations et ne détecta aucun signe de violence à la tête ni sur le reste du corps. Le requérant signala également ne pas avoir dormi mais avoir reçu de la nourriture. Les jours dexamen suivants, le requérant réitéra ses allégations concernant le sachet plastique et ajouta des vexations sexuelles dont il aurait fait lobjet. Il signala par ailleurs avoir dormi et mangé. Le rapport du médecin légiste répondit à ces griefs et ne décela aucune nouvelle lésion, se bornant à constater le début de cicatrisation de lérosion malaire, ainsi que labsence dindices de violence ou lésions tant sur les organes génitaux que dans les zones anale ou péri-anale. Quant à lérosion malaire, cette dernière fut répertoriée pour la dernière fois dans le rapport du 8 septembre, où le légiste signala sa progression vers la guérison.

8. Le 10 septembre 2002 le requérant fut conduit devant le juge central dinstruction no 5 auprès de lAudiencia Nacional, où il fut examiné à une nouvelle reprise par un médecin légiste, qui ne constata pas de nouvelles lésions et releva le caractère satisfaisant de létat de santé général du requérant, tant au niveau physique que concernant labsence de signes danxiété. Ensuite, avec lassistance dun avocat, le requérant déclara avoir fait lobjet de mauvais traitements au cours de la période de détention. Il indiqua que pendant le trajet entre Saint-Sébastien et Madrid les agents lui avaient placé un sachet sur la tête et avaient proféré des menaces à lencontre de sa famille. A son arrivée à la Direction générale de la garde civile à Madrid, il fut obligé de rester en sous-vêtements et ligoté aux extrémités pendant quil recevait des coups avec un pistolet. Il ne reçut rien à manger ou à boire. Allongé sur une table et pendant quil avait la tête couverte par un sac en plastique, on lui introduisit un objet dans lanus. Finalement, il se plaignit aussi de douleurs à la jambe. Le requérant reconnut quil navait pas fait part de la totalité de ces faits au médecin légiste et justifia son silence par sa peur des agents de la garde civile qui le surveillaient.

9. Le requérant fut placé en détention provisoire. Le jour de son arrivée au centre pénitentiaire il fut examiné par les services médicaux de la prison.

10. Le 30 octobre 2002 le requérant porta plainte devant le juge dinstruction de garde de Saint-Sébastien sur la base des mêmes faits susmentionnés.

11. Celui-ci se dessaisit en faveur du juge dinstruction no 24 de Madrid, qui ordonna louverture dune information judiciaire. Par une décision du 10 décembre 2003, il rendit un non-lieu provisoire et classa laffaire, en raison de labsence de preuve des mauvais traitements allégués.

12. Contre cette décision, le requérant présenta un recours de reforma. Il considéra que lenquête menée navait pas été suffisante, le non-lieu sétant fondé sur un seul argument, à savoir les rapports du médecin légiste qui navaient constaté aucune trace de mauvais traitements. Le requérant allégua en outre, que les rapports médico-légaux ne correspondaient pas au modèle établi par le Protocole adopté par le ministère de la Justice espagnol relatif aux méthodes à suivre par les médecins légistes lors de lexamen des détenus. Par ailleurs, il se plaignit que le juge dinstruction ne lavait pas entendu en personne ni avait entendu le médecin légiste et quil navait pas non plus tenté didentifier les agents impliqués dans les faits dénoncés afin de les interroger. Par une décision du 3 mai 2004, le juge dinstruction no 24 de Madrid rejeta le recours, se fondant sur le mémoire du ministère public et labsence de traces physiques corroborant les mauvais traitements allégués.

13. Le requérant interjeta appel. Il réitéra que les rapports du médecin légiste étaient inadéquats et...

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