Relations hispano-marocaines en matière de successions

AuthorÁngeles Lara Aguado
PositionMaître de Conférences (Profesora Titular) de Droit International Privé à l'Université de Grenade, Espagne.
Pages283-334
Paix et Securité Internationales
ISSN 2341-0868, Num. 4, janvier-décembre 2016, pp. 283-334
DOI: http://dx.doi.org/10.25267/Paix_secur_ int.2016.i4.11
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RELATIONS HISPANO-MAROCAINES
EN MATIÈRE DE SUCCESSIONS
Ángeles LARA AGUADO1
I. INTRODUCTION – II. LE DROIT SUCCESSORAL MAROCAIN – III. DEPUIS
QUAND LE RÈGLEMENT (UE) 650/2012 AFFECTE LES RELATIONS HISPANO-
MAROCAINES EN MATIÈRE DE SUCCESSIONS ? – IV. CONCLUSIONS.
RÉSUMÉ: L’entrée en vigueur du règlement (UE) 650/2012 sur les successions a conduit à des
changements signif‌i catifs dans la succession des relations hispano-marocaines, qui jusqu’à présent
étaient régies par l’application du droit national du défunt. Les de cuius devront désormais prendre
ne compte cette nouvelle règlementation pour organiser leur succession.
MOT CLÉS: Succession, Relations hispano-marocaines, Règlement (UE) 650/2012.
RELACIONES SUCESORIAS HISPANO-MARROQUÍES
RESUMEN: La entrada en vigor del Reglamento (UE) 650/2012 sobre sucesiones ha provocado
cambios importantes en las relaciones sucesorias hispano-marroquíes, que hasta ahora se regían por
la aplicación de la ley nacional del de cuius. Los causantes deberán tener esta nueva reglamentación
en cuenta a la hora de organizar su sucesión.
PALABRAS CLAVES: Sucesión, relaciones hispano-marroquíes, Reglamento (UE) 650/2012.
SPANISH-MOROCCAN INHERITANCE RELATIONSHIPS
ABSTRACT: The entry into force of Regulation (EU ) 650/2012 about inheritance has led to sig-
nif‌i cant changes in Spanish-Moroccan relationship on succession, which until now were governed
by the application of national law of the deceased. The deceased must take the new regulation into
account in order to organize their succession.
KEYWORDS : succession, Spanish-Moroccan relationships, Regulation (EU) 650/2012.
1 Maître de Conférences (Profesora Titular) de Droit International Privé à l’Université de
Grenade, Espagne.
Cet article est partie intégrante du projet de recherche d’excellence de la Junta de Andalucía
SEJ-4738 intitulé Análisis transversal de la integración de mujeres y menores extranjeros nacionales de
terceros Estados en la sociedad andaluza. Problemas en el ámbito familiar (Analyse transversale de
l’intégration des femmes et des mineurs, ressortissants d’Etats tiers, dans la société andalouse.
Problèmes dans le domaine familial.Directrice: Mercedes Moya Escudero). Cet article
est partie intégrante du projet de recherche I+D+I Orientado a los Retos de la Sociedad
intitulé DER2014-57244-R: Carencias y alternativas jurídico-políticas al tratamiento de la violencia de
género: formación e investigación en Derecho antidiscriminatori, du Ministère de l’Economie et de la
Compétitivité (Espagne). Directrice: Juana María Ruiz Gil.(«Lacunes et alternatives juridico-
politiques pour le traitement de la violence de genre: la formation et la recherche en droit
anti-discrimination»).Traduction: Marie Lucas, spécialiste en traduction juridique.
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I. INTRODUCTION
Le nombre de citoyens marocains titulaires, en Espagne, titulaires d’un titre
de séjour valable, étaient au nombre de 849.946 en juin 20132. L’intégration
au sein de la société espagnole étant l’une des volontés premières de cette
population, il y a de grandes chances pour que cette migration ait pour
conséquence le développement d’un grand nombre de relations hispano-
marocaines sur le plan successoral. Pourtant, les décisions judiciaires
espagnoles en matière de succession dans les relations internationales
privées hispano-marocaines, sont très rares. Aujourd’hui encore, la mentalité
conformiste de la société marocaine laisse effectivement peu de place aux
conf‌l its successoraux, les héritiers marocains acceptant généralement les
règles de partage établies par le testateur, ou celles directement déterminées
par la loi3.
L’ordre juridique espagnol et marocain reconnaissent tout deux le
principe d’unité de la succession, c’est-à-dire le principe que tout l’héritage
soit réglé par une seule et unique loi se basant sur la personnalité du de cujus
et sa nationalité4. En ce qui concerne l’Espagne, ce principe a été applicable
jusqu’au 17 août 2015, date à partir de laquelle le Règlement 650/2012 du
Parlement européen et du Conseil du 4 juillet 2012, relatif à la compétence, la
loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions, et l’acceptation
et l’exécution des actes authentiques en matière de successions mortis causa
2 Cf. les données publiées par le Secrétariat général de l’Immigration et de l’Emigration du
Ministère de L’emploi et de la Sécurité sociale [espagnol] le 21 octobre 2013 disponible sous
f‌i cado/index.
html>.
3 C’est aussi ce que souligne KHAN, H.,The Islamic Law of Inheritance. A Comparative Study of
Recent Reforms in Muslim Countries, Oxford University Press, Oxford, 2007, p.173, qui aff‌i rme
que les litiges en matière successorale sont moins fréquents que dans d’autres branches du
droit dans le monde islamique, ce qui démontre que les règles successorales islamiques ne
génèrent aucun problème dans les pays musulmans et que, jusqu’à présent, il n’y ait eu aucun
mouvement signif‌i catif dans les pays musulmans pour que le schéma successoral de la loi
islamique soit abandonné.
4 Ce qui met en évidence le lien entre la succession et le statut personnel: DEPREZ, J., «Droit
international privé et conf‌l its de civilisations. Aspects méthodologique. Les relations entre
systèmes d’Europe occidentale et systèmes islamiques en matière de statut personnel», Rec.
des Cours, 1998, t. 211, p. 146.
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et à la création d’un certif‌i cat successoral européen5 (dorénavant nommé
Règlement sur les Successions) est devenu applicable. En ce qui concerne le
Maroc, l’art. 18 du Dahir du 12 août 1913 sur la condition civile des Français
et des étrangers dans le protectorat français au Maroc6 (dorénavant, DCC)
renvoie à la loi nationale de l’étranger pour régir sa succession. L’Espagne,
pays qui a traditionnellement été et est de nouveau pays d’émigration, connait
bien cette norme à travers l’art. 9.8º CC qui renvoie à la loi nationale du de
cujus. Que ce soient les autorités marocaines ou espagnoles qui connaissent
de la succession, la solution devrait passer, conformément à ces règles de
conf‌l it, par l’application de la loi nationale du de cujus7. Partir de ces principes
communs justif‌i erait que le de cujus et les héritiers comptent sur le fait que
les autorités de chaque pays vont arriver à une harmonie internationale de
décisions et que la solution dans ces deux systèmes variera seulement si le droit
étranger réclamé par la règle de conf‌l it n’est pas appliqué correctement. Mais
la réalité est bien différente, en effet les autorités espagnoles n’appliqueront
pas systématiquement le droit marocain pour régler la succession d’un
citoyen marocain et autorités marocaines n’appliqueront pas non plus
systématiquement le droit espagnol pour régler la succession d’un espagnol.
La règle complexe de délimitation du domaine d’application du CFM altère,
dans de nombreux cas, le schéma d’application de la loi nationale de l’étranger
à sa succession et mène à l‘application du droit marocain même si le de cujus a
la nationalité espagnole (art.2). À cela il faut ajouter la naturalisation espagnole
des marocains et les effets de la renonciation à la nationalité marocaine sur
les deux ordres juridiques. De plus, malgré l’apparence de points communs
sur le plan de la résolution des conf‌l its en matière successorale, certaines
différences inconciliables entre les deux systèmes juridiques entraînent des
inconvénients pour les particuliers, que ce soient pour les testateurs –qui
ne peuvent conf‌i gurer leur statut successoral comme ils le désirent, car leur
5 JO nº L 201, du 27.07.2012.
6 Bulletin off‌i ciel, du 12 septembre 1913, nº 46, p. 77, disponible sous .
ma>.
7 Cf. Sur la préférence pour la loi nationale: PÉREZ MILLA, J.,Conf‌l ictos internos de leyes españolas,
en la frontera, Fundación Manuel Giménez Abad de Estudios Parlamentarios y del Estado
Autonómico, Zaragoza, 2010, p. 173; REVILLARD, M., Droit international privé et communautaire.
Pratique notariale, Défrenois Paris, 2006, p. 302. Cf. Également l’information disponible sous
.eu>.

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