Les dynamiques du droit des relations économiques internationales

AuthorJean-Marc Thouvenin
PositionProfesseur à l'Université Paris Ouest - Directeur du CEDIN
Pages118-172
118VANUÁRIO BRASILEIRO DE DIREITO INTERNACIONAL | V. 2
Les Dynamiques du Droit des Relations Économiques Internationales
JEAN-MARC THOUVENIN1
Résumé
Cet article va discuter de manière critique deux sujets principales, àsavoir, l’objet
du droit international économique et les méthodes spéciques du droit international
économique.
Abstract
This article will critically discuss two main topics, namely, the subject of
international economic law and the specic methods of international economic law.
Sommaire
Introduction
Titre I L’Objet du Droit International Économique: Instaurer et Pérenniser la
Libertédes Échanges Économiques
Chapitre 1 - Le Droit International Économique est népour Assurer la Protection
des Marchands et la Promotion du Commerce
Chapitre 2 - Le Projet Économique du XXème Siècle de Mondialisation du Libre
Échange
Conclusion: L’Objet du Droit International Économique en Fait-Il une Discipline
Distincte du Droit International Général?
Titre II – LesMéthodes Spéciques du Droit International Économique:le Cas
de la Régulation des Marchés Financiers
Chapitre 1 - Le Développement des Marchés Financiers Internationaux
Chapitre 2 - La Mise àl’Écart du Droit International Classique
Chapitre 3 - Le Choix de la «Régulation»
Chapitre 4 - Vers un «Durcissement»de la Régulation
cd
1Professeur àl’UniversitéParis Ouest - Directeur du CEDIN
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Introduction
Il est possible d’envisager le droit international économique de manière ample.
Si l’on veut l’entendre ainsi, ce droit se dénira alors autour de son objet, les
relations économiques internationales, et comportera toutes les règles de droit qui
s’y rapportent. Autrement dit, dès lors qu’une règle aura pour objet d’encadrer, d’une
manière ou d’une autre, des relations économiques internationales, elle appartiendra
au droit international économique. Ces règles de droit auront alors diverses origines:
interne, internationale, d’origine purement privée, publique, ou interétatique.
Cette approche conduit évidemment àenvisager comme étant inclus dans le droit
international économique non seulement le droit international public économique,
mais égalementle droit international privé, la lex mercatoria, ou encore les
réglementations nationales de portée internationale. Elle comporte des avantages
indubitables est paraît très attractive car toutes ces règles, dont certaines relèvent du
droit privéou du droit interne, présentent àl’évidence une importance considérable
pour les opérateurs économiques. Mais elle conduit aussi àmélanger bien des choses
pourtant très différentes, au risque de créer des confusions.
Si l’on est un juristepubliciste de culture romano-germanique,etjecrois devoir
me classer dans cette catégorie là,onpeut être tentéd’avoir une vision plus stricte de
l’objet d’étude que constitue le droit international économique, et envisager de le borner
àce qui relève du droit international public économique. Une telle approche s’appuie
sur deux distinctions qui permettent de structurer les raisonnements, celle, d’une part,
entre le droit privéet le droit public, et celle, d’autre part, entre le droit international et
le droit interne. Il serait bien commode de les admettre comme des axiomes de départ,
mais puisque les cloisons entre les différentes disciplines du droit tendent às’estomper,
on tâchera d’en évaluer la pertinence en droit de l’économie avant d’aller plus avant.
Le droit privé,dans lequel on range le droit civil et toutes les branches qui s’en
sont plus ou moins détachées, contient les règles qui permettent l’établissement des
relations entre personnes égales, àsavoir les personnes privées, physiques et morales,
et les encadre. C’est un droit de relations dites «horizontales».
Le droit public pour sa part contient évidemment le droit constitutionnel ainsi que le
droit administratif, et plus généralement celui qui encadre les relations dites «verticales»,
entre le pouvoir et les administrés.Mais c’est aussi un droit qui règle parfois les relations
entre personnes privées dans une perspective d’intérêtgénéral(on pense ici au droit de la
concurrence par exemple, qui règle les relations entre entreprises dans le but de protéger
le marché). C’est un droit bien particulier en ce qu’il repose sur une idée d’inégalité,
résultant de la conviction que les exigences de l’intérêtgénéral priment sur les intérêts
privés, pour en tirer les conséquences juridiques logiques. Partant de là,onpeut, somme
toute, dénir le droit public en fonction de son objet, en soulignant qu’il a vocation à
dénir et promouvoir l’intérêt général par delà les intérêts particuliers.
Il faut reconnaître que cette manière de dénir le droit public pourrait être concurrencée
par une autre qui le saisirait sous un angle organique, et plus précisément comme étant
surtout caractérisépar le fait qu’il serait exclusivement produit par l’Etat. Admettons que
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discriminer les disciplines juridiques en fonction de l’organe producteur de la norme permet
de distinguer le droit public, d’une part, du «contrat»de droit privé,d’autre part, ce qui est
commode. Mais cela ne permet pas un classement utile des lois qui ne font qu’encadrer
les relations entre particuliers, comme celles sur le mariage ou d’autres encore. On les
considère habituellement comme se rattachant au droit privéàraison de leur objet et il n’y
a franchement aucune raison de le contester. Or, sous l’empire de l’approche organique,
ces lois, comme toutes les lois, basculeraient sous l’étiquette du droit public. L’approche
organique ne rend pas non plus correctement compte de la nature des règles produites par
les organisations internationales.Cesont des règles que l’on considère sans état d’âme
comme appartenant au droit public (décisions du Conseil de sécuritédes Nations Unies
par exemple), alors même que les organisations internationales ne sont pas «l’Etat»et ont
une personnalitéjuridique qui leur est propre. Quant àl’Union européenne, elle n’est ni
réductible àses Etats membres, ni présentable comme un Etat en elle-même; pourtant une
grande part du droit qu’elle produit relève du droit public.
Si donc l’on accepte d’écarter l’approche organique de la dénition du droit public
pour lui préférer une dénition à raison de son objet, on devra admettre que si l’Etat
est indubitablement l’auteur principal de ce droit car sa fonction est précisément de
gérer la collectivitédans la perspective de la promotion de l’intérêt général, il n’en est
cependant pas nécessairement le seul auteur possible.
En droit interne, ce n’est du reste pas douteux. Que d’autres que l’Etat puissent
être àl’initiative du droit public paraît en effet bien établi. On peut facilement trouver
de règles de droit conçues par des personnes privées dans les ordres internes, par
exemple dans le cadre des «ordres professionnels»2. C’est d’ailleurs le cas en droit
français. On verra par exemple qu’en matière de services nanciers, une part au moins
de la réglementation «professionnelle» opposable aux acteurs de ce secteur an de
protéger leurs clients est produite par une association de droit privé, l’Association
de la gestion nancière. Cette dernière élabore seule le règlement de déontologie des
OPCVM et de la gestion individualisée sous mandat, lequel règlement est par la suite
simplement homologuépar l’Autoritédes MarchéFinanciers, qui est elle-même une
autoritéadministrative indépendante, pour devenir une norme juridique opposable à
tous et dont la violation entraîne des sanctions3.
2Sur les ordres professionnels entendus comme «institutions de droit public créées par la loi en vue
d’assumer et d’assurer,dans le ressort de certaines professions libérales, une mission d’intérêt
général exercée, avec des attributs de puissance publique, sous un régime d’autonomie»,voir J.
VanCompernolle, «L’évolution de la fonction de juger dans les ordres professionnels»,inPh.
Gérard, F. Ost, M. Van de Kerchove (dir.), Fonction de juger et pouvoir judiciaire, Publications
des FacultésUniversitaires Saint Louis, Bruxelles, 1983, pp. 391-418.
3Selon l’Article 314-2 du règlement général de l’Autoritédes MarchésFinanciers: «Lorsqu’une association
professionnelle élabore un code de bonne conduite destinéàs’appliquer aux prestations de services
d’investissement ou àla gestion d’OPCVM, l’AMF s’assure de la compatibilitéde ses dispositions avec
celles du présent règlement. L’association professionnelle peut demander àl’AMF d’approuver tout ou
partie de ce code en qualitéde règles professionnelles.

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