Réponse au Rapport Sarr-Savoy: Déclaration sur la numérisation, les droits de propriété intellectuelle et le libre accès du patrimoine culturel africain et des archives connexes

AuthorMathilde Pavis - Andrea Wallace
PositionSenior Lecturer in Law, University of Exeter, Exeter, United Kingdom - Lecturer in Law, University of Exeter, Exeter, United Kingdom
Pages130-146
2019
Dr Mathilde Pavis and Dr Andrea Wallace
130
2
Réponse au Rapport Sarr-Savoy
Déclaration sur la numérisation, les droits de propriété
intellectuelle et le libre accès du patrimoine culturel africain et
des archives connexes
by Dr Mathilde Pavis and Dr Andrea Wallace
© 2019 Mathilde Pavis and Andrea Wallace
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Recommended citation: Mathild e Pavis and Andrea Wallace, Statement: Rép onse au Rapport Sarr-Savoy, 10 (2019) JIPITEC
130 para 1.
25 mars 2019
RÉSUMÉ
1 Cette réponse remet en cause les recommandations
du Rapport Sarr-Savoy concernant la numérisation
systématique et la mise à disposition en « libre
accès », en ligne, de la totalité du patrimoine
africain destiné à être restitué. Nous soulignons la
complexité des problématiques liées aux droits de
la propriété intellectuelle et aux politiques de libre
accès (« open access ») en matière de patrimoine,
et nous recommandons au gouvernement français
de consacrer davantage de ressources à l’étude
et l’établissement de solutions de numérisation
en partenariat avec les communautés africaines
concernées. Par conséquent, nous déconseillons
l’adoption des recommandations générales du
Rapport sur les questions de la numérisation et du
libre accès pour les raisons suivantes :
Premièrement, les recommandations du
Rapport soutiennent une position selon
laquelle le gouvernement français restituerait
le patrimoine africain matériel tout en gardant
la mainmise sur la création, la présentation et la
conservation du patrimoine africain numérique,
et ce, pour les décennies à venir.
Deuxièmement, et à l’appui de ce point, la
question de l’application des droits de propriété
intellectuelle et du libre accès concernant
le patrimoine numérique fait l’objet de vifs
débats juridiques et sociaux. En France, le libre
accès en matière de collections numériques du
patrimoine national est quasi-inexistant. Le
gouvernement français doit s’abstenir d’entamer
une démarche qui exigerait la mise à disposition
libre et gratuite du patrimoine numérique de
l’Afrique, sans réciprocité envers son propre
patrimoine.
Troisièmement, la restitution du patrimoine
africain dont la France est dépositaire ne doit
être sujette à aucune obligation, ou pression, de
numérisation ou de libre accès. La décision de
procéder à la numérisation de son patrimoine,
tout comme la décision de ne pas exercer les
droits de propriété intellectuelle aux ns de libre
accès, sont des prérogatives culturelles et de
conservation. De telles décisions appartiennent
aux communautés d’origine dans la mesure
où la numérisation et la disponibilité en libre
accès des contenus impactent la manière dont le
patrimoine culturel est représenté, préservé et
commémoré. Ainsi, les communautés d’origine
doivent pouvoir jouir d’une entière autonomie
en ce qui concerne les stratégies de numérisation
et d’accès de leur patrimoine matériel comme
numérique.
Enn, tout effort de décolonisation du
patrimoine africain matériel détenu par les
établissements français doit également prendre
en compte le statut et la gestion des archives
et autre documentation numériques, y compris
pour celles destinées à rester en France. Le
patrimoine numérique est aujourd’hui tout
aussi important que le patrimoine matériel
et doit être partie intégrante de tout projet
de restitution et de gestion des collections. La
question du patrimoine africain numérique doit
Réponse au Rapport Sarr-Savoy
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être rééchie en amont de toute restitution, et
non après-coup. En poursuivant cette réexion
et dans un souci de réparation, la France doit
saisir l’opportunité de soutenir les communautés
africaines dans leurs démarches de numérisation
et d’accès, d’un point de vue aussi bien pratique,
technique que nancier.
2 Pour ces raisons, nous exhortons le gouvernement
français à entreprendre une réexion approfondie de
ces questions, en collaboration avec les communautés
et les institutions concernées, avant et pendant la
démarche de restitution. Le gouvernement français
est particulièrement bien placé pour entamer
une réexion sur la mise en place de négociations
équitables quant à la manière dont le processus de
restitution doit se dérouler. Les solutions issues de
cette démarche éclaireront d’autres gouvernements
ainsi que d’autres institutions nationales, désireux
de décoloniser, à leur tour, leurs collections.
RÉPONSE AU RAPPORT
SARR-SAVOY 2018
Déclaration sur les droits de propriété
intellectuelle et le libre accès concernant la
numérisation et la restitution du patrimoine
culturel africain et des archives connexes1
Traduction française
25 mars 2019
3
Nous écrivons en réponse au Rapport Sarr-Savoy
intitulé « Rapport sur la restitution du patrimoine
culturel africain. Vers une nouvelle éthique
relationnelle ». Nous notons le soin, la rigueur et
la démarche nuancée de cette étude qui souligne la
complexité du processus de restitution ainsi que les
efforts de coopération considérables qu’un tel projet
requiert de la part de toutes les parties concernées.
4 Nous attirons l’attention du gouvernement français
sur les problématiques de propriété intellectuelle et
de libre accès qui sont en jeu lors la restitution du
patrimoine africain. Le Rapport Sarr-Savoy ne traite
que très brièvement de ces questions. Le Rapport
préconise un plan de numérisation systématique
et propose la mise en libre accès de la totalité du
patrimoine africain à restituer. Le Rapport souligne
la nécessité d’établir un dialogue sur cette question
entre les parties impliquées, mais ses auteurs
demeurent en faveur d’un « partage radical, dans le
cadre du projet de restitution, des objets numérisés,
y compris en ce qui concerne la politique des droits
à l’image », visant « la gratuité d’accès et d’usage de
ces images et documents ».2
5
Nous déconseillons l’adoption de cette
recommandation générale d’accès libre et gratuit
aux patrimoine numérique. Nous soutenons que le
statut des reproductions numériques des œuvres
culturelles (ci-après « substituts numériques »), et
de la documentation du patrimoine africain, doit
bénécier de la même nuance de raisonnement dont
fait preuve le Rapport à l’égard des objets (matériels)
de ce même patrimoine. Notre Réponse s’appuie sur
le contexte suivant :
Le patrimoine numérique est aujourd’hui tout
aussi important que le patrimoine matériel ; il
doit être pris en compte avec soin et pleinement
1 Mathilde Pavis et Andrea Wallace, ‘Réponse au Rapport
Sarr-Savoy 2018: Déclaration sur les droits de propriété
intellectuelle et le libre accès concernant la numérisation
et la restitution du patrimoine culturel africain et des
archives connexes ‘ (25 mars 2019, traduction francaise) CC
BY 4.0 ().
Traduit de l’anglais par Dr Mathilde Pavis. La version de
référence est la version anglaise.
2 Rapport Sarr-Savoy, 58. (67-68 dans la version anglaise).

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