X AND Y v. THE NETHERLANDS
Court | Chamber (European Court of Human Rights) |
Judgment Date | 26 March 1985 |
ECLI | ECLI:CE:ECHR:1985:0326JUD000897880 |
Date | 26 March 1985 |
Application Number | 8978/80 |
Counsel | N/A |
Applied Rules | 8;8-1;14+8;14;3;13;41 |
Official Gazette Publication | [object Object] |
COUR (CHAMBRE)
AFFAIRE X ET Y c. PAYS-BAS
(Requête no 8978/80)
ARRÊT
STRASBOURG
26 mars 1985
En l’affaire X et Y contre Pays-Bas[*],
La Cour européenne des Droits de l’Homme, constituée, conformément à l’article 43 (art. 43) de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales ("la Convention") et aux clauses pertinentes de son règlement, en une chambre composée des juges dont le nom suit:
MM. R. Ryssdal, président,
G. Wiarda,
B. Walsh,
Sir Vincent Evans,
MM. C. Russo,
R. Bernhardt,
J. Gersing,
ainsi que de MM. M.-A. Eissen, greffier, et H. Petzold, greffier adjoint,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil les 28 novembre 1984 et 27 février 1985,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette dernière date:
PROCEDURE
1. L’affaire a été déférée à la Cour par la Commission européenne des Droits de l’Homme ("la Commission") le 13 décembre 1983, dans le délai de trois mois ouvert par les articles 32 par. 1 et 47 (art. 32-1, art. 47) de la Convention. A son origine se trouve une requête (no 8978/80) dirigée contre le Royaume des Pays-Bas et dont M. X avait saisi la Commission le 10 janvier 1980, en vertu de l’article 25 (art. 25), en son nom propre et au nom de sa fille, Y. De nationalité néerlandaise, les deux requérants ont exprimé le souhait de ne pas voir divulguer leur identité.
2. La demande de la Commission renvoie aux articles 44 et 48 (art. 44, art. 48) ainsi qu’à la déclaration néerlandaise de reconnaissance de la juridiction obligatoire de la Cour (article 46) (art. 46). Elle a pour but d’obtenir une décision sur le point de savoir si les faits de la cause révèlent un manquement de l’État défendeur aux obligations qui lui incombent aux termes des articles 3, 8, 13 et 14 (art. 3, art. 8, art. 13, art. 14).
3. En réponse à l’invitation prescrite à l’article 33 par. 3 d) du règlement, les requérants ont manifesté le désir de participer à l’instance pendante devant la Cour et ont désigné leurs conseils (article 30).
4. La chambre de sept juges à constituer comprenait de plein droit M. G. Wiarda, juge élu de nationalité néerlandaise (article 43 de la Convention) (art. 43), et M. R. Ryssdal, vice-président de la Cour (article 21 par. 3 b) du règlement). Le 25 janvier 1984, M. Wiarda, en sa qualité de président de la Cour, a désigné par tirage au sort les cinq autres membres, à savoir M. B. Walsh, Sir Vincent Evans, M. C. Russo, M. R. Bernhardt et M. J. Gersing, en présence du greffier (articles 43 in fine de la Convention et 21 par. 4 du règlement) (art. 43).
5. Ayant assumé la présidence de la Chambre (article 21 par. 5 du règlement), M. Ryssdal a recueilli par l’intermédiaire du greffier l’opinion de l’agent du gouvernement des Pays-Bas ("le Gouvernement"), du délégué de la Commission et des conseils des requérants sur la nécessité d’une procédure écrite.
Le 16 mars 1984, il a relevé que les requérants ne souhaitaient pas déposer de mémoire et décidé que l’agent aurait jusqu’au 16 mai pour en présenter un auquel le délégué pourrait répondre par écrit dans les deux mois du jour où le greffier le lui aurait communiqué (article 37 par. 1). Le 3 avril, il a prorogé le premier de ces délais jusqu’au 15 juin.
Le mémoire du Gouvernement est parvenu au greffe le 18 juin. Le 31 août, le secrétaire de la Commission a fait savoir au greffier que le délégué formulerait ses commentaires lors des audiences.
Le 5 juillet, le président a fixé au 26 novembre la date d’ouverture de la procédure orale (article 38). Le 23 août, il a autorisé les représentants des requérants à employer la langue néerlandaise (article 27 par. 3).
Le 29 août, Mme van Westerlaak, conseil des requérants, a communiqué à la Cour les observations de ses clients sur l’application de l’article 50 (art. 50) de la Convention. Elle les a complétées par deux lettres remises pendant les débats.
6. Ces derniers se sont déroulés en public le jour dit, au Palais des Droits de l’Homme à Strasbourg. La Cour avait tenu immédiatement auparavant une réunion préparatoire.
Ont comparu:
- pour le Gouvernement
M. C.J. Schneider, Représentant permanent
des Pays-Bas auprès du Conseil de l’Europe,
délégué de l’agent,
M. E. Korthals Altes, Landsadvocaat, conseil,
Mme W.G. Schimmel-Bonder, du ministère de la Justice, conseiller;
- pour la Commission
M. S. Trechsel, délégué;
- pour les requérants
Mme I. van Westerlaak, avocat,
M. E.A. Alkema, professeur
à l’Université de Groningue, conseils.
La Cour a entendu en leurs plaidoiries et déclarations, ainsi qu’en leurs réponses à ses questions, M. Korthals Altes pour le Gouvernement, M. Trechsel pour la Commission, Mme van Westerlaak et M. Alkema pour les requérants.
FAITS
I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE
7. M. X et sa fille Y sont nés respectivement en 1929 et le 13 décembre 1961. Handicapée mentale, la seconde vivait depuis 1970 dans un foyer privé pour enfants atteints de déficience mentale.
8. Dans la nuit du 14 au 15 décembre 1977, un certain B., gendre de la directrice et habitant avec son épouse dans l’établissement bien qu’il n’y fût pas employé, réveilla la jeune fille; il l’obligea à le suivre dans sa chambre, s’y dévêtir et avoir avec lui des rapports sexuels.
Cet événement, qui eut lieu le lendemain de son seizième anniversaire, traumatisa Y et provoqua chez elle de graves perturbations psychiques.
9. Le 16 décembre 1977, X se rendit à la police locale pour porter plainte et réclamer l’ouverture de poursuites pénales.
Le commissaire lui indiqua qu’il pouvait signer la demande puisqu’il considérait sa fille comme incapable de le faire en raison de son état mental.
Le texte déposé par le requérant se lisait ainsi: "En ma qualité de père, je dénonce les délits commis par B. sur la personne de ma fille. Je le fais parce qu’elle en est elle-même incapable: bien qu’âgée de seize ans, elle demeure psychiquement et intellectuellement une enfant."
10. Le commissaire rédigea un rapport que signa le requérant (articles 163 et 164 du code de procédure pénale). Il informa ultérieurement le parquet que, vu la déclaration du père et ses propres constatations quant à l’état mental de la jeune fille, celle-ci ne lui paraissait pas pouvoir porter plainte elle-même. Selon le directeur et un professeur de l’école qu’elle fréquentait, elle n’avait pas la faculté d’exprimer sa volonté à cet égard.
11. Le 29 mai 1978, le parquet décida provisoirement de ne pas poursuivre B. à condition qu’il ne répétât pas l’infraction dans le délai de deux ans. Le magistrat chargé de l’affaire en avisa le requérant le 27 septembre 1978, au cours d’un entretien.
12. Le 4 décembre 1978, X attaqua la décision du parquet, en vertu de l’article 12 du code de procédure pénale, devant la cour d’appel d’Arnhem qu’il pria d’ordonner des poursuites pénales.
Dans un mémoire complémentaire du 10 janvier 1979, il souligna qu’un représentant légal pouvait agir au nom du plaignant, sous réserve d’exceptions limitativement énumérées dont aucune ne jouait en l’occurrence.
Le 12 juillet 1979, la cour d’appel débouta le requérant. Il lui parut en effet douteux que l’on pût prouver le bien-fondé d’une accusation de viol (article 242 du code pénal, paragraphe 14 ci-dessous). Quant à l’article 248 ter (paragraphe 16 ci-dessous), il aurait trouvé à s’appliquer en l’espèce, mais seulement si la victime avait agi elle-même. Aux yeux de la Cour, la réclamation du père (article 64 par. 1 du code pénal, paragraphe 16 ci-dessous) ne remplaçait pas celle que la jeune fille, âgée de plus de seize ans, aurait dû déposer bien que la police l’eût estimée incapable de le...
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